4,5 millions de Français ont arrêté l’alcool pendant un mois en 2024, un record de participation. 72% réduisent durablement leur consommation après l’expérience. Comment une simple pause transforme-t-elle nos comportements ? Pour Soluble(s), le Pr Mickael Naassila, directeur du seul laboratoire français dédié à l’addiction à l’alcool, explique les mécanismes scientifiques et psychologiques qui font du Défi de janvier la campagne de santé publique la plus efficace sur l’alcool.
📄 Résumé

Des citoyens qui changent leur rapport à l’alcool
Le Défi de janvier (Dry January) invite les Français à faire une pause totale avec l’alcool pendant 31 jours. En 2024, 4,5 millions de personnes ont relevé le défi, et 61% des consommateurs d’alcool connaissaient l’initiative. L’enquête scientifique pilotée par Mickael Naassila et menée par le GRAP (Groupe de Recherche sur l’Alcool et les Pharmacodépendances, INSERM, Université de Picardie Jules Verne) en collaboration avec la Société Française d’Alcoologie et d’Addictologie pour l’édition 2025 confirme des résultats remarquables : 72% des participants affichent une diminution durable de leurs consommations, 70% ressentent une amélioration de leur bien-être psychologique, et 60% constatent une amélioration durable de leur sommeil.

Pour l’édition 2026, un sondage Toluna Harris Interactive réalisé en décembre 2025 révèle que 50% des consommateurs d’alcool français envisagent de participer au Défi de janvier, avec une intention particulièrement forte chez les moins de 35 ans (72%). Parmi eux, 31% prévoient de ne pas boire du tout durant le mois, tandis que 19% réduiront significativement leur consommation. Cette forte adhésion témoigne d’une prise de conscience croissante autour de la santé, notamment depuis la Covid.
« On se dit : faites une pause et puis vous allez voir vous-même ce que vous ressentez de bénéfique pour vous. Et puis vous allez aussi apprendre finalement à comprendre pourquoi vous consommez, quand vous consommez, combien vous consommez« , explique le Pr Naassila.

Un contexte de consommation problématique
Le contexte français impose une vigilance accrue. « On a diminué quand même de soixante pour cent en soixante ans« , observe Mickael Naassila. L’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) constate qu’en 2024, les volumes d’alcool pur mis en vente ont encore baissé de 5,8%, établis à 9,75 litres par habitant.

Pourtant, les hospitalisations augmentent de 3% avec près de 615 000 séjours par an. L’alcool reste responsable d’environ 40 000 morts annuels et demeure la première cause d’hospitalisation. Le binge drinking persiste, notamment chez les femmes. « Dix pour cent de la population consomme soixante pour cent de l’alcool disponible« , souligne le chercheur.

Le Baromètre Santé publique France 2024, publié en décembre 2025, révèle que 22,2% des adultes dépassent les repères de consommation à moindre risque au cours des sept derniers jours. Ces seuils sont pourtant scientifiquement établis : maximum 2 verres par jour, pas tous les jours, et 10 verres par semaine maximum.

La question cruciale des repères de consommation
« Ces repères viennent pas de nulle part, c’est par rapport à un risque de mortalité. On a choisi en France un risque acceptable qui est de un pour cent, c’est à dire un mort sur cent qui va être lié à l’alcool« , explique le Pr Naassila. Au-delà de ces seuils, la mortalité augmente significativement.

Connaître ces seuils permet de se situer personnellement et d’identifier une consommation à risque avant qu’elle ne devienne problématique. C’est précisément l’objectif du Défi de janvier : ancrer ces repères dans les consciences par l’expérimentation.
Comment fonctionne le Défi de janvier
L’approche non-culpabilisante rompt avec les campagnes moralisatrices. « C’est vraiment particulier, il faut s’arrêter deux secondes dessus parce que c’est une campagne qui sort du lot, c’est pas comme avant où on est vraiment basé sur : Attention, si vous buvez, vous allez avoir des risques. Là oui, c’est complètement différent« , explique le chercheur.

Depuis la Covid, la préoccupation pour la santé a augmenté, ce qui explique l’adhésion croissante. Les bénéfices mesurés sont multiples : 45% des participants réduisent significativement leurs dépenses liées à l’alcool, 54% constatent une plus jolie peau, 57% une meilleure concentration, et 58% une perte de poids.

Des prélèvements sanguins révèlent des transformations physiologiques majeures. « Au bout d’un mois, on s’aperçoit qu’il y a plein d’indicateurs qui s’améliorent. C’est-à-dire une glycémie, moins de résistance à l’insuline, des marqueurs du cholestérol, des marqueurs du cancer qui diminuent, des marqueurs aussi de santé hépatique« , détaille l’enseignant-chercheur.

L’exemple de la pression sociale : des stratégies pour dire non
L’impact durable repose surtout sur un mécanisme psychologique : le renforcement de la capacité à dire non. « Les études montrent que les scores sur cette échelle augmentent, c’est à dire qu’on est plus capable, on se sent plus capable de dire non« , précise Mickael Naassila. Cette compétence persiste trois, six, voire neuf mois après le défi.

« On comprend très très vite qu’il y a une pression sociale et qu’on a beaucoup, beaucoup de mal finalement à aussi faire comprendre aux autres que faire une pause dans sa consommation d’alcool, c’est pas mal« . Les participants développent des stratégies concrètes pour naviguer dans un environnement où la pression sociale reste forte.

« Nous dans notre Société française d’alcoologie, on fait aussi des sciences et là on publie différents articles qui montrent que ceux qui utilisent l’application et même ceux qui consomment beaucoup et bien réduisent leur consommation d’alcool au bout d’un mois, voire plus« , souligne le chercheur.
Conseils pratiques et engagement citoyen
Pour les citoyens qui souhaitent relever le défi, le Pr Naassila rappelle les priorités : s’inscrire sur defi-de-janvier.fr, télécharger l’application MyDéfi pour un coaching personnalisé, et se lancer en famille ou entre collègues pour bénéficier de l’effet contagion sociale.
« On sait que c’est un facteur critique pour réussir le défi de janvier, c’est d’être dans une dynamique collective« , insiste-t-il. Le site officiel propose une inscription à l’enquête scientifique et un kit de communication. Les messages ultra-motivants, les conseils personnalisés et les récompenses renforcent positivement le comportement.
Un point de vigilance essentiel : le Défi n’est pas adapté aux personnes alcoolo-dépendantes présentant un trouble de l’usage modéré à sévère. Un arrêt brutal peut provoquer irritabilité, anxiété, tremblements, sueurs, crampes d’estomac, voire delirium tremens ou crises convulsives chez 10 à 20% des personnes ayant un trouble de l’usage important. Ces personnes doivent impérativement consulter leur médecin traitant ou appeler Alcool Info Service.

« Toute consommation d’alcool comporte un risque pour sa santé. L’alcool n’est pas un médicament, c’est plutôt un facteur de risque« , rappelle le président de la Société Française d’Alcoologie. Lever le tabou nécessite que les professionnels de santé abordent la question aussi naturellement qu’ils parlent du tabac. « Quand on aura vraiment lever ce frein majeur qui est le repérage très précoce parce qu’on parlerait très facilement d’alcool, voilà, on doit encore beaucoup travailler là dessus », souligne-t-il. Le parallèle avec le tabac est instructif : pour l’alcool, le chemin reste à parcourir, mais le Défi de janvier contribue à cette évolution culturelle.
Écoutez.
Simon Icard (rédigé avec IA)
POUR ALLER PLUS LOIN
Le site officiel du Défi de janvier : https://defi-de-janvier.fr/
L’application MyDéfi pour un coaching personnalisé : https://mydefi.life/portfolio/
Société Française d’Alcoologie et d’Addictologie (SF2A) : https://sfalcoologie.fr/
Le GRAP (Groupe de Recherche sur l’Alcool et les Pharmacodépendances, INSERM U1247) : https://grap.u-picardie.fr/
Le livre du Pr Mickael Naassila : « J’arrête de boire sans devenir chiant » (éditions Solar) : https://www.lisez.com/livres/jarrete-de-boire-sans-devenir-chiant/9782263189913

À SAVOIR
En cas de besoin d’aide concernant l’alcool (France) :
Alcool Info Service : 0 980 980 930
Ouvert tous les jours de 8h à 2h du matin
Appel anonyme et non surtaxé
En ligne :
Site : https://www.alcool-info-service.fr/
Chat en ligne disponible

Document : Alcool Info Service.
TIMECODES
00:00 Introduction : comment une pause transforme notre rapport à l’alcool
02:11 Parcours du Pr Naassila : 30 ans de recherche sur l’alcool
03:18 Le paradoxe français : consommation en baisse, hospitalisations en hausse
05:00 Définition du binge drinking : 6-7 verres en 2h
05:52 Repères de consommation à moindre risque : 2 verres/jour max, 10/semaine
07:04 À qui s’adresse le Défi de janvier ?
09:12 Idées reçues : l’alcool n’est pas bon pour la santé
10:15 Les repères basés sur un risque de mortalité de 1%
13:05 Pourquoi le Défi de janvier fonctionne : dimension non-culpabilisante
14:31 Depuis la Covid : préoccupation accrue pour la santé
15:06 Effets mesurés 3, 6, 9 mois après : réduction durable
16:13 Outils concrets : site defi-de-janvier.fr et application MyDéfi
18:38 Études scientifiques sur l’efficacité de l’application
18:59 Bénéfices physiologiques mesurés au bout d’un mois
19:39 Prélèvements sanguins : glycémie, cholestérol, marqueurs du cancer
21:30 Point de vigilance : personnes alcoolo-dépendantes
22:50 Accompagnement nécessaire : médecin traitant, Alcool Info Service
23:40 Boissons sans alcool : alternative ou piège marketing ?
25:02 Freins psychologiques : conditionnement dès l’enfance
27:00 Lever le tabou avec les professionnels de santé
29:00 Conseils pour les fêtes : boire lentement, manger, alterner avec de l’eau
29:40 Conclusion : bon Défi de janvier à tous, sans pression !
30:14 Fin
Crédits photos d’illustration : Pexels – Portraits de l’invité : DR.
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