Dans un épisode de Soluble(s), le Pr Mickaël Naassila, directeur du GRAP et président de la Société Française d’Alcoologie, explique pourquoi le Défi de janvier fonctionne et comment 4,5 millions de Français ont changé durablement leurs habitudes en 2024. Voici un résumé sous forme de questions-réponses.
1. Qu’est-ce que le Défi de janvier ?
Le Défi de janvier (Dry January) invite les citoyens à faire une pause totale avec l’alcool pendant 31 jours, dès le premier jour de l’année. Lancée au Royaume-Uni, cette campagne est portée en France depuis 2020 par une soixantaine d’organisations, dont des associations de santé publique et des collectivités. En 2024, 4,5 millions de personnes ont relevé le défi, et 61% des consommateurs d’alcool connaissaient cette initiative.
2. Pourquoi cette campagne fonctionne-t-elle si bien ?
L’approche est non-culpabilisante. « On se dit : faites une pause et puis vous allez voir vous-même ce que vous ressentez de bénéfique pour vous. Et puis vous allez aussi apprendre finalement à comprendre pourquoi vous consommez, quand vous consommez, combien vous consommez », explique le Pr Naassila. Contrairement aux campagnes moralisatrices, le Défi de janvier invite à l’auto-observation et à l’expérimentation personnelle sans brandir la menace.
3. Quels sont les résultats mesurés scientifiquement ?
L’enquête GRAP-SF2A 2025, pilotée par Mickaël Naassila, révèle que 72 % des participants réduisent durablement leur consommation, 70 % améliorent leur bien-être psychologique, et 60 % dorment mieux. Sur le plan physique, 58 % perdent du poids, 57 % gagnent en concentration, et 54 % constatent une plus jolie peau. Ces effets persistent trois, six, voire neuf mois après le défi.
4. Quels sont les repères de consommation à moindre risque ?
Les repères scientifiques sont clairs : maximum 2 verres par jour, pas tous les jours, et 10 verres par semaine maximum. « Ces repères viennent pas de nulle part, c’est par rapport à un risque de mortalité. On a choisi en France un risque acceptable qui est de un pour cent, c’est à dire un mort sur cent qui va être lié à l’alcool », précise le chercheur. Le Baromètre Santé publique France 2024 révèle que 22,2% des adultes dépassent ces seuils.
5. Que se passe-t-il dans le corps après un mois sans alcool ?
Des prélèvements sanguins révèlent des transformations majeures. « Au bout d’un mois, on s’aperçoit qu’il y a plein d’indicateurs qui s’améliorent. C’est-à-dire une glycémie, moins de résistance à l’insuline, des marqueurs du cholestérol, des marqueurs du cancer qui diminuent, des marqueurs aussi de santé hépatique », détaille le Pr Naassila. La pression artérielle peut baisser et l’organisme retrouve une sensibilité à l’alcool.
6. Comment le Défi aide-t-il à résister à la pression sociale ?
L’impact durable repose sur le renforcement de la capacité à dire non. « Les études montrent que les scores sur cette échelle augmentent, c’est à dire qu’on est plus capable, on se sent plus capable de dire non », précise le chercheur. Les participants développent des stratégies concrètes pour naviguer dans un environnement où la pression à consommer reste forte, et cette compétence persiste plusieurs mois après.
7. Quels outils concrets pour réussir le Défi ?
Le site defi-de-janvier.fr et l’application MyDéfi proposent un coaching personnalisé qui s’adapte au niveau de consommation. Les messages motivants, les conseils personnalisés et les récompenses renforcent positivement le comportement. « Nous dans notre Société française d’alcoologie, on fait aussi des sciences et là on publie différents articles qui montrent que ceux qui utilisent l’application et même ceux qui consomment beaucoup et bien réduisent leur consommation d’alcool au bout d’un mois, voire plus », souligne le chercheur.
8. L’effet de groupe joue-t-il un rôle ?
Absolument. « On sait que c’est un facteur critique pour réussir le défi de janvier, c’est d’être dans une dynamique collective », insiste le Pr Naassila. Se lancer en famille, entre collègues ou entre amis multiplie les chances de succès. Adhérer à la dynamique via les réseaux sociaux et l’inscription sur le site favorisent également la réussite.
9. À qui le Défi ne s’adresse-t-il pas ?
Le Défi n’est pas adapté aux personnes alcoolo-dépendantes présentant un trouble de l’usage modéré à sévère. Un arrêt brutal peut provoquer irritabilité, tremblements, sueurs, voire delirium tremens ou crises convulsives chez 10 à 20% des personnes ayant un trouble important. Ces personnes doivent impérativement consulter leur médecin ou appeler Alcool Info Service au 0 980 980 930 (8h-2h, tous les jours).
10. Comment lever le tabou de l’alcool comme on l’a fait pour le tabac ?
« Toute consommation d’alcool comporte un risque pour sa santé. L’alcool n’est pas un médicament, c’est plutôt un facteur de risque », rappelle le président de la Société Française d’Alcoologie. Lever ce tabou nécessite que les professionnels de santé abordent la question aussi naturellement qu’ils parlent du tabac. « Quand on aura vraiment lever ce frein majeur qui est le repérage très précoce parce qu’on parlerait très facilement d’alcool, voilà, on doit encore beaucoup travailler là dessus », souligne-t-il. Le Défi de janvier contribue à cette évolution culturelle en rendant légitime le fait de questionner sa consommation.[
Simon Icard (avec IA)
POUR ALLER PLUS LOIN
Le site officiel du Défi de janvier : https://defi-de-janvier.fr/
L’application MyDéfi pour un coaching personnalisé : https://mydefi.life/portfolio/
Société Française d’Alcoologie et d’Addictologie (SF2A) : https://sfalcoologie.fr/
Le GRAP (Groupe de Recherche sur l’Alcool et les Pharmacodépendances, INSERM U1247) : https://grap.u-picardie.fr/
Le livre du Pr Mickael Naassila : « J’arrête de boire sans devenir chiant » (éditions Solar) : https://www.lisez.com/livres/jarrete-de-boire-sans-devenir-chiant/9782263189913

À SAVOIR
En cas de besoin d’aide concernant l’alcool (France) :
Alcool Info Service : 0 980 980 930
Ouvert tous les jours de 8h à 2h du matin
Appel anonyme et non surtaxé
En ligne :
Site : https://www.alcool-info-service.fr/
Chat en ligne disponible

Document : Alcool Info Service.
TIMECODES
00:00 Introduction : comment une pause transforme notre rapport à l’alcool
02:11 Parcours du Pr Naassila : 30 ans de recherche sur l’alcool
03:18 Le paradoxe français : consommation en baisse, hospitalisations en hausse
05:00 Définition du binge drinking : 6-7 verres en 2h
05:52 Repères de consommation à moindre risque : 2 verres/jour max, 10/semaine
07:04 À qui s’adresse le Défi de janvier ?
09:12 Idées reçues : l’alcool n’est pas bon pour la santé
10:15 Les repères basés sur un risque de mortalité de 1%
13:05 Pourquoi le Défi de janvier fonctionne : dimension non-culpabilisante
14:31 Depuis la Covid : préoccupation accrue pour la santé
15:06 Effets mesurés 3, 6, 9 mois après : réduction durable
16:13 Outils concrets : site defi-de-janvier.fr et application MyDéfi
18:38 Études scientifiques sur l’efficacité de l’application
18:59 Bénéfices physiologiques mesurés au bout d’un mois
19:39 Prélèvements sanguins : glycémie, cholestérol, marqueurs du cancer
21:30 Point de vigilance : personnes alcoolo-dépendantes
22:50 Accompagnement nécessaire : médecin traitant, Alcool Info Service
23:40 Boissons sans alcool : alternative ou piège marketing ?
25:02 Freins psychologiques : conditionnement dès l’enfance
27:00 Lever le tabou avec les professionnels de santé
29:00 Conseils pour les fêtes : boire lentement, manger, alterner avec de l’eau
29:40 Conclusion : bon Défi de janvier à tous, sans pression !
30:14 Fin
Crédits photos d’illustration : Pexels – Portraits de l’invité : DR.
_
Ecouter aussi
Pourquoi la cocaïne explose en France et comment en sortir ?
Santé mentale : Ce que peut (vraiment) la psychiatrie – Avec Dr David Masson
Climat – S’adapter à +4 °C en France : mode d’emploi – Avec Gonéri Le Cozannet




