4,5 millions de Français ont arrêté l’alcool pendant un mois en 2024, un record de participation. 72% réduisent durablement leur consommation après l’expérience. Comment une simple pause transforme-t-elle nos comportements ? Pour Soluble(s), le Pr Mickael Naassila, directeur du seul laboratoire français dédié à l’addiction à l’alcool, explique les mécanismes scientifiques et psychologiques qui font du Défi de janvier la campagne de santé publique la plus efficace sur l’alcool.
📄 Résumé
Transcription (Automatisée)
– Simon Icard : Ravi de vous savoir à l’écoute et bienvenue dans un nouvel épisode de Soluble(s). Aujourd’hui, on se demande comment une pause, un mois sans boire d’alcool, peut transformer durablement notre rapport à cette boisson. On va voir que c’est un tremplin pour se poser les bonnes questions. Bonjour professeur Mickael Naassila.
– Mickael Naassila : Bonjour !
– Simon Icard : Tu es un enseignant-chercheur, l’un des importateurs du mois sans alcool en France, une campagne de santé publique qui est née au Royaume-Uni. Elle est portée dans l’Hexagone par une soixantaine d’organisations, des associations de la société civile, des collectivités qui, depuis deux mille vingt, aident les gens qui le souhaitent à relever le défi de ne pas boire une goutte d’alcool pendant un mois, dès le premier jour de l’année. Tu diriges le groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances. Le GRAP s’est basé à Amiens, en Picardie. Et je te reçois aussi parce que tu présides la Société française d’alcoologie, et tu es l’auteur d’un ouvrage dont le titre pourrait donner le ton à notre épisode : « J’arrête de boire sans devenir chiant », un ouvrage paru aux éditions Solar. On va donc parler ensemble de cette fameuse relation compliquée des Français à l’alcool, un produit psychoactif solidement ancré dans la culture, dans la vie sociale, dont la consommation diminue mais se transforme. On le sait, sa prise régulière et excessive emporte de graves conséquences qui en font un véritable problème de santé publique. Plus de deux cents maladies et quarante mille morts par an, des milliers de décès évitables. Mais des solutions sont là et d’immenses progrès ont été faits depuis trente ans. On va aller dans le détail de tous ces outils à la main des citoyens. Alors que quatre virgule cinq millions de Français avaient fait le le Dry January l’année dernière. Mais d’abord, on a envie d’en savoir plus sur toi, sur ton parcours. Depuis trente ans, tu travailles sur ces sujets. Comment tu t’es retrouvé à te consacrer à ces questions, à t’engager dans cette voie?
– Mickael Naassila : Et bien en fait ça remonte à longtemps. C’est mon premier stage de de fac. Un premier stage en laboratoire, en licence. Voilà, donc j’ai commencé par un stage où je regardais. J’ai étudié les mécanismes par lesquels l’alcool modifie la libération de neurotransmetteurs dans le cerveau. Voilà mon tout premier stage et j’ai eu l’occasion très vite d’aller à des congrès internationaux, notamment les plus gros congrès sur l’alcool au monde qui avaient lieu aux États-Unis. Et là, je me suis aperçu qu’il y avait très, très peu de chercheurs français. Ça, ça m’avait beaucoup interpellé. Je me suis dit : Tiens, c’est quand même bizarre parce que c’est un problème quand même de santé publique majeur, comme tu l’as rappelé. Et je me suis dit que, là, il y avait quelque chose et Et finalement j’ai continué en master, en thèse, puis j’ai fait un post-doc aux États-Unis et donc je suis resté dans la thématique alcool. Et c’est pas simplement de la recherche. Je me suis aperçu ensuite que c’était vraiment aussi une grosse responsabilité en termes de prévention, de politiques publiques. Et voilà, je suis resté euh, voilà, à mes premières amours, euh qui qui sont la la la recherche sur l’alcool. Il y a vraiment quelque chose à défendre de spécifique vraiment en France relativement à ce sujet.
Le paradoxe de la consommation d’alcool en France
– Simon Icard : La France et son paradoxe. Quand on regarde les chiffres, les derniers chiffres de deux mille vingt-quatre qui ont été publiés en fin d’année deux mille vingt-cinq, on a un constat assez particulier les Français boivent moins, un peu moins de dix litres d’alcool pur par an et par habitant, c’est en baisse de cinq virgule huit pour cent. Mais. Mais dans le même temps, les hospitalisations pour alcool augmentent de trois pour cent avec près de six cent quinze mille séjours. L’alcool, c’est environ quarante mille morts par an est la première cause d’hospitalisation. Est-ce que je dois comprendre qu’il y a un paradoxe. On boit moins souvent, mais plus dangereusement ?
– Mickael Naassila : Effectivement, on constate avec plaisir que les indicateurs ont tendance à être un peu au vert maintenant sur les addictions en général et sur l’alcool. On diminue. On a diminué quand même de soixante pour cent en soixante ans. C’est à dire que quand même, on voit que les comportements changent beaucoup. Mais par contre il y a certains comportements type consommation, binge drinking, c’est-à-dire boire beaucoup en une occasion, qui persistent et notamment chez les femmes. Voilà, donc il y a certaines. Et puis il y a toujours quand même dix pour cent de la population qui consomme la majorité, on parle de soixante pour cent de l’alcool disponible. Donc, ça veut dire quand même que la consommation problématique chez une certaine proportion de la population demeure. Et donc ça, voilà, ça reste un problème, même si les indicateurs épidémiologiques nous montrent que c’est ça semble s’améliorer en population générale, on voit quand même que la consommation problématique est toujours là. Il y a toujours une grosse problématique de de pathologies liées à l’alcool, de personnes qui vont développer des troubles de l’usage d’alcool. Et puis ce comportement, un petit peu de consommation excessive, répétée qui perdure.
– On considère que la consommation est excessive, en tout cas le binge drinking lorsqu’on dépasse six verres d’un coup dans une même soirée pour un adolescent, cinq verres pour un adulte, c’est ça?
– Alors voilà, on a tendance à dire, à utiliser en France « alcoolisation ponctuelle importante ». Donc ces cinq verres par occasion ou six verres par occasion respectivement pour un ado ou un adulte. Mais nous, on prend des définitions un peu plus opérationnelles, on va dire six, sept verres, six pour une femme, sept verres en une occasion et une occasion courte, plutôt deux heures. Voilà. Avec des alcoolémies qui montent et des conséquences de sa consommation, avec potentiellement des pertes de mémoire ou une gueule de bois le lendemain. Et puis c’est un seuil assez bas, puisqu’on s’aperçoit aussi qu’il y a pas mal de personnes qui qui ont fait ce ce seuil de consommation, mais multiplié par deux ou par trois. Donc, il y a des comportements vraiment qui peuvent être très, très excessifs. Alors ça, c’est quand. Voilà, c’est c’est un indicateur, Mais sachez quand même que le repère actuel qu’il faut prendre, c’est plus de deux verres par jour ou dix verres par semaine. Et ça, ça va concerner plus de environ vingt à vingt cinq pour cent de la population. Donc, il y a, il y a ce qu’on va appeler la consommation excessive ou à risque plutôt, et puis des des comportements très à risque qui vont être le comportement dit de binge drinking ou d’alcoolisation ponctuelle importante.
Le Défi de Janvier : un outil de prise de conscience
– On reste deux minutes sur les chiffres pour continuer de bien planter ce décor, contrasté. Le baromètre Santé publique France deux mille vingt-quatre indiquait qu’un Français, un adulte français sur cinq, dépasse ses repères, dont tu parlais les repères de consommation à moindre risque. Donc plus de deux verres par jour, pas tous les jours, maximum dix verres par semaine. Ça, c’est facile à retenir. Et dans cette proportion, seule une personne sur quatre veut réduire sa consommation d’alcool. Alors où est l’éventuelle volonté de changer sa sa consommation? En France, peu d’adultes ont envie de réduire leur consommation, constate Santé publique. Est ce qu’ils sont dans le déni parce qu’ils ne savent pas qu’il boive trop? Et ça me fait poser la question assez naturelle à qui s’adresse le Dry January? Est-ce qu’il s’adresse à ces vingt pour cent qui qui veulent changer? Ou aux quatre-vingts pour cent qui n’ont pas l’impression de devoir changer les choses?
– Alors c’est exactement ça. Alors moi je préfère parler du Défi de janvier. Nous on a on réattaque très fort sur. On essaie de franciser, c’est pas très joli, mais. Mais cette campagne très positive avec un défi de janvier. L’idée c’est de se lancer un défi. Alors c’est vrai que Dry January deux mille treize en Angleterre, mais il faut savoir que c’est Les représentations sont un peu fausses. En fait cétait le Dry July déjà en deux mille huit en Australie, donc c’est bien avant ça. Et voire même c’est les Français en quatre-vingt-quatre avec le Défi brestois déjà en quatre-vingt-quatre où les Français avaient dit Et à Brest, on avait dit la ville de Brest avait dit lancez-vous le défi de ne pas boire pendant trois jours, parce que déjà on a on a identifié que l’alcool pouvait poser problème. Donc oui, l’idée c’est exactement ça, c’est on va cibler les personnes qui sont au-dessus de ces repères et qui ont une consommation à risque. Et l’idée c’est de leur faire prendre conscience qu’ils ont une consommation à risque et de justement de avec cette prise de conscience, de se dire oui, je peux changer de comportement et donc je peux réussir à réduire ma consommation d’alcool. Et je vais justement avec cette campagne, expérimenter des effets bénéfiques qui vont me faire comprendre que je bois un petit peu trop, comme ce que tu viens de dire. Mais l’idée c’est vraiment d’ancrer ces repères parce que tout part de ces repères de consommation. Il faut faire le point, savoir où on en est pour identifier qu’on a une consommation à risque pour sa santé. Et assez simplement, je dirais, si on n’est pas trop loin de ces seuils, on arrive. Mais attention, même des personnes qui vont consommer beaucoup plus ont tendance aussi à se lancer. Le défi de janvier. Donc voilà, c’est finalement, je dirais quand même que c’est une opération qui est faite un petit peu pour tous, mais qui est conçue effectivement pour ceux qui ont une consommation dite à risque.
Comprendre les risques et déconstruire les mythes
– Deux verres par jour, pas tous les jours, maximum dix verres par semaine. Donc ça c’est les repères de consommation, les repères pour se pour se situer en effet. Mais que faut-il retenir pour s’interroger efficacement dans son rapport à l’alcool? Car les Français ont entendu beaucoup de messages parfois contradictoires, comme boire avec modération, évidemment, le vin parfois est présenté comme bon pour la santé. Alors ça c’est un préjugé faux. Comment on se situe soit même dans toutes ces recommandations ou fausses croyances?
– Alors juste, il faut dire que ces repères, déjà ils viennent pas de nulle part, c’est par rapport à un risque de mortalité. On a choisi en France un risque acceptable qui est de un pour cent, c’est à dire un mort sur cent qui va être lié à l’alcool. Et justement, le repère, on arrive. Deux verres par jour, dix jours par semaine après, pardon, dix verres par semaine, la mortalité augmente. Donc voilà, ces repères veulent vraiment dire quelque chose. En dessous, on va dire que vous êtes à moindre risque. Et donc vraiment, ce qui a changé depuis deux mille dix-sept, c’est cette notion de dire attention et beaucoup, en se basant sur le cancer, que toute consommation d’alcool comporte un risque pour sa santé. Et je reviendrai au slogan que tu as évoqué. Oui, en France, euh c’est euh l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. Ça c’était le message de vraiment de nos autorités de santé. Et les alcooliers ont rajouté à consommer avec modération. Voilà. Donc vous voyez, ils ont tempéré un petit peu ça en incitant à consommer. Donc, c’est vraiment important de comprendre que les effets de l’alcool sur sa santé vont dépendre de beaucoup de choses, de sa santé actuelle. Est-ce qu’on est malade? et donc l’alcool peut aggraver ou accélérer certaines pathologies. Je pense notamment à l’hypertension, une maladie du foie donc on ne peut pas raisonner simplement dans un repère comme ça, dans le vide. Mais il faut, faut vraiment rapporter ça, rapporter ça à soi. Et puis par exemple, si on est une personne âgée, si on prend beaucoup de médicaments, l’alcool va aussi avoir un impact sur sa santé. Donc ça, c’est important de de comprendre ça. Alors maintenant, oui, il faut arrêter de fantasmer sur les effets bénéfiques parce qu’en fait, tout ça, ça s’est écroulé depuis une dizaine, une quinzaine d’années avec l’arrivée de ce qu’on appelle des méta-analyses. Maintenant, on va faire des analyses de toutes les études et en fait, tout ce qui a pu conduire à des effets potentiellement bénéfiques ou protecteurs se sont écroulés. Parce qu’il y a des biais méthodologiques. C’était beaucoup basé sur des déclarations, c’est très observationnel. Et quand on prend maintenant des techniques beaucoup plus solides méthodologiquement, par exemple, il faut savoir qu’on peut deviner, estimer sa consommation d’alcool en se basant sur des critères purement génétiques. On n’a même plus besoin de demander à quelqu’un combien consomme. On peut simplement, avec ces mutations génétiques, savoir quel niveau de consommation il a. Et quand on prend cette technique-là, on ne voit plus du tout ces fameuses courbes en U ou en J. C’est plutôt linéaire, c’est-à-dire que dès qu’on consomme, les risques augmentent. Voilà, donc effectivement je voudrais juste clore ce débat là-dessus, c’est-à-dire que les études s’accordent pour dire que tout ce qui est potentiellement bénéfique s’annule. D’accord, donc ça c’est important et que même même même si ces effets bénéfiques existent, ils sont bien en dessous de ces repères de consommation. Donc voilà, il n’y a pas de problème si vous respectez les repères. Voilà. Mais on ne va pas non plus inciter à boire. L’alcool n’est pas un médicament, c’est plutôt un facteur de risque. Et il faut faire très attention parce que là, nous, on va communiquer très fort sur, par exemple, l’interaction alcool tabac. Si vous avez d’autres facteurs de risque, l’alcool va agir comme un facteur multiplicateur de risque pour son foie, pour son cœur, pour son cerveau.
La force de la dynamique collective et des outils numériques
– L’alcool est un produit à risque, pas plus de deux verres. Ça veut bien dire qu’on peut évidemment tout à fait évidemment ne pas en boire si on le souhaite. Il n’y a pas d’incitation à consommer. C’est beaucoup plus clair cette notion de consommation à moindre risque. L’alcool est tout de même toujours vu comme quelque chose de festif et positif. Il ne s’agit pas de culpabiliser les gens non plus. Mais le défi de janvier est une campagne dont les résultats sont encourageants. Quatre virgule cinq millions de Français ont participé au dernier défi en date, cinquante huit pour cent d’entre eux continuaient de boire au moins huit mois après janvier, selon les études que vous avez fait passer. Après, quels sont les ressorts qui fonctionnent avec ce défi de janvier? Il y a une dimension sociale et non-culpabilisante justement ?
– Alors voilà, l’idée c’est pas de … C’est vraiment particulier, il faut s’arrêter deux secondes dessus parce que c’est une campagne qui qui sort du lot, c’est pas comme avant où on est vraiment basé sur. Attention, si vous buvez, vous allez avoir des risques. Là oui, c’est complètement différent. On se dit faites une pause et puis vous allez voir vous-même ce que vous ressentez de bénéfique pour vous. Et puis vous allez aussi apprendre finalement à comprendre pourquoi vous consommez, quand vous consommez, combien vous consommez, pourquoi vous consommez et peut-être vous apercevoir qu’on consomme pas au-dessus des repères et qu’il faut faire quelque chose. Ceux qui le font de toute façon beaucoup, c’est parce que ils ils se préoccupent de leur santé, ils pensent aussi boire au-dessus des repères, donc ils se disent il faut que je le fasse. Donc vous voyez que voilà, on attire beaucoup de ces personnes qui. Et depuis la Covid notamment, on se préoccupe beaucoup plus de sa santé et on comprend, je pense qu’on comprend beaucoup mieux que l’alcool a un impact. C’est pour ça que ça, c’est pour ça que ça fonctionne. Et donc on apprend aussi à comprendre l’environnement dans lequel on navigue et on s’aperçoit que la pression sociale est très forte. Et donc on apprend des stratégies pour éviter de consommer ou dire à quelqu’un qu’on n’a pas envie de consommer ou qu’on fait le défi de janvier. Et ça, c’est un gros travail finalement sur soi, psychologique. Et en fait, on s’aperçoit que s’il y a des effets à aussi long terme, et c’est vraiment surprenant qu’une campagne comme ça, populationnelle générale, on arrive à mesurer trois mois, six mois, voire neuf mois après une réduction de la consommation d’alcool ou des épisodes de binge drinking, par exemple. C’est parce qu’on a développé ces stratégies. En fait, c’est prouvé scientifiquement, avec des échelles vraiment scientifiques sur sa capacité ou son sentiment à pouvoir refuser de consommer. Donc ça, c’est vraiment très fort. En fait, les études montrent que les scores sur cette échelle augmentent, c’est-à-dire qu’on est plus capable, on se sent plus capable de dire non et peut être de faire comprendre à l’autre que eh bien on a envie de changer de comportement et que et que finalement on interpelle les autres aussi. Parce que finalement, c’est ça l’idée, c’est que on comprend très très vite qu’il y a une pression sociale et qu’on a beaucoup, beaucoup de mal finalement à aussi faire comprendre aux autres que faire une pause dans sa consommation d’alcool, c’est pas mal.
– C’est intéressant cette notion de pression sociale. Évidemment, on la ressent tous dans nos vies quotidiennes, qu’on soit consommateur ou pas d’alcool d’ailleurs. Un site internet et une application officielle permettent de recevoir des e-mails d’accompagnement. L’application également permet de se situer. Quels sont les outils concrets, les ressources qui sont mobilisées justement pour relever ce défi pendant trente et un jours en janvier ?
– Alors ce qui est super, c’est que les médias reprennent très très fort. Donc normalement, normalement, on ne doit pas échapper à la communication du Défi de janvier. Alors là, ce qui est, ce qui est très, très important, c’est de d’adhérer à cette dynamique. Donc moi, ce que je conseille fortement, c’est de s’inscrire sur sur le site Internet, comme ça vous recevez des informations. Bon, pas trop d’informations hein, mais quelques informations quand même. Et puis comme ça aussi vous pouvez aussi, donc par e-mail par exemple, et puis surtout sur les réseaux sociaux, Euh, et puis parce que c’est très important, parce qu’il y a l’effet contagion sociale, et on sait que c’est un facteur critique pour réussir le défi de janvier, c’est d’être dans une dynamique collective. Voilà, parce qu’on reçoit ces messages, euh, on a, on a les. On a les informations, on est capable aussi d’expliquer aux autres plus facilement pourquoi on le fait, de mobiliser d’autres personnes. Et donc il y a cet effet contagion et on aime bien dire que ça fonctionne d’autant mieux qu’on va se lancer le défi avec ses collègues, avec les personnes de sa famille. Donc ça, ça marche très fort. C’est vraiment important parce que ça a été démontré que ça contribue à l’efficacité, à réussir le défi, voire à consommer moins, euh, sur le long terme. Et puis il y a ces fameux applications smartphones. Donc, moi, je je, je, je vraiment je recommande très fort de télécharger une application qui s’appelle My Défi parce que elle est vraiment faite, euh, dans ce sens d’ailleurs, pour le défi de janvier, elle va s’appeler. Elle s’appelle My Défi de janvier. Et donc vous recevez des des conseils ultra-personnalisés et surtout c’est du coaching, c’est-à-dire que elle s’adapte à votre niveau de consommation, elle est très facile à utiliser. Et puis vous allez recevoir des informations qui vont s’adapter à l’évolution de votre consommation d’alcool. C’est vraiment toujours positivement à renforcer votre comportement et à et à vous inciter toujours à maintenir ou au moins essayer de diminuer ou au moins maintenir, si si vous aviez du mal à remplir ce défi. C’est vraiment très, ultra-motivant parce que c’est des messages que vous recevez souvent et qui sont qui sont vraiment très positifs et qui aident beaucoup, vraiment. Et vous êtes récompensé quand vous quand vous réussissez ce défi. Donc, c’est vraiment, je dirais, les outils principaux, c’est c’est d’être finalement de faire partie de cette dynamique sociale sur internet, sur les réseaux et puis via une application smartphone. Juste aussi, je voudrais juste dire deux mots, c’est que pareil, c’est enfin nous dans notre Société française d’alcoologie, on fait aussi des sciences et là on publie différents articles qui montrent que ceux qui utilisent l’application et même ceux qui consomment beaucoup et bien réduisent leur consommation d’alcool au bout d’un mois, voire plus. Donc c’est vraiment, vraiment important.
Les bénéfices physiologiques d’un mois sans alcool
– Alors tous les liens et les infos pratiques sont dans la description de l’épisode. Vous pourrez les retrouver facilement. Qu’est-ce qui se passe concrètement dans le corps et dans la tête quand on fait une pause d’un mois durant? Quels sont les effets mesurés pour les personnes? – Alors les effets mesurés, je ne vais pas trop revenir sur tout ce que tout le monde sait, parce que très vite, ce qu’on constate, c’est des effets meilleure concentration, plus d’énergie, une peau, une plus belle peau, plus belle chevelure. Voilà, on retrouve, on retrouve des aspects cognitifs, on se sent mieux. Certains aussi disent je fais des économies finalement, parce qu’on s’aperçoit que l’alcool, finalement, ça coûte cher. Et puis moi, le physiologiste que je suis, je suis vraiment très surpris parce que vous avez des études scientifiques où on a fait des prélèvements sanguins au bout d’un mois, et on s’aperçoit qu’il y a plein d’indicateurs qui s’améliorent. C’est-à-dire que une glycémie, moins de résistance à l’insuline, c’est quand même un état prédiabétique. Parce que l’alcool, ça joue beaucoup sur la régulation de la glycémie, des marqueurs du cholestérol, des marqueurs du cancer. Imaginez un petit peu, au bout d’un mois, on voit certains marqueurs qui sont impliqués dans le cancer, qui diminuent, qui diminuent, des marqueurs aussi de santé hépatique. Donc voilà, il y a la pression artérielle parce que l’alcool est un très bon hypertenseur, votre pression artérielle peut chuter un petit peu, et puis vous pouvez perdre du poids parce que l’alcool, effectivement, c’est beaucoup de calories. Donc, en fait, là, on a cinq, six critères qui s’améliorent fortement. Et ça, c’est c’est visible, c’est du vécu. Parce que voilà, les autres critères soient. Bon, ça paraît un petit peu anecdotique quand on les ressent très vite, mais quand même, une physiologie. Et puis je voudrais juste dire quand même que, quand je discute avec des personnes qui le font et qui s’aperçoivent en fait, que, quand elles reprennent la consommation d’alcool, elles sentent peut-être qu’elles sont plus sensibles aux effets de l’alcool. Et ça, ça veut vraiment dire que votre organisme s’est habitué à un peu d’alcool, que peut-être vous buvez tout le temps. Effectivement, votre foie, il tolère, il s’habitue à l’alcool. Et en fait, quand vous arrêtez un moment et que vous reprenez, vous risquez de ressentir un petit peu ces effets, un petit peu. Et ça, c’est un signe que l’alcool a bien des effets sur votre physiologie. Ça, c’est important.
Vigilance : le cas de la dépendance sévère
– Alors, un point de vigilance, j’ai lu en préparant l’interview les personnes qui sont alcoolo-dépendantes. Ont. Doivent faire attention avec cet cet arrêt de l’alcool et être accompagnées. Est-ce que tu peux nous le préciser?
– Oui, alors ça c’est un point super-important, vraiment. Comme j’ai dit tout à l’heure, cette campagne c’est vraiment fait pour ceux qui ont une consommation à risque, mais pas qui ont un trouble de l’usage modéré à sévère parce que tout de suite, s’ils ressentent, mais ils le savent très bien, en fait, ces personnes, quand elles essayent d’arrêter, si elles ressentent des signes, quand un arrêt brutal comme ça, ça peut entraîner des signes vraiment, euh, ben classiques. Irritabilité, anxiété, angoisse, tremblements, sueurs, crampes d’estomac, voire voire le stade ultime, ce qu’on peut appeler un delirium tremens ou des crises convulsives généralisées … convulsions. Oui, ça veut bien dire ce que ça veut dire. Donc ça, ça peut arriver chez dix, quinze, vingt pour cent des personnes qui seraient qu’ont vraiment un trouble de l’usage important. Et donc ces personnes-là, il faut vraiment qu’elles se fassent suivre accompagner, voire peut-être plus pour elle. Ce qui peut être plus opportun, c’est une diminution progressive plutôt qu’un sevrage. Parce que là on parle carrément de sevrage, un arrêt, un arrêt important. Donc c’est. Mais il faut en discuter parce que cette campagne là, même si c’est pas vraiment la cible, voilà, on pense beaucoup à ces personnes là quand même, et en plus on s’aperçoit, moi je le vois avec notre application smartphone, c’est qu’on voit des participants qui ont des forts niveaux de consommation d’alcool. Voilà. Donc ça veut dire qu’il y a aussi des personnes qui ont, qui consomment beaucoup et qui essayent de faire ce défi. Donc il faut vraiment aussi leur parler et leur dire voilà, c’est le moment. Les professionnels de santé sont prêts, ils ont entendu parler de cette campagne. Donc il ne faut pas hésiter à en parler. Peut-être que eux ils vous en parleront aussi. Donc faut pas hésiter. C’est aussi pour ça cette campagne, c’est l’occasion de de lever le tabou sur la consommation d’alcool et que, en fait, on en profite pour qu’un professionnel de santé, vous voilà, vous y vous incite peut être à être pris en charge pour cette. Pour ce trouble. – Son médecin traitant ou on peut même téléphoner à Alcool Info Service. Je mets le numéro dans la description 0 980 980 930. C’est ouvert tous les jours, quasiment vingt-quatre heures sur vingt-quatre, de huit heures à deux heures du matin.
Alternatives sans alcool et pression sociale
En t’écoutant parler du Défi de janvier anciennement Dry January, ou en tout cas en anglais, je me dis qu’il y a aussi de nouvelles bouteilles qui font de plus en plus leur place sur les tables en ce moment. Les vins sans alcool, les bières sans alcool. Les rayons se remplissent, les marques se font connaître aussi à cette occasion. Est-ce que c’est une alternative pour aider les gens à réduire leur consommation, ou ça entretient quand même cette mythologie ou le romantisme parfois qu’on associe à l’alcool?
– Alors c’est une très bonne question et c’est une problématique en soi. Ces consommations, ces consommations de boissons désalcoolisées ou sans alcool. Bon, on ne va pas on va être assez pragmatique. C’est vrai que c’est bien. Il faut une offre alternative et attractive. Voilà. Mais moi je rêverais aussi d’un rayon spécifique qu’on n’ait pas besoin d’aller dans un rayon alcool pour trouver du sans alcool. Parce que effectivement, les personnes qui ont une consommation, on va dire, problématique au sens large, eh bien c’est assez ambivalent et ça peut être risqué, c’est-à-dire que effectivement ça peut redéclencher une envie très forte et incontrôlable de consommer de l’alcool. Donc il faut faire attention et il ne faut pas être naïf aussi, c’est-à-dire que des alcooliers s’engagent dans la production de ces boissons pour en même temps faire la publicité sur les boissons alcoolisées. Donc là voilà, on navigue un petit peu, voilà, en eaux, en eaux troubles avec ces avec ces boissons, je veux dire, c’est très bien, il faut de l’alternative. Donc, je dis quand même, on ne peut pas être contre. Voilà. Mais attention quand même aux personnes qui ont une consommation problématique. – Une alternative et du discernement, toujours, évidemment. Et donc, puisque c’est le mois où on se pose des questions, cela poserait aussi pour ça. Alors, quelques mots pour les quelques minutes qui nous restent. Quelques mots de ton livre J’arrête de boire sans devenir chiant. Je souris avec ce titre. L’ouvrage est très sérieux, très concret. Il participe à l’évolution des regards sur l’alcool. Quels sont les autres freins à lever dont on n’a pas parlé, qui sont importants à considérer pour changer les regards? Des freins psychologiques aussi que tu observes la pression sociale, on en a parlé. La peur de manquer de quelque chose peut-être. Quand soudainement, il n’y a plus ce cérémonial avec l’alcool à table dans certaines festivités. De quoi n’a-t-on pas parlé? Qui est important à retenir?
– C’est vrai que c’est compliqué parce qu’on est tellement conditionné dès le plus jeune âge. Finalement, j’ai toujours à l’esprit revenir. On est conditionné dès qu’on est enfant finalement, à vivre des scènes où l’apéro est là, l’alcool est là et donc tout de suite on associe peut être la convivialité avec la la notion d’alcool. Et puis ensuite, c’est vrai, certains rituels ou certaines cérémonies. On imagine mal des fêtes faire la fête finalement ou célébrer quelque chose sans alcool. Donc c’est vrai que c’est assez complexe parce qu’il y a ce conditionnement qui est là et un sujet aussi qui est qui, qui reste tabou quand même, parce que Il faut bien voir que l’alcool est extrêmement positif encore dans notre société. C’est extrêmement positif de consommer de l’alcool et ne pas consommer serait un problème. Par contre, être malade, c’est très stigmatisé, voire de la déshumanisation avec toujours ce manque de de ce « manque de volonté ». Cet aspect moral qui persiste quand même. Voilà, il y a quand même. Voilà. Et puis c’est tabou. Et moi je voudrais vraiment un point essentiel, c’est lever le tabou et que les professionnels de santé, euh, voilà, en parlent aussi facilement qu’on qu’on parle du tabac par exemple, quand on aura vraiment lever ce frein majeur qui est le repérage très précoce parce qu’on parlerait très facilement d’alcool, euh, voilà, on doit encore beaucoup travailler là dessus.
Conclusion : s’interroger sur son comportement
Travailler là-dessus, c’est travailler sur les idées reçues. Il y en avait quelques unes dont on n’a pas parlé, qui peuvent être intéressant à intéressantes à déjouer. Alors on a parlé des idées reçues sur l’alcool et la santé. Est-ce qu’il y en a d’autres qui qui peuvent alerter et aider à se questionner en cette période de défi de janvier. Je pense notamment à l’idée que parfois, il y aurait des alcools moins forts que d’autres. Est-ce que finalement, un verre d’alcool, c’est un verre d’alcool?
– Un verre d’alcool, c’est un verre d’alcool effectivement, il y a de l’éthanol dedans. Par contre, moi j’attire plus l’attention sur le comportement et la manière dont on consomme. Voilà. Consommer au cours d’un repas, euh comparativement, effectivement, euh, à enchaîner les verres à un moment où on n’aurait pas mangé par exemple, et où l’alcoolémie va monter vite et puis voilà, on n’est pas dépendant, mais on a une consommation assez excessive et qui peut se répéter plus ou moins souvent. Et ça, on sait que c’est un facteur de risque à devenir, à avoir un trouble d’usage d’alcool. Donc, il faut faire attention aussi sur la question Est-ce que je bois un petit peu régulièrement ou est-ce que je peux faire comme ça, des excès? Euh, voilà, il faut se poser, il faut se poser, il faut se poser la question euh là-dessus, mais Oui, les idées reçues, c’est important parce qu’il y a énormément d’idées reçues sur l’alcool qui serait cardioprotecteur où là aussi, ce que je vois aussi beaucoup en ce moment, et c’est la période des fêtes, c’est des traitements anti gueule de bois. Alors ça, il faut il faut vraiment arrêter parce que quand on boit, on va en payer les conséquences et il ne faut pas, faut pas. Faut pas croire que parce qu’on va mieux s’hydrater, on va on va empêcher l’alcool d’avoir des effets toxiques sur le cerveau ou sur le foie. C’est les fêtes. Certes on fait des excès, mais faut pas croire qu’il y a des effets protecteurs. La réduction des risques. Et on parle beaucoup de ça. Alors j’insiste, c’est le conseil, C’est sauf pour le défi de janvier, bien sûr, mais on est toujours sur boire moins, c’est mieux. Il faut faire attention à sa consommation d’alcool, il faut anticiper tout ça, se fixer des limites. Et puis si on boit, et bien on doit boire. Et bien on boit lentement, on a mangé, on boit pas que de l’alcool, on boit de l’eau, d’autres on peut goûter autre chose. Voilà, quand on a ça à l’esprit, voilà, on est dans un bon état d’esprit et puis on va éviter d’avoir des conséquences négatives pendant cette période des fêtes et pas simplement se dire là, je vais faire beaucoup d’excès puis je verrai après pour le défi de janvier. Non, on peut commencer dès maintenant à se poser la question et puis justement commencer déjà pendant les fêtes, à regarder un petit peu son son comportement vis-à-vis de l’alcool.
– Mickael Naassila, professeur, enseignant, chercheur, président de la Société française D’alcoologie, était donc dans Soluble(s). Je renvoie les auditeurs à tous les liens internet que je mets dans la description. A ton livre aussi. Merci beaucoup pour cet éclairage. Pour celles et ceux qui veulent se lancer, bon Défi de janvier à toutes et tous, sans pression donc ! Merci Mickael.
– Merci beaucoup. Bon défi à tous !
– Voilà, c’est la fin de cet épisode. Si vous l’avez aimé, notez-le, partagez-le et parlez-en autour de vous. Vous pouvez aussi nous retrouver sur notre site internet, csoluble.media. A bientôt!
POUR ALLER PLUS LOIN
Le site officiel du Défi de janvier : https://defi-de-janvier.fr/
L’application MyDéfi pour un coaching personnalisé : https://mydefi.life/portfolio/
Société Française d’Alcoologie et d’Addictologie (SF2A) : https://sfalcoologie.fr/
Le GRAP (Groupe de Recherche sur l’Alcool et les Pharmacodépendances, INSERM U1247) : https://grap.u-picardie.fr/
Le livre du Pr Mickael Naassila : « J’arrête de boire sans devenir chiant » (éditions Solar) : https://www.lisez.com/livres/jarrete-de-boire-sans-devenir-chiant/9782263189913

À SAVOIR
En cas de besoin d’aide concernant l’alcool (France) :
Alcool Info Service : 0 980 980 930
Ouvert tous les jours de 8h à 2h du matin
Appel anonyme et non surtaxé
En ligne :
Site : https://www.alcool-info-service.fr/
Chat en ligne disponible

Document : Alcool Info Service.
TIMECODES
00:00 Introduction : comment une pause transforme notre rapport à l’alcool
02:11 Parcours du Pr Naassila : 30 ans de recherche sur l’alcool
03:18 Le paradoxe français : consommation en baisse, hospitalisations en hausse
05:00 Définition du binge drinking : 6-7 verres en 2h
05:52 Repères de consommation à moindre risque : 2 verres/jour max, 10/semaine
07:04 À qui s’adresse le Défi de janvier ?
09:12 Idées reçues : l’alcool n’est pas bon pour la santé
10:15 Les repères basés sur un risque de mortalité de 1%
13:05 Pourquoi le Défi de janvier fonctionne : dimension non-culpabilisante
14:31 Depuis la Covid : préoccupation accrue pour la santé
15:06 Effets mesurés 3, 6, 9 mois après : réduction durable
16:13 Outils concrets : site defi-de-janvier.fr et application MyDéfi
18:38 Études scientifiques sur l’efficacité de l’application
18:59 Bénéfices physiologiques mesurés au bout d’un mois
19:39 Prélèvements sanguins : glycémie, cholestérol, marqueurs du cancer
21:30 Point de vigilance : personnes alcoolo-dépendantes
22:50 Accompagnement nécessaire : médecin traitant, Alcool Info Service
23:40 Boissons sans alcool : alternative ou piège marketing ?
25:02 Freins psychologiques : conditionnement dès l’enfance
27:00 Lever le tabou avec les professionnels de santé
29:00 Conseils pour les fêtes : boire lentement, manger, alterner avec de l’eau
29:40 Conclusion : bon Défi de janvier à tous, sans pression !
30:14 Fin
Crédits photos d’illustration : Pexels – Portraits de l’invité : DR.
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