Souvent invisibles, mais toujours indispensables, ils accompagnent au quotidien un proche en situation de handicap ou de maladie. Pour Soluble(s), Simon de Gardelle, directeur de l’Association Française des Aidants, décrypte les défis de l’accompagnement et présente les solutions concrètes pour ces millions de Français méconnus.
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Une reconnaissance tardive mais cruciale
En France, 9,3 millions de personnes accompagnent au quotidien un proche en situation de handicap, de maladie ou de perte d’autonomie (DREES, 2024). Pourtant, ce phénomène massif reste largement méconnu : un Français sur deux ignore ce que recouvre le terme « aidant » et moins d’un aidant sur deux se considère comme tel (Baromètre BVA/Collectif Je t’Aide, 2024).

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Cette invisibilité trouve ses racines dans le caractère jugé comme « naturel » de l’aide familiale dans notre culture actuelle. « On ‘naturalise’ le fait d’aider son proche, et notamment chez les parents qui ont des enfants en situation de handicap« , explique Simon de Gardelle.
Pour Simon, la définition est claire : « Les aidants sont des proches, des aimants. Ce ne sont pas des professionnels, ce sont bien des parents, des enfants, des conjoints, des amis qui accompagnent leurs proches dans la maladie, le handicap ou la perte d’autonomie« .
L’Association Française des Aidants, créée en 2003, milite pour transformer cette contrainte subie en choix assumé. « On milite pour que ce soit un choix. Le fait d’aider son proche, on a une place d’enfant, de parent, de conjoint ou d’ami, mais on voudrait que l’on puisse choisir de l’accompagner dans une relation d’aidance, ou choisir la manière d’aider« ,
Le Z Event, tremplin vers la visibilité
L’édition 2025 du Z Event a marqué un tournant pour la cause des aidants.

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Avec plus de 16 millions d’euros récoltés par 300 streameurs pendant 48 heures au profit de huit associations dont l’Association Française des Aidants, l’événement caritatif a offert une exposition inédite à cette cause.

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« C’est le Téléthon de demain« , souligne le directeur, qui y voit une opportunité de sensibiliser une audience jeune à ces enjeux sociétaux cruciaux.

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L’épuisement et la culpabilité, deux risques majeurs
Face aux défis que rencontrent les aidants, l’association déploie des dispositifs éprouvés. Simon de Gardelle identifie deux dynamiques particulièrement problématiques : « Globalement, les proches aidants peuvent osciller entre deux mouvements qui parfois se combinent, celui de l’épuisement et du burn-out (…) une notion d’épuisement, de fatigue psychologique très importante qui peut s’installer avec une fatigue physique et puis aussi de la culpabilité« .

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Cette culpabilité s’intensifie « notamment en fonction du lien affectif« , surtout « quand on a fait une promesse, comme par exemple, je ne te laisserai jamais tomber, je t’accompagnerai jusqu’à tes derniers jours« .
Paradoxalement, même ceux qui choisissent de ne pas aider « le vivent mal, cette situation où on ne peut aider« .
Les 300 Cafés des Aidants labellisés à travers la France offrent un espace de rencontre et d’accompagnement. « C’est sortir d’un isolement et partager des situations« , résume Simon de Gardelle.
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L’association propose également des formations spécialisées, notamment l’atelier « Comprendre pour agir », qui aide les aidants à « prendre du recul » sur leur situation.

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Changer les regards sur les compétences acquises
L’un des enjeux majeurs concerne les aidants salariés et le regard que leur porte encore le monde du travail. La valorisation des compétences développées par l’accompagnement est une piste d’amélioration. « On lance un module digital ‘Aidant et compétent’ pour changer le regard sur les aidants actifs (…) pour arrêter de considérer que c’est un trou dans un CV, que c’est qu’il faut le masquer (…) c’est une période riche, remplie et qui peut aussi donner des savoirs qui peuvent se transférer dans le monde professionnel« , annonce Simon de Gardelle. Ces modules seront disponibles dès le 15 octobre sur le site de l’association.
Cette démarche vise particulièrement les 20 % de salariés français qui sont aidants et seront un salarié sur quatre en 2030, selon l’Ocirp, union d’institutions de prévoyance. Pour les professionnels, la formation ROSA (Repérage et Observation des Situations d’Aidance) permet de mieux identifier les aidants et accompagner les familles.
Un défi démographique majeur
L’urgence se dessine dans les chiffres : 22 % de la population française a plus de 65 ans contre 16 % en 2005, et l’âge moyen d’entrée dans l’aidance a chuté de 39 à 33 ans (Observatoire OCIRP Salariés Aidants, 2024).

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« On a un effet ciseau : des besoins qui vont exploser avec le vieillissement de la population conjugué à un manque de main-d’œuvre” dans les métiers du soin et de la prise en charge des aînés, alerte Simon de Gardelle, comparant cette transition démographique à l’urgence écologique.
Malgré des avancées législatives récentes – congé de proche aidant, allocation journalière rechargeable – les dispositifs restent méconnus : seulement 20 000 recours au congé aidant en 2024, déplore Simon de Gardelle.
Un accompagnement qui nous concerne tous
Au-delà des dispositifs d’aide, c’est un changement de regard sociétal qui s’impose. Car comme l’a rappelé le philosophe Charles Pépin lors des rencontres nationales du réseau de l’Association Française des Aidants, « être proche, c’est déjà être là« . Une phrase simple qui résume toute la complexité et la richesse de ces millions de vies dévouées, dans une société où cette réalité nous concernera tous un jour.
Écoutez l’épisode complet pour mieux comprendre ces enjeux qui nous concernent tous.
Simon Icard (rédigé avec IA)
POUR ALLER PLUS LOIN
- Voir le site Internet de l’Association Française des Aidants : aidants.fr
Réseaux sociaux :
Voir sur YouTube :
- Le Philosophe Charles Pépin aux rencontres nationales de l’AFA
Lire aussi : DREES – Étude sur les 9,3 millions d’aidants
TIMECODES
00:00 Introduction
01:56 Le parcours de Simon de Gardelle
04:15 Le Z Event 2025 et la visibilité des aidants
07:16 Qui sont les aidants ?
09:08 Le choix d’aider
13:39 Les Cafés des aidants
16:06 Les formations pour les aidants
17:57 Les compétences des aidants
19:31 Les formations pour les professionnels
20:57 Le rôle du Z Event et les projets
22:18 Faire changer les regards
23:09 Les modules digitaux pour les aidants actifs
24:29 Les droits des aidants
26:44 La perspective démographique
28:49 Les jeunes aidants
31:17 Merci à Simon de Gardelle !
CITATIONS
En direct de Simon de Gardelle, directeur de l’Association Française des aidants
– Sur : La découverte du rôle d’aidant
« Je tombe de ma chaise parce que dans mes études en socio-économie, c’est un terme que je n’ai pas croisé. Donc, à triple titre, je suis vraiment très étonné et assez vite je me passionne pour cette nouvelle question sociale. »
– Sur : L’importance de la reconnaissance
« Être reconnu aux yeux du droit, c’est être reconnu aux yeux de tout le monde, y compris de son employeur. Quand on est cet aidant-là, on ne rentre pas dans une case au travail. »
– Sur : Le rôle des Cafés des aidants
« Un café des aidants, c’est un espace de rencontre, de convivialité et d’accompagnement. C’est l’occasion de sortir de son isolement, de partager des situations, de la solidarité, des informations, et de laisser les émotions s’exprimer dans un contexte bienveillant. »
– Sur : L’atelier « Comprendre pour agir »
« Cet atelier permet de réfléchir sur votre relation à votre proche, de comprendre la situation d’aidance, et de choisir la manière d’agir. C’est une formation pour prendre du recul et cheminer sur la notion de choix. »
– Sur : Les droits des aidants
« Le tournant, c’est 2015 avec la loi d’adaptation de la société au vieillissement qui donne pour la première fois une définition du proche aidant. C’est une victoire incomplète, car tous les aidants ne sont pas reconnus. »
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