Dans un épisode de Soluble(s), Tristan Nitot, expert du numérique responsable, répond sans détour aux grandes questions sur l’impact écologique du numérique et de l’intelligence artificielle. Voici les 10 questions / réponses clés.
>> Lire l’article source : IA et numérique : peut-on innover sans aggraver le changement climatique ?
1. Quel est l’impact écologique réel du numérique en France et dans le monde ?
Le numérique représente 4,4 % de l’empreinte carbone nationale en France (29,5 Mt CO2e, ADEME 2022) et 11 % de la consommation électrique, soit plus que l’aviation civile. « L’essentiel de l’impact, il est généré bien avant que votre ordinateur ou votre smartphone n’arrive entre vos mains », souligne Tristan Nitot.
2. Pourquoi la fabrication des équipements numériques pèse-t-elle autant dans l’empreinte carbone ?
La fabrication concentre la moitié de l’empreinte du numérique. « On a tendance à penser que c’est l’usage qui pollue, mais c’est la fabrication qui pèse le plus », insiste Tristan Nitot. Extraction de minerai, consommation d’eau et d’énergie, transport mondial : tout cela se joue loin des consommateurs.
3. Comment l’intelligence artificielle influence-t-elle la consommation énergétique du numérique ?
L’IA générative, utilisée par près de 40 % des Français, bouleverse la donne. « Il n’y a aucun doute que l’IA, ça consomme énormément… et ça, on ne le voit pas », explique Tristan Nitot. Les data centers IA sont 4 à 5 fois plus énergivores que les classiques, et leur consommation mondiale pourrait atteindre 1 000 TWh d’ici 2026.
4. Qu’est-ce que la loi de Moore et pourquoi est-elle importante pour comprendre l’impact du numérique ?
La loi de Moore, formulée en 1965, prévoit que la puissance des puces double tous les deux ans, favorisant l’innovation mais aussi le renouvellement permanent du matériel. « Plus le matériel est puissant, moins les logiciels sont optimisés », résume Tristan Nitot.
5. Qu’est-ce que la loi d’erooM proposée par Tristan Nitot et comment peut-elle changer la donne ?
La loi d’erooM (« Moore » à l’envers) propose d’optimiser les logiciels pour diviser par deux leur consommation tous les deux ans, sans changer le matériel. « Si on retravaille seulement 1 à 3 % du code, on peut multiplier par 10, 100, voire 1 000 l’efficacité de certaines tâches », détaille-t-il.
6. Quels sont les principaux défis pour réduire l’empreinte carbone du numérique ?
Le principal défi est de sortir du modèle du renouvellement permanent. « Toute l’industrie s’est structurée autour du renouvellement permanent… ce n’est pas facile de perdre les mauvaises habitudes », admet Tristan Nitot. Transparence, optimisation logicielle et allongement de la durée de vie des équipements sont essentiels.
7. Comment la France se positionne-t-elle face à ces enjeux, notamment avec ses data centers et sa production électrique ?
La France mise sur son électricité décarbonée pour attirer les data centers, se présentant comme un « paradis énergétique ». Mais Nitot nuance : « On est dans un cul-de-sac technologique », car les centrales vieillissantes peinent à suivre la demande, surtout lors des canicules.
8. Quels sont les gestes individuels et collectifs pour une sobriété numérique efficace ?
Tristan Nitot recommande de garder ses appareils aussi longtemps que possible, en en prenant soin, et de limiter l’usage de l’IA aux tâches vraiment utiles : « Il faut utiliser l’IA seulement si ça fait gagner énormément en performance. Mais demander l’heure à ChatGPT… c’est comme prendre une navette spatiale pour aller chercher le pain. » Il invite aussi à questionner la pertinence de chaque usage numérique, pour éviter la surconsommation de ressources. En complément, l’ADEME conseille de privilégier le wifi ou l’Ethernet à la 4G/5G, de limiter le streaming et choisir la basse définition, de nettoyer régulièrement sa messagerie, de faire réparer ses équipements ou acheter reconditionné, et d’éco-concevoir les services numériques.
9. Pourquoi la transparence sur la consommation énergétique de l’IA est-elle difficile à obtenir ?
« Les fabricants brouillent les chiffres au maximum… parce que les enjeux sont phénoménaux », regrette Tristan Nitot. Cette opacité rend difficile l’évaluation de l’impact environnemental réel de l’IA.
10. Quel avenir pour un numérique innovant, mais respectueux des limites planétaires ?
Pour Tristan Nitot, l’avenir passe par la sobriété, l’optimisation logicielle et une remise en cause du modèle de croissance infinie. « La croissance infinie dans un monde fini, ce n’est pas possible. » Il s’agit de concilier innovation, utilité et respect des limites planétaires, en agissant à la fois sur les usages, la conception et la régulation.
Simon Icard (résumé avec IA)
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