En banlieue parisienne, une navette électrique facilite l’accès aux transports en commun. Dans un nouvel épisode de Soluble(s), Carlos Holguin, cofondateur de SuburVAN, dévoile une solution pour transformer la mobilité en banlieue : des vans électriques et bientôt autonomes qui relient les habitants aux gares rapidement. Une expérimentation ouverte aux habitants est en cours, reliant Rocquencourt (78) à la gare de Vaucresson (92). Une réponse concrète à la dépendance à la voiture individuelle et à ses impacts climatiques.
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Une vision pour décarboner la mobilité périurbaine
Carlos Holguin, designer industriel colombien installé en France depuis 2003 et entrepreneur, a cofondé SuburVAN en 2020 avec Michel Parent et Cristian Sandu pour réduire la dépendance à la voiture individuelle, responsable d’une part majeure des émissions de CO2. L’étincelle ? Ses trajets quotidiens sur l’autoroute A13 entre Paris et Versailles : « Le matin, la voie vers la province est fluide, mais celle des banlieues vers Paris est paralysée par 15 km de bouchons. Ça m’a poussé à imaginer une solution. » En France, 18 millions de personnes utilisent leur voiture pour aller au travail, souvent seules, un chiffre qui grimpe à 84 % dans les agglomérations de moins de 100 000 habitants et à 87 % en zones rurales, où les véhicules roulent encore majoritairement à l’essence ou au diesel.
- Le van Trikala – Crédit : SuburVan
- Crédit : SuburVan
Face à ce constat, SuburVAN propose une alternative : des vans électriques et bientôt autonomes pour relier les banlieues aux gares en maximum 10 minutes. Testé dans la commune du Chesnay-Rocquencourt (Yvelines), le service Rocq-Express permet de remplacer plus de 70 véhicules par jour et de réduire les émissions de CO2 de 99 %.
Pourquoi les banlieues sont-elles si difficiles à desservir ?
Les zones périurbaines, nées dans les années 60 pour accompagner le boom de l’industrie automobile, sont un casse-tête pour les transports publics. « Les quartiers pavillonnaires sont dispersés, les distances à pied sont longues, et les bus, conçus pour transporter 60 passagers, doivent faire de longs détours, ce qui les rend lents et peu attractifs », analyse Carlos. Résultat : la voiture reste le choix par défaut, même pour des courts trajets. Pourtant, 14 millions de Français vivent à moins de 10 minutes en voiture d’une gare, une opportunité que SuburVAN veut saisir.
Rocq-Express : une navette taillée pour la banlieue
Une expérimentation ouverte aux habitants est en cours en Île-de-France, reliant le Bourg de Rocquencourt (78) à la gare de Vaucresson (92) sur 5 km. Baptisée Rocq-Express et soutenue par la ville du Chesnay-Rocquencourt et la Région Île-de-France, cette phase d’un an teste un van électrique et bientôt autonome. Le service relie les deux points du lundi au vendredi, de 7h à 9h et de 17h à 19h, en maximum 10 minutes, permettant de rejoindre rapidement La Défense en 34 minutes ou la Gare Saint-Lazare en 46 minutes via la ligne L. Les horaires pourraient être ajustés à l’avenir pour mieux correspondre aux besoins des usagers, en fonction de leurs retours.
Gratuit pour les usagers, le service fonctionne sur réservation : il suffit de créer un compte sur la page dédiée et de réserver son trajet au plus tard 30 minutes avant le départ. Avec six allers-retours deux fois par jour (matin et soir), chaque navette contribue à réduire la dépendance à la voiture individuelle.
L’autonomie, un horizon à portée de main
SuburVAN ambitionne de rendre ses vans autonomes. D’ici fin 2025, l’équipe vise une navette de niveau 4, capable de rouler sans intervention humaine sur le trajet Rocquencourt-Vaucresson, mais sous supervision. « Ce sera une expérimentation, avec des capteurs pour collecter des données en conditions réelles, à une vitesse maximale de 70 km/h », explique Carlos. L’objectif à long terme : un véhicule de niveau 5, totalement autonome, d’ici 2027, supervisé à distance comme un ascenseur.
Les défis sont à la hauteur de l’ambition. Techniquement, il faut garantir une fiabilité absolue dans un trafic réel. Réglementairement, la France impose un cadre strict, inspiré du ferroviaire, pour certifier la sécurité. SuburVAN s’appuie sur les recherches de l’INRIA menées depuis les années 1990, auxquelles Carlos Holguin a contribué dès 2003, ainsi que sur le cadre STRA (Systèmes de Transport Urbain Automatisés), dont les cofondateurs ont participé à l’élaboration depuis 2015. « Ce cadre est exigeant, mais il positionne la France comme un leader potentiel », assure Carlos. Côté financement, SuburVAN, incubée au Moove Lab de Station F et labellisée Solar Impulse, prépare une levée de fonds via un crowdfunding pour accélérer son développement.

©Photo _ Service Communication – Ville du Chesnay-Rocquencourt
Une acceptabilité déjà acquise
L’idée d’un véhicule sans conducteur peut sembler intimidante, mais pour Carlos, l’acceptabilité n’est pas un obstacle. « Nos prototypes ont transporté 50 000 personnes dans plus de 20 villes européennes, de la Norvège à la Grèce, entre 2023 et 2024. Les usagers font confiance aux autorités publiques : si le service est proposé, ils montent sans crainte. » Les principaux défis : la vitesse, pour rivaliser avec la voiture et la sécurité à bord, notamment pour les trajets nocturnes. « Les retours nous poussent à optimiser ces aspects », ajoute-t-il.
Un modèle économique en construction
En tant que startup, SuburVAN est encore à la recherche de son modèle économique définitif. À terme, l’entreprise prévoit de vendre ses navettes à des collectivités ou à des opérateurs comme la RATP ou Transdev, via un abonnement mensuel. « Nous les aiderons à identifier les trajets les plus pertinents, en déployant des flottes en étoile autour des gares pour desservir plusieurs quartiers », explique Carlos. Une approche flexible, adaptée aux zones peu denses.
Une révolution portée par l’histoire
SuburVAN s’inscrit dans une longue tradition de recherche française. Dès les années 1990, l’INRIA explorait la conduite autonome, avec des prototypes qui ont inspiré des géants comme Google. « La France avait 20 ans d’avance », rappelle Carlos. Aujourd’hui, SuburVAN capitalise sur cet héritage pour proposer une mobilité collective, écologique et compétitive, loin des voitures autonomes individuelles, trop coûteuses pour le grand public.
POUR ALLER PLUS LOIN
- Visiter le site de SuburVAN
- Voir aussi la plateforme de réservation du service Rocq-Express : rocquencourt.suburvan.com
CITATIONS
Carlos Holguin, cofondateur de SuburVAN au micro de Soluble(s) :
« En France, 95% des actifs en dehors des grandes villes utilisent la voiture pour aller au travail. »
« Sur les dix-huit millions de personnes qui vont travailler en voiture, il y en a quatorze millions en France qui sont à dix minutes en voiture d’une gare. »
“[Les banlieues] Ce sont des territoires qui ont été développés dans les années soixante où l’État voulait pousser l’industrie automobile et donc, la France a créé des quartiers pavillonnaires où les habitants sont très dispersés »
TIMECODES
00:00 Introduction
01:33 Le parcours de Carlos Holguin
03:25 La France, pionnière du véhicule autonome
05:19 SuburVan : Le concept et le problème ciblé
08:10 Pourquoi les banlieues sont-elles si dépendantes de la voiture ?
10:16 L’expérimentation Rocq-Express : comment ça marche ?
12:56 Le modèle économique
15:21 Les défis du véhicule autonome (niveau 4)
21:21 L’acceptabilité des passagers : un faux problème ?
24:03 Pourquoi le transport collectif est la bonne échelle pour l’autonomie ?
25:33 L’intelligence artificielle et la sécurité des navettes autonomes
28:15 Fin
Propos recueillis par Simon Icard
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