Dans un épisode de Soluble(s), Simon Icard dialogue avec Maxime Derian, anthropologue du numérique et entrepreneur IA, autour des transformations provoquées par l’intelligence artificielle sur nos liens sociaux et notre identité. Voici les points clés en 10 questions-réponses.
- Image principale générée avec IA (Veo 3).
>> Lire l’article complet : IA : Rester humain face à la machine, Mission impossible ?
1. Qu’est-ce qui vous a amené à étudier l’impact de l’IA sur l’humanité ?
“Dès l’enfance, j’étais fasciné par les machines et robots. Formé en droit et anthropologie, j’ai réalisé que l’informatique était l’outil nouveau à observer. L’anthropologie avait déjà étudié tous les outils traditionnels, mais l’informatique représentait quelque chose d’inédit. Mon passage au Japon m’a permis d’observer les technologies émergentes en laboratoire, souvent 10 à 15 ans avant leur démocratisation”.
2. Pourquoi l’adoption de ChatGPT a-t-elle été si rapide ?
Pour l’anthropologue, le succès fulgurant de ChatGPT répond à un fantasme universel : On a tous rêvé d’avoir des petits lutins qui travaillent à notre place la nuit, pendant qu’on dort. OpenAI a réalisé ce rêve en le rendant gratuit au grand public. Contrairement à Google qui était en position confortable, OpenAI n’avait rien à perdre et a fait le pari de la disruption massive, quitte à s’endetter massivement.”
3. Que révèle l’usage privé plus important que professionnel de l’IA ?
Cette différence s’explique par la prudence des entreprises face aux risques de fuite de données. Quand 30% des annonces immobilières sont rédigées par ChatGPT, OpenAI obtient une vision en temps réel du marché immobilier français. Les professionnels craignent de créer leurs propres concurrents en alimentant ces systèmes avec leurs données stratégiques.
4. L’empathie artificielle existe-t-elle vraiment ?
L’expérience personnelle de Maxime Derian révèle l’illusion sophistiquée de l’empathie IA. Lors de ses tests avec Bard en 2023, l’IA s’adaptait à son langage au point qu’il confie : “Je sentais en fait une forme d’empathie.” Mais l’anthropologue tempère aussitôt : « La machine n’a pas d’intériorité, elle n’a pas d’esprit, elle n’a pas cette conscience empathique, cette générosité, cette culpabilité, mais elle peut les singer très très bien. »
5. Pourquoi les enfants sont-ils particulièrement vulnérables ?
Avec 12% des ados français qui confient des informations intimes aux chatbots (IPSOS 2025) et 72% des adolescents américains de 13-17 ans utilisant des compagnons IA (Common Sense Media 2025), l’expert alerte sur un risque majeur. Son diagnostic est sans appel : nous risquons de « mettre des enfants dans des cages à hamster. » Contrairement aux adultes qui utilisent l’IA comme augmentation, « si un enfant commence dès trois ans avec, ça sera vraiment constituant de sa psyché ». L’enfant pourrait préférer son « ami IA » qui le comprend parfaitement aux relations humaines complexes.
6. Qu’est-ce que le Technoréalisme ?
Face aux débats polarisés sur l’IA, Maxime Derian propose une voie médiane : « C’est l’idée de ne pas s’enflammer et de regarder les choses posément, scientifiquement, avec une forme de débat. » Cette approche refuse à la fois le catastrophisme et l’enthousiasme aveugle pour « créer un débat pour accepter aussi l’altérité » et trouver des terrains d’entente sur les limites à instaurer.
7. Quelle innovation juridique proposez-vous pour réguler l’IA ?
Juriste de formation, l’expert propose une révolution du droit français. Il imagine la création d’une « troisième branche du droit français » dédiée à l’IA, qui intégrerait directement les règles juridiques dans la programmation informatique. Cette discipline mêlerait droit et informatique pour créer « un droit de régulation pour les pratiques à risques », bien plus fin que la régulation actuelle.
8. Quel est le véritable problème de l’IA selon vous ?
Contrairement aux craintes dystopiques habituelles, Maxime Derian identifie un enjeu plus concret : « Pour moi, le problème principal, il est environnemental. » Paradoxalement, le danger vient du succès même de la technologie : « Ça marche trop bien l’IA » et tout le monde va vouloir l’utiliser massivement. Or nous avons « des ressources finies au niveau des ressources en fer, en cuivre, en manganèse, en terres rares, en pétrole. »
9. Comment l’Europe peut-elle reconquérir sa souveraineté numérique ?
Actuellement, plus de 80% de nos services cloud dépendent de géants américains soumis au Cloud Act. L’expert, aujourd’hui consulté par l’Europe, observe un « réveil un peu brutal, un peu difficile » après des années de dépendance. L’Europe « se réveille » mais « il faut le temps de créer l’infrastructure ». D’ici 2028, nous pourrions avoir nos propres solutions.
10. Quelles sont vos recommandations concrètes ?
L’anthropologue structure sa réflexion autour de quatre types de limites : environnementales (ressources finies), cognitives (notre capacité d’analyse limitée), juridiques (nouvelles lois adaptées) et économiques (viabilité des modèles).
L’enjeu selon lui est de « ralentir un peu la pression de la chaudière pour que ça n’explose pas » tout en préservant notre capacité à choisir collectivement notre avenir technologique.
Simon Icard (résumé avec IA)
_
Ecouter aussi
Les navettes autonomes, la clé pour une mobilité périurbaine plus verte ?
StudiAva : Le « Tinder de l’orientation » post-bac qui utilise l’IA pour aider les lycéens
IA et numérique : peut-on innover sans aggraver le changement climatique ?






