135 journées d’alertes météo en 2023, 132 en 2024 : depuis la création des vigilances de Météo-France en octobre 2001, jamais la France n’avait connu autant d’alerte aux phénomènes météorologiques extrêmes. Pour Soluble(s), Paul Marquis, météorologue indépendant et fondateur d’E-météo service, explique comment anticiper et se protéger face à cette nouvelle donne climatique.
Écouter plus tardDe Rennes à Marseille : naissance d’une vocation
Le 19 septembre 2000 restera gravé dans la mémoire marseillaise. Ce jour-là, “près de six mois de précipitations en seulement trois heures” s’abattent sur la cité phocéenne. “Il y avait de la grêle grosse comme des balles de golf ou même des balles de tennis”, se souvient Paul Marquis, alors âgé de 9 ans. Né à Rennes en Bretagne, le jeune garçon vit à Marseille depuis cette époque quand survient cet “orage du siècle” qui marque un tournant : “de cet orage est né un traumatisme que j’ai pu guérir en m’intéressant à la météo”.
Cette passion précoce transforme l’enfant en passionné acharné : “depuis tout petit, de la primaire au lycée, j’étais sur les cartes météo plusieurs fois par jour”.
Une fascination qui devient profession en 2016 avec la création d’E-météo service.
Météo vs climat : la différence essentielle
Confusion fréquente, la distinction entre météo et climat reste pourtant fondamentale. “On parle de météorologie pour des prévisions à court terme, entre quatre à six jours maximum”, explique Paul Marquis. Au-delà, “ce sont des tendances, au-delà de plusieurs mois ce sont des prévisions saisonnières”.
Le climat, lui, “désigne le temps global, c’est une moyenne. Le climat, c’est le temps qu’il faisait avant et qu’il fera plus tard”. Cette nuance permet de démasquer les arguments erronés ou de mauvaise foi : “les gens confondent souvent météo et climat quand ils disent que oui, il a fait effectivement quarante degrés il y a quarante ans, ç’a pu être vrai, mais aujourd’hui, on a quarante degrés pendant six ou sept jours”, souligne le météorologue.
Un réchauffement qui bouleverse le Sud-Est
En 25 ans d’observation, le météorologue marseillais témoigne d’une transformation notable : “le climat se réchauffe. Depuis que j’ai commencé à suivre les modèles météo, on a facilement gagné un à deux degrés, notamment l’été”. Plus troublant encore, la répartition des précipitations se dérègle dans le Sud-Est de la France, notamment sur Marseille : “les quantités de pluie sont toujours les mêmes sur une année. En revanche, ce qui change, c’est la répartition des pluies qui devient très inégale”.
Conséquence directe : “quasiment toute la pluviométrie va tomber en seulement trois mois” au lieu d’être répartie sur l’année. Cette intensification suit une logique physique implacable : “dès qu’on gagne un degré de température, l’atmosphère se charge jusqu’à dix pour cent de précipitations en plus”.
Des entreprises et activités météo-sensibles en quête de solutions
La réalité économique française révèle une dépendance majeure : “soixante-dix pour cent des entreprises sont dites météo-sensibles”. Agriculture, événementiel, transport, toutes ces activités nécessitent des prévisions ultra-précises. “Une application météo généraliste prend le temps global qu’il fera sur votre point, avec un cercle d’environ cinq à dix kilomètres”, critique Paul Marquis. Or, “à cinq kilomètres près, l’orage fait passer d’un temps sec et ensoleillé à une inondation majeure”.
Sa solution : développer une expertise locale avec La météo du 13 pour les Bouches-du-Rhône et Prévi+ à l’échelle nationale, deux applications gratuites proposant “une expertise locale qui est très intéressante” face aux prévisions automatisées.
Les vigilances de Météo-France : l’exemple du Classico reporté
La fiabilité du système d’alerte s’est améliorée au fil des années. Dans neuf cas sur dix selon les données de Météo-France, les phénomènes se sont avérés et confirmés pour l’année 2024. Cette efficacité s’illustre avec le report du match OM-PSG le 21 septembre 2025. Face à la vigilance orange pluie-inondation émise pour les Bouches-du-Rhône, le préfet Georges-François Leclerc a pris la décision de reporter le Classico : « Le match est reporté, car il peut y avoir des précipitations fortes avec des risques importants de ruissellement urbain dans et aux abords d’un Vélodrome” de 65.000 places qui s’annonçait bondé.
#VigilanceOrange 🟠 #PluieInondation #Orages #OMPSG | Report de match
🔸Les prévisions météorologiques établissent un danger manifeste pour la sécurité de tous.
Retrouvez l’arrêté portant annulation de la rencontre opposant l’Olympique de Marseille au Paris Saint Germain,… pic.twitter.com/A0HcKsSFe3
— Préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (@Prefet13) September 21, 2025
Ce dimanche soir là aux horaires prévus du match des pluies intenses se sont effectivement abattues causant de forts ruissellements, des perturbations sur le réseau routier et par endroits des inondations (environ 80 mm de pluie par mètre carré).
Pourtant, Paul Marquis déplore une culture du risque insuffisante chez les citoyens face aux vigilances météorologiques.
Le système français d’avertissement des risques à quatre niveaux, mis en place par Météo-France depuis 2001, distingue pourtant clairement les comportements à adopter. Si les vigilances verte et jaune concernent respectivement l’absence de danger particulier et la prudence lors d’activités sensibles en extérieur, les niveaux supérieurs exigent des réactions plus fermes.
En vigilance orange, Paul Marquis rappelle qu’”il faut être très attentif et reporter ses déplacements si possible”. Mais c’est surtout le niveau rouge qui impose une vigilance absolue : “il faut rester chez soi pendant la vigilance rouge, ne pas sortir, plutôt télétravailler”, insiste le météorologue marseillais. Des consignes que beaucoup d’habitants négligent encore, au péril de leur sécurité.
Des imprudences qui provoquent encore des drames évitables, comme lors des inondations d’octobre 2015 dans les Alpes-Maritimes : “on a eu un orage très fort qui passait sur Antibes et Cannes, et des gens sont partis dans les garages récupérer la voiture. Malheureusement, il y a eu plus de vingt victimes parce que les gens ont préféré sauver leur véhicule plutôt que de sauver leurs vies« .
Climatosceptiques : résister à la désinformation
Sur les réseaux sociaux, Paul Marquis affronte régulièrement le climatoscepticisme sans se décourager. Il a fait le choix de rester sur le réseau social X où il continue d’informer et de vulgariser : “bien malgré moi et même contre mon avis, je suis toujours sur X parce que je considère qu’informer le plus grand nombre, c’est important, peu importe la personne qui est derrière tout ça”.
Les orages s’apprêtent à aborder Marseille dans les prochaines minutes! pic.twitter.com/6iAvDuGqq7
— Paul Marquis (Expert Meteo) (@La_Meteo_du_13) September 21, 2025
Un choix courageux sur cette plateforme rachetée par Elon Musk en octobre 2022, régulièrement critiquée pour son manque de modération face à la désinformation depuis la dissolution des équipes chargées de la confiance et de la sécurité.
Un malentendu récurrent concerne les cartes météorologiques : “les gens disent toujours oui, les cartes sont manipulées, elles sont plus rouges qu’auparavant. Oui, c’est une réalité parce que justement, les moyennes de saison sont dépassées beaucoup plus fréquemment qu’auparavant”.
L’explication est pourtant simple : “c’est vraiment un écart aux normes de saison”. Les couleurs ne reflètent pas la température absolue, mais l’écart par rapport aux moyennes historiques calculées sur trente ans. Concrètement, 30 °C à Marseille seront représentés différemment selon la saison : en juin-juillet, cette température apparaîtra dans des tons orange clair, car elle correspond aux moyennes estivales, tandis qu’au printemps, elle colorera la carte en rouge vif, car elle dépasse largement les normes de saison. Depuis juin 2022, en France, les normales saisonnières sont calculées sur la période 1991-2020.
Vers une France à +2,7 °C de moyenne en 2050 : l’urgence d’anticiper
Les projections climatiques françaises dessinent un avenir préoccupant. Le scénario retenu par le gouvernement français pour adapter le pays au changement climatique, mené en parallèle des efforts pour limiter le réchauffement, table sur +2,7 °C en 2050 et +4 °C en 2100 par rapport à l’ère préindustrielle. Avec +2,7 °C en 2050, les vagues de chaleur seront « 5 fois plus fréquentes, mais aussi plus longues (possibles de début juin à mi-septembre) » analyse Météo-France.
>> Lire aussi : Climat – S’adapter à +4 °C en France : mode d’emploi – Avec Gonéri Le Cozannet (GIEC)
Cette évolution “complique notre travail, nous oblige à passer plus de temps pour faire une prévision” reconnaît Paul Marquis. Pour les prévisions à court terme, les modèles météorologiques peinent parfois à intégrer ces changements rapides, surtout à l’automne et au printemps : “le climat change, les modèles météo ont beaucoup de mal à intégrer ce changement climatique. Ça va très très vite, trop vite pour les modèles”.
Face à ces défis, la nécessité d’une meilleure culture météo-climatique devient urgente. Les Français devront apprendre à vivre avec des phénomènes plus extrêmes, nécessitant une compréhension accrue des vigilances météorologiques, des comportements adaptés et surtout, une confiance renouvelée dans l’expertise scientifique.
Simon Icard (rédigé avec IA)
POUR ALLER PLUS LOIN
– Les Applications météo :
La météo du 13 : lameteodu13.com
Prévi+ : previplus.fr
Le site d’E-météo service : e-meteoservice.fr
– Voir aussi site de vigilance météo de Météo-France : vigilance.meteofrance.fr
– Réseaux sociaux :
Suivre Paul Marquis sur X (anciennement Twitter) & sur Instagram
– Et aussi :
Les modèles météo sur Météo Ciel
TIMECODES
00:00 Introduction
01:39 Le parcours et la passion de Paul Marquis
03:35 La distinction essentielle entre météo et climat expliquée
05:09 Ses outils de travail
07:59 L’évolution observée du climat
13:24 Prévoir la météo avec précision
16:01 Les entreprises et les activités météo-dépendantes
17:30 Les alertes météo
21:54 La montée du climatoscepticisme et la désinformation
23:56 La colorisation des cartes météo
27:18 Conseils pour s’informer sur la météo
28:18 Ressources
29:54 Merci à Paul Marquis !
30:27 Fin
💬 CITATIONS
En direct de Paul Marquis, expert météo, fondateur de E-météo service
– Sur sa passion :
« Depuis tout petit, donc depuis la primaire, le collège, le lycée, j’étais sur les cartes météo au quotidien plusieurs fois par jour (…) c’est vraiment né d’un orage historique à Marseille qui à ce jour n’a pas été dépassé et donc depuis maintenant vingt-cinq ans ça a vraiment changé ma vie en fait »
– Sur l’évolution du climat :
« Le climat se réchauffe. Depuis que j’ai commencé à suivre les modèles météo, depuis 25 ans on a facilement gagné un à deux degrés, notamment surtout l’été (…) plus les années vont passer et plus les orages ne seront pas forcément plus fréquents, mais ils seront plus intenses qu’auparavant »
– Sur la science météo :
« dès qu’on gagne un degré de température, l’atmosphère se charge jusqu’à dix pour cent de précipitations en plus »
– Sur la désinformation climatique :
« plus les années passent et plus, il y en a »
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