Le réchauffement climatique, alimenté par les activités humaines, intensifie la fréquence et la gravité des catastrophes en France, des canicules aux inondations, en passant par les tempêtes et les feux de forêt. La France est-elle prête à faire face à ces urgences climatiques ? Pour Soluble(s), Jérémie Chaligné, responsable du pôle Éducation à la résilience pour la Croix-Rouge française, partage des solutions concrètes pour renforcer la résilience individuelle et collective.
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Photo : Canva.
Une menace climatique grandissante
Le réchauffement climatique transforme le paysage des risques en France. L’Europe, qui se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale, subit des bouleversements profonds.
En 2023, la France a enregistré 42 jours de canicule, contre seulement 2 jours par an avant 1989, causant une surmortalité de 5 000 personnes.
La canicule est aujourd’hui le risque climatique exposant le plus de personnes simultanément en France. Les inondations, comme celles du Pas-de-Calais en novembre 2023, ont touché près de 300 000 habitants, tandis que les feux de forêts ont dévasté 60 000 hectares en 2022. Les tempêtes affectent 35 % de la population, et 44 millions de Français sont exposés aux inondations, avec 93 départements confrontés à des restrictions d’eau favorisant les incendies lors de la dernière grande période de sécheresse.
La Croix-Rouge française, en partenariat avec le Crédoc (Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie) et la Fondation Croix-Rouge française, a publié la deuxième édition de son rapport 2024 sur la résilience face aux événements climatiques extrêmes. Ce travail dresse un constat clair : l’exposition aux risques croît plus vite que la préparation des Français.
Une société encore mal préparée
Jérémie Chaligné, responsable du pôle Éducation à la résilience, observe que « les crises climatiques, comme les canicules, inondations, tempêtes ou feux de forêts, s’intensifient en fréquence et en gravité. » Pourtant, seuls 40 % des Français maîtrisent les gestes qui sauvent, contre 80 % en Allemagne, et à peine 10 % possèdent un sac d’urgence (Catakit), indispensable pour répondre à cinq besoins fondamentaux : se soigner, se mettre à l’abri, se signaler, s’hydrater et s’alimenter.

Le Catakit, sac d’urgence et de survie recommandé par La Croix-Rouge. Document : Croix-Rouge Française.
En cas d’alerte, seuls 37 % adoptent les bons réflexes, comme se mettre en sécurité ou écouter les consignes à la radio. Les populations vulnérables, personnes âgées, isolées, sans-abri ou mal logées, sont particulièrement exposées. Ainsi, 1,4 million de personnes n’ont pas un accès décent à l’eau potable, et 17 % des seniors n’ont pas de téléphone pour recevoir les alertes. « La canicule, responsable de 85 % des décès liés aux catastrophes climatiques, montre l’urgence d’agir », alerte la Croix-Rouge dans son rapport.
Les impacts psychologiques des crises
Les catastrophes climatiques ne se limitent pas aux dégâts matériels : elles marquent aussi les esprits. Entre 20 % et 50 % des personnes exposées développent des troubles comme l’anxiété, le stress post-traumatique ou la dépression, surtout après des événements répétés, comme les inondations dans le Pas-de-Calais. « Ces crises génèrent un sentiment d’impuissance et d’insécurité », explique Jérémie Chaligné.

Illustration Croix-Rouge (Copyright : DR) & Une du journal Libération du 15 novembre 2023. Habitants les pieds dans l’eau à Saint-Omer après 28 jours de pluies et de crues historiques.
La Croix-Rouge française insiste sur l’importance de renforcer le soutien psychologique, en formant les secouristes et soignants à identifier et à accompagner ces troubles avec une écoute active et empathique, pour atténuer les impacts à long terme et soutenir la résilience des communautés.
Renforcer la résilience par des actions concrètes
Face à ces défis, la Croix-Rouge française déploie des solutions pratiques. Former la population aux gestes qui sauvent est une priorité majeure. « Une formation initiale ne suffit pas, il faut des rappels réguliers », souligne Jérémie Chaligné. L’objectif est d’atteindre 80 % de la population formée (contre 40 % aujourd’hui), en enseignant les premiers secours et les réflexes adaptés face aux canicules, inondations, tempêtes ou feux de forêts.
Pour améliorer la réactivité, la nomination d’un coordinateur national, en lien avec la Direction Générale de la Sécurité Civile, permettrait de clarifier les rôles entre maires, préfets et associations, tout en préparant des cellules territoriales prêtes à intervenir plus efficacement.
Préparer un sac d’urgence, ou Catakit, est un geste simple et vital. Ce kit, contenant, notamment, eau, nourriture, trousse de secours, lampe torche, radio à piles et vêtements chauds, assure 48 à 72 heures d’autonomie. « C’est un acte concret qui peut sauver des vies », insiste Jérémie Chaligné. Pour protéger les populations vulnérables, comme les personnes âgées ou sans-abri, il est crucial de renforcer les registres communaux et de garantir un accès universel à l’eau potable et aux abris d’urgence, notamment via un plan « Grand chaud » inspiré du plan « Grand froid ». Le soutien psychologique doit également être amplifié, avec des formations pour les soignants et secouristes afin d’accompagner les victimes de stress post-catastrophe.
L’engagement citoyen est un levier essentiel. Cet été, la Croix-Rouge française ira à la rencontre des Français sur leurs lieux de villégiature pendant les vacances scolaires, pour sensibiliser aux gestes qui sauvent et à la préparation aux crises.
Une journée nationale “Tous résilients face aux risques”, organisée chaque 13 octobre, fédère tous les acteurs et propose des exercices de simulation pour apprendre à réagir face aux tempêtes, incendies ou inondations. Créer un corps de volontaires mobilisables rapidement, grâce à un cadre juridique facilitant leur disponibilité, renforcerait la réponse aux crises.
Prépositionner des stocks d’urgence (eau, nourriture, kits médicaux) dans chaque région permettrait de réduire les délais d’intervention.
Encourager le bénévolat, dès l’école, à l’université ou en entreprise, via des crédits universitaires ou des dons de RTT, est une autre voie pour impliquer la société. Enfin, la Croix-Rouge s’engage à réduire ses émissions carbone de moitié d’ici 2030, visant la neutralité carbone pour 2050, en verdissant ses bâtiments, véhicules et pratiques.
Un appel à l’action collective
Malgré l’ampleur des défis, l’espoir persiste. « Il n’y a pas de fatalité », affirme la Croix-Rouge française. 92 % des Français prennent des nouvelles de leurs proches en cas de crise, et 70 % sont prêts à s’engager auprès d’associations. « Devenir bénévole, même ponctuellement, est le meilleur moyen d’agir », insiste Jérémie Chaligné. Les dons financiers soutiennent aussi la logistique et l’achat de matériel.
Avec un scénario de réchauffement pouvant atteindre les +4 degrés en France en 2100, la Croix-Rouge appelle à forger une société résiliente : « Préparez-vous à être prêts », face aux urgences climatiques.
POUR ALLER PLUS LOIN
- Lire sur le site de La Croix-Rouge : “Catakit : Préparer son sac d’urgence”
- Le rapport Risques climatiques cité dans l’article et l’épisode.
- Le guide gestes de premiers secours : www.croix-rouge.fr/les-gestes-de-premiers-secours
TIMESCODES
00:00 Introduction
01:15 Le parcours de Jérémie Chaligné
02:01 Catastrophes climatiques en France : intensification et risques
03:44 L’impréparation de la population française face aux risques
05:35 Le Catakit : composition et utilité
07:01 L’importance de se préparer aux coupures de réseaux
08:11 La personnalisation du Catakit et la réduction de l’anxiété
09:28 L’importance de réinterroger notre rapport au risque
11:10 Conseils face aux vagues de chaleur
12:14 Conseils face aux feux de forêt
14:26 Conseils face aux inondations
16:20 Se former aux gestes qui sauvent
10:59 L’amélioration de la formation aux premiers secours chez les jeunes
18:34 L’impact des événements climatiques sur la santé mentale
20:52 L’appel de la Croix-Rouge pour un chef de file national
22:01 La vulnérabilité des sans-abri face aux risques climatiques
23:51 Comment aider la Croix-Rouge française : bénévolat et dons
24:45 Merci à Jérémie Chaligné
25:37 Fin
>> Voir aussi : Canicule : l’appel à ouvrir des “Oasis Solidaires” pour offrir de la fraîcheur aux personnes âgées (Les Petits Frères des Pauvres)
CITATIONS
En direct de Jérémie Chaligné, responsable du pôle Éducation à la résilience pour la Croix-Rouge française

Photo: DR.
– Sur la fréquence et l’intensité des crises climatiques :
« Aujourd’hui, on voit qu’elles s’intensifient, on voit aussi que leur fréquence augmente. Ce qu’on observe, c’est que ces crises, elles s’alimentent, elles se diversifient, elles se multiplient« .
– Sur la situation de la France face au réchauffement climatique :
« Il faut savoir aussi que la France est un des pays qui se réchauffe le plus rapidement au monde« .
– Sur l’objectif du Catakit :
« C’est un sac d’urgence qui permet de pouvoir être autonome, soi et sa famille, pendant 48 à 72 heures, si éventuellement les secours sont dépassés« .
– Sur les cinq besoins fondamentaux en situation d’urgence :
« Ces cinq besoins par ordre de priorité, ça va être le premier de se soigner, ensuite de pouvoir se mettre à l’abri, ensuite se signaler auprès des secours, et ensuite, effectivement, s’hydrater et s’alimenter« .
– Sur l’importance de la préparation :
« Il faut vraiment voir ces actions de préparation comme quelque chose qui permet de limiter l’anxiété et de se sentir prêt« .
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Simon
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