[TRANSCRIPTION] Des solutions pour régénérer le cycle de l’eau avec Charlène Descollonges
L’eau douce file vite et il y a “urgence à la ralentir”. Elle est vitale, on l’utilise pour la boire, se nourrir, se vêtir, produire notre énergie, l’eau est cœur de nos besoins et de nos modes de vie. Elle est essentielle.
Pour Soluble(s), Charlène Descollonges, ingénieure hydrologue et conférencière, détaille des solutions qu’il est possible d’actionner pour “régénérer” le cycle de l’eau qui a été déréglé par les activités humaines.
Transcription (automatisée)
Article d’origine : Des solutions pour régénérer le cycle de l’eau avec Charlène Descollonges
Bienvenue dans un nouvel épisode de Soluble(s).
Aujourd’hui, je souhaite parler d’une série de solutions pour remettre l’eau dans le droit chemin ou plutôt pour l’aider à retrouver un cycle qui préserve le vivant et limite les catastrophes.
Bonjour, Charlène Descollonges.
Bonjour, Simon.
Tu es une ingénieure, une hydrologue, une conférencière, spécialiste dans la gestion de l’eau et du partage de cette ressource.
Tu as signé un livre très pédagogique intitulé Sobrement l’eau, qui est publié dans la collection Fake or Not chez Tana Editions.
On va parler de l’eau douce, si importante pour toutes les formes de vie.
Tu nous diras pourquoi son cycle est déréglé, comment on pourrait modifier, notamment l’aménagement du territoire pour limiter les problèmes de sécheresse ou d’inondation qui se multiplient.
Tu as cofondé l’Association pour une hydrologie Régénérative.
Mais d’abord, vous le savez, je me montre toujours curieux sur l’histoire de nos invités.
Charlène, peut-on dire que tu as l’eau dans le sang, qu’avec elle, tu es dans ton élément?
Et cela, dès ton plus jeune âge, parle-nous un peu de toi.
Oui, tout à fait.
J’ai eu la chance de grandir auprès des rivières.
Mon frère est pêcheur à la mouche, donc je l’accompagnais très souvent sur les sorties au bord des rivières, au bord des lacs.
Et on avait la chance d’aller dans le Jura, qui est un massif de calcaire extrêmement riche, en rivière, en cascade.
Et donc, très vite, en fait, j’ai été sensibilisée à la question de l’eau.
Et puis, j’ai orienté mes études dans les sciences de la Terre et j’ai été prise de passion pour l’hydrologie.
Donc, j’ai fait un master d’hydrologie.
J’ai poussé un peu plus loin mes études pour avoir un double diplôme avec l’École des Mines.
En tant qu’ingénieur, et j’ai en fait toujours su que j’allais travailler pour préserver ce bien commun.
Alors, ingénieur, hydrologue, ce n’est pas forcément clair pour tout le monde, même si vous apparaissez de plus en plus souvent dans l’actualité, les personnes de ta profession.
On t’imagine sur le terrain, les mains ou les pieds dans l’eau, en quoi ça consiste concrètement ton métier?
Alors, le métier d’hydrologue, c’est à la fois d’être sur le terrain, effectivement, pour prendre des mesures, notamment des mesures de débit dans les cours d’eau.
Moi, je dis souvent, on prend un peu le pouls de la rivière, au bois, à quel rythme, c’est un cœur bas, on peut dire ça comme ça.
Et derrière, on travaille sur des modèles qui vont faire de la prévision, en fonction d’une pluie donnée, de savoir quel débit va s’écouler dans la rivière, que ce soit pour les crus ou pour, au contraire, les sécheresses.
Moi, j’étais plus sur les sécheresses, spécialisée dans ces questions-là.
Mais j’ai en fait très vite quitté ce bord de la modélisation scientifique pour aller vers la question du partage de l’eau, la concertation, la gouvernance, la politique de l’eau, qui est très stratégique et qui nécessite aussi d’autres compétences d’ingénierie, justement.
Donc, les métiers d’hydrologue, c’est cela.
Ingénieur, c’est plus à concevoir des aménagements hydrauliques, type souvent barrages, ou seuils, ou bassins, ou ce genre de choses.
Et on en reviendra tout à l’heure sur ces solutions.
Mais voilà, moi, je suis ingénieur et hydrologue pour avoir suivi les deux formations.
Mais sinon, sur le terrain, ça ressemble à peu près à ça.
Charlène Descollonges, alors, j’en reviens au problème qui nous réunit aujourd’hui.
La crise de l’eau et l’eau au sens large.
L’année 2023 a été la plus chaude depuis le début de l’ère, préindustrielle en France et dans le monde.
Le sujet de l’eau surgit dans l’actualité de plus en plus souvent, notamment en France, dans l’Hexagone ou les territoires d’outre-mer, avec des sécheresses durables qui sévissent et s’étendent vers le nord du pays ou encore parfois avec un trop plein d’eau.
Ce sont des inondations, des crues qui entraînent des destructions et font hélas parfois des victimes.
Tu attires l’attention sur le rôle des activités humaines et de ses effets sur le cycle de l’eau.
Peux-tu nous dire ce qui coince, en la matière, le réchauffement climatique n’est pas le premier responsable?
Et non, effectivement, je dis souvent que le changement climatique va révéler les désordres qu’on a occasionnés sur ce grand cycle de l’eau.
Mais avant même d’avoir perturbé le climat, on a perturbé ce cycle de l’eau.
Ceci a trois niveaux, moi je les catégorise en couleurs, l’eau verte, l’eau bleue et l’eau grise.
L’eau verte, c’est toute l’eau qui est évapotranspirée par les plantes, et on la mesure avec l’indice d’humidité des sols, qui reflète un peu ce, voilà, entre l’évaporation et ce qu’il y a dans les sols.
Et ensuite, l’eau bleue, c’est toute l’eau qui est, donc l’eau verte, on la voit pas, c’est un peu de l’eau invisible, qui est évapotranspirée par les plantes.
L’eau bleue, c’est toute l’eau qu’on voit.
C’est de l’eau qui est pompée depuis les lacs, depuis les rivières, depuis les nappes.
C’est de l’eau qu’on perçoit tous les jours au quotidien.
Et puis, l’eau grise, c’est toute l’eau que l’on va polluer, que l’on va rendre indispensable parce qu’on va émettre de nombreux rejets polluants dans les hydrosystèmes.
Donc, quand on cumule l’eau verte, l’eau bleue et l’eau grise, on arrive à ce chiffre astronomique de 24 000 milliards de mètres cube d’eau par an.
C’est l’empreinte eau annuelle de l’humanité.
Quand on cumule ces deux, ces trois couleurs, c’est l’empreinte eau.
Et l’empreinte eau annuelle de l’humanité, c’est 24 000 milliards de mètres cube.
Ça, c’est une étude de 2019 qui leur enseigne et qui montre que ces 24 000 milliards de mètres cube d’eau, c’est toute l’eau que s’approprient les êtres humains pour faire la nourriture, pour faire l’alimentation, produire de l’énergie aussi, l’électricité, produire tous les biens de consommation.
Et en fait, c’est monstrueux, c’est énorme.
24 000 milliards de mètres cube d’eau, c’est l’équivalent du débit qui s’écoule des fleuves aux océans.
La moitié, pardon, la moitié des débits, c’est déjà beaucoup.
Et en fait, quand on regarde de plus près cette empreinte eau, on voit que l’impact qui a le plus de problèmes, qui génère le plus de problèmes sur le cycle de l’eau, c’est celui de l’overti.
C’est celui de changement de couverture des sols.
Plutôt que d’avoir une zone naturelle, une zone humide ou une forêt, on va la convertir en un espace d’élevage, ou monoculture, ou un parking, ou une zone d’activité, etc.
Tout ça, ça va contribuer à modifier le processus hydrologique.
C’est-à-dire l’eau de pluie qui va tomber à la surface d’un sol ne va pas pouvoir s’infiltrer, ou pas correctement.
Et donc, on va avoir un changement d’état de l’humidité des sols.
La goutte d’eau ne va pas pouvoir s’infiltrer, donc va ruisseler.
Et donc, on accélère ce cycle de l’eau en surface, ce qui aussi occasionne une baisse de la recharge des aquifères.
Donc en fait, on a déjà déréglé l’ensemble du cycle de l’eau verte et de l’eau blanche.
Et on parlera un peu plus tard du réchauffement climatique qui emporte aussi des conséquences.
L’eau, tu le disais, est un bien commun.
En tout cas, on aime à le penser et le dire.
On va voir que ce n’est pas toujours mis en œuvre de cette manière.
L’eau est essentielle en tout cas pour tout ou presque.
L’agriculture, l’industrie, le secteur de l’énergie, les citoyens évidemment, dans leurs usages quotidiens, domestiques, on sait tous.
On a tous besoin d’eau.
Assiste-t-on déjà en France à ce que l’on appelle des conflits d’usage de l’eau?
Est-ce qu’elle manque et on doit choisir, arbitrer ?
Oui, dans certains secteurs, on choisit déjà.
On se rappelle des Pyrénées orientales qui sont encore en tension de sécheresse.
Effectivement, elles se posent la question entre l’eau pour l’agriculture, l’eau pour manger ou l’eau pour boire.
Et dans certaines stations de ski, c’est l’eau pour boire ou l’eau pour skier, puisqu’on fait de la mêche de culture.
En fait, on est déjà dans ces conflits d’usage en France.
C’est pour ça qu’on dit qu’on est déjà en stress hydrique.
C’est parce qu’aussi, quelque part, nos besoins en eau excèdent la capacité des hydrosystèmes à fournir de l’eau en quantité suffisante.
C’est pour ça qu’on est presque à une autre catégorie de sécheresse.
C’est la sécheresse anthropique.
C’est celle qui est générée par l’homme ou l’humaine.
Et ça, c’est vrai qu’on ne se rend pas compte à quel point on a vraiment besoin d’eau.
Le cas particulier de la France, c’est qu’on utilise de l’eau essentiellement pour nos besoins énergétiques.
50 % des prélèvements d’eau douce, donc sur les 32 milliards de mètres cubes d’eau qu’on prélève chaque année, 16 qui sont pris pour les refroidir des centrales électriques, centrales nucléaires essentiellement.
Et en particulier, les centrales en circuit ouvert, qui prélèvent beaucoup d’eau, mais qui rejettent l’essentiel plus chaud.
Quand on regarde juste les prélèvements, on a ça.
Ensuite, on a l’eau potable, ensuite on a les canaux, l’industrie, l’agriculture.
Et quand on regarde plus précisément, en fait, c’est le métier de l’hydrologue, c’est de focaliser sur un territoire donné à une période donnée.
Parce que c’est là où se révèlent toutes ces tensions entre les usages.
Et c’est en particulier le cas en France, autour de l’été, où on est en saison des basses d’eau.
Et les besoins en eau sont les plus importants, car ils sont utilisés par l’agriculture.
L’agriculture consomme 58 % des consommations totales de la France, 3 milliards de mètres par an.
Quand on parle de consommation, c’est de l’eau qui ne retourne pas dans le milieu dans lequel on l’a prélevé.
C’est de l’eau qui est utilisée pour l’irrigation, bu par les plantes qui transpirent.
L’eau repart et ne revient pas tout de suite dans l’hydrosystème.
Et en fait, on se retrouve à avoir en France des tensions quantitatives, majoritairement dans la moitié sud, mais ça remonte petit à petit.
On a vu même le nord de la France et la Bretagne en 2022 avoir des fortes tensions.
Et on se retrouve même à avoir des manques d’eau pour la défense incendie, qui est aussi un effet direct de ces sécheresses et d’accélérer par changement climatique.
Il est donc nécessaire de modifier certaines choses.
C’est là que le sujet des solutions est important à aborder, évidemment.
Alors, tu travailles dessus.
Tu te définis comme une ingénieure hydrologue engagée pour préserver l’eau et l’ensemble du vivant.
Dans ce cadre, tu as donc cofondé une association pour promouvoir et développer une nouvelle approche.
Celle-ci s’appelle l’hydrologie régénérative, ce que l’homme a désorganisé, il pourrait en quelque sorte le réorganiser.
Par où faut-il commencer selon toi?
Exactement.
En fait, l’idée, c’est de remembrer, mais dans le bon terme, c’est-à-dire recréer ces paysages beaucagés qu’on a perdus depuis 60 ans.
C’est en fait travailler à l’échelle d’un bassin versant.
Donc un bassin versant, c’est l’unité de base d’hydrologie.
C’est une cuvette qui est illimitée par les reliefs.
Et dans laquelle vont se concentrer toutes les eaux de ruissellement et d’infiltration dans les cours d’eau.
Les cours d’eau, donc du petit ruisseau, du petit rue, jusqu’au plus grand cours d’eau et jusqu’au grand fleuve, tout ça, ça forme l’hydrosystème, qui est délimité par le bassin versant.
Dans ce bassin versant, on a ces cours d’eau et on a aussi des zones humides qui sont des écosystèmes très riches, qui permettent de réguler les crus, justement.
Et c’est justement elles qu’on a détruites pendant les 60 dernières années.
On a fait disparaître 50 % et 65 % au bord des cours d’eau.
Les forêts alluviales, la Ripe-Y-Silve, toute la forêt qui est au bord des cours d’eau, elle a disparu de près de 60 % en espace de 50 ans.
Donc, en fait, on s’est complètement … de ces zones humides qui permettent de, à la fois, stocker l’eau quand il y a des grandes crues, redonner de l’eau en temps de sécheresse, stocker du carbone, faire réservoir de biodiversité, épurer de l’eau, tout ça, ce sont des services rendus gratuitement par ces écosystèmes incroyables.
Et l’idée de l’hydrologie régénérative, en fait, ce n’est pas forcément de mettre des zones humides partout.
L’idée, c’est de retravailler à l’échelle du relief, avoir une lecture de comment, en fait, pourrait circuler l’eau de façon à faire le plus long chemin possible en réhydratant la terre, en répartissant l’eau, en gérant les trop-pleins et les assecs.
Donc, répartir l’eau et recréer justement ces espaces de biodiversité autour des mares, autour des étangs, autour de la … justement.
On va recréer des corridors écologiques qui vont permettre de régénérer massivement à la fois le cycle du carbone, mais aussi le cycle de l’eau.
Oui, parce que tout se joue en quelque sorte au niveau du sol.
L’eau file vite, de moins en moins de choses, de terre, de nature ou de glaciers, même la retienne.
Tu dis qu’il y a urgence à la ralentir, à ralentir son chemin.
Comment procéder?
Si on prend quelques exemples, parlons par exemple de la région autour du Rhône, c’est-à-dire un petit peu après le Mont Blanc.
Qu’est-ce qui se passe et comment on peut ralentir cet eau, justement?
Alors, la particularité du Rhône, effectivement, c’est son caractère glaciaire.
Il est né, il prend sa source au pied des Alpes, dans les glaciers.
Alors, côté Suisse d’abord, et ensuite, il rejoint, il retrouve des affluents en rive gauche, donc l’Arve, l’Isère, etc., la Durance, qui sont des torrents glaciaires à la base.
L’Arve, par exemple, qui prend sa source au pied du Mont Blanc, va être durement impacté par le changement climatique dû à la fonte accélérée des glaciers.
Les glaciers, ce sont des stocks d’eau naturels, des réservoirs d’eau douce naturels qui fondent à une vitesse folle.
Et donc, on va avoir un changement du régime hydrologique.
On va aussi avoir un changement de la température dans les cours d’eau.
Et tout ça va contribuer justement à accélérer le cycle de nous.
Mais pire encore, les humains qui aménagent encore une fois ces espaces naturels, qui artificialisent les sols massivement, qui construisent des routes, enfin voilà, tout ça en fait.
C’est l’aménagement, l’urbanisation et aussi, peut-être dans une certaine mesure, l’exploitation intensive des forêts, on le voit par sur d’autres régions en France, qui accélèrent les flux de ruissellement.
Donc l’idée, c’est de la ralentir, mais pas de la ralentir dans ce que les ingénieurs hydrologues sont censés faire, c’est-à-dire des grands barrages, des grands ouvrages, qui vont aussi perturber l’hydrologie en aval.
Il faut vraiment comprendre que tout ce qu’on va stocker dans d’immenses réservoirs en amont, vont avoir des répercussions en aval.
C’est de l’eau qui ne va pas profiter aux hydrosystèmes en aval, qui vont avoir plein d’effets en cascade.
Donc, plutôt que d’avoir ces immenses ouvrages, c’est plutôt de démultiplier des petits ouvrages, types marrent, des petites retenues collinaires, etc.
Mais aussi, pourquoi pas travailler sur la pente avec ce qu’on appelle des baissières.
Et ça, c’est la méthode du keyline design.
Donc, ça, c’est ce qu’on voit.
L’image qu’on a sur notre site internet Hydrologie Régénérative, c’est ces baissières qui suivent les courbes de même niveau et qui vont permettre de ralentir le ruissellement, de casser la pente pour ralentir le ruissellement.
Donc, ça, ça a été expérimenté partout dans le monde et ça commence à se déployer en France, notamment dans le Sud, qui font face à de gros problèmes de manque d’eau.
Donc, il dit, c’est de la ralentir pour que l’eau puisse déjà se stocker dans les sols, avant de la stocker dans de grands barrages.
On va d’abord la stocker dans les sols, rétablir cette immunité des sols et recréer aussi tout un écosystème agroforestier, travailler autour de l’arbre.
Là, c’est le troisième pilier.
On travaille d’abord sur le cheminement de l’eau.
On travaille sur les sols, avoir des sols vivants, bien structurés, qui sont capables d’absorber l’eau.
Et on travaille sur les arbres qui, eux, ont le rôle de stimuler le recyclage de l’eau de pluie.
En fait, c’est l’immense pouvoir qu’ils ont, ils permettent de recycler l’eau de pluie.
Et donc, quand on travaille avec ces trois grilles de lecture, on permet à l’eau de ralentir.
Et donc, ce n’est pas forcément ce à quoi on pense tout de suite en disant ralentir, construire d’immenses barrages.
Non, on va d’abord travailler sur des éléments naturels.
Et peut-on ralentir cette eau dans l’environnement urbain dans lequel beaucoup de personnes nous écoutent?
Il y a beaucoup de bitumes.
Comment faire dans ce cas-là?
Oui, alors c’est vrai que tout ça, on pourrait se dire, bon, ça, ce n’est pas vraiment notre sort.
C’est plutôt le ressort des élus qui aménagent le territoire.
On peut tous en fait le faire.
Alors, si on a la chance d’habiter à la campagne, on peut le faire.
On peut aussi en parler autour de soi des agriculteurs, mais les élus et ceux qui habitent en ville peuvent faire pression sur les élus pour débitumer les villes, de revégétaliser massivement les villes.
Ça s’appelle la désimperméabilisation.
Ça passe par deux choses.
Déjà, déconnecter certains réseaux.
Il y a des réseaux d’assainissement et des réseaux d’eaux pluviales qui sont connectés, donc il faut les séparer.
Et ensuite, tous les revêtements qu’on peut, en fait, soit les convertir vers des zones végétales ou soit des revêtements pour eux qui permettent d’infiltrer l’eau de pluie.
Donc ça, il y a énormément de choses qui sont faites et déployées dans les villes.
La métropole de Lyon, par exemple, travaille beaucoup là-dessus.
Paris a affiché une ambition de revégétaliser massivement, mais ça demande de la place.
Et ça, cette place, elle va prendre finalement le pas sur des infrastructures routières, par exemple, qui ont pris énormément de place sur le parking, sur les routes, etc.
Certains urbains peuvent même découvrir des jardins de pluie.
Qu’est ce que c’est?
Les jardins de pluie, ce sont des bassins temporaires, de rétention temporaire, qui vont collecter justement toutes ces eaux de ruissellement et vont les acheminer dans une cuvette qui est en général aménagée dans des espaces verts, des terrains de jeux, de promenades, etc.
L’eau, tu te parlais des élus, est un sujet politique systémique même, selon de nombreux points de vue, mais si nos modes de vie pèsent sur cette ressource, les citoyens, qu’ils souhaitent, peuvent-ils agir pour limiter leur impact?
Je pense à la notion de sobriété.
Comment la mettre en œuvre, du point de vue de l’eau dans son quotidien?
Cela passe-t-il par des petits gestes ou des changements plus conséquents dans ses modes de vie, dans ses achats, dans son alimentation?
On a du mal parfois à se situer.
Sur quoi est-il le plus judicieux d’agir si on le souhaite?
Pour donner un ordre d’idée, un français moyen utilise à peu près 146 litres d’eau potable par jour.
Cette eau-là, elle est utilisée, ensuite elle est rejetée via une station d’épuration qui rejette les effluents.
Donc, ce n’est pas de l’eau qui est consommée à part s’il y a des fuites dans les réseaux.
Mais elle revient dans l’hydrosystème.
En revanche, quand on regarde par jour, l’empreinte eau quotidienne d’un français, c’est de l’ordre de 4 900 litres.
4 900 litres d’eau par jour, c’est l’équivalent de 25 baignoires d’eau qu’on remplirait virtuellement.
Et toute cette eau-là, c’est pour produire notre alimentation.
L’âge n’inclut même pas l’énergie, l’eau qui est nécessaire pour produire de l’électricité.
Probablement, ce serait deux fois plus.
On ne sait pas.
En tout cas, ce qui est sûr, c’est qu’on pourrait parler vraiment de sobriété globale, à la fois dans notre alimentation, dans l’énergie évidemment, parce qu’on a besoin d’eau pour produire notre électricité, et aussi dans notre mobilité.
Ça, on y pense un peu moins.
Quand on a besoin de se déplacer beaucoup, massivement, il faut construire des routes, il faut des voitures, des voitures qui fonctionnent aujourd’hui au pétrole, et donc accélérations climatiques, au-delà de ça, vont aussi polluer les cours d’eau via des nitrocarbures.
En fait, on a besoin de voir les choses dans leur ensemble, et l’impact de tous ces, de nos modes de vie finalement sur le cycle de l’eau, tant sur l’alimentation, parce qu’on a compris donc, cette empreinte eau est largement dominée par notre alimentation, 80 %, et c’est essentiellement un régime carné.
Plus on mange de la viande, plus, et de la viande rouge, plus on a une empreinte eau qui est riche, parce que c’est un aliment qui est riche en eau virtuelle.
Donc, ça veut dire changer notre assiette, et pour ça, l’idée, c’est de réduire la viande, végétaliser, et relocaliser, et avoir aussi une agriculture paysanne, locale, le plus possible.
Ça, ça va dans le sens d’une hydrologie régénérative, aussi de soutenir des agriculteurs qui vont mettre en place ces pratiques, qui vont prendre soin des sols, des arbres et de l’eau.
D’autant qu’on a très peu de temps pour aborder ce sujet, mais toutes tes publications le font.
Le réchauffement climatique, justement, en cours sur la planète, affecte aussi le cycle de l’eau, et on entend là que certaines des solutions pour limiter et contenir le réchauffement climatique rejoignent celle pour préserver le cycle de l’eau.
Sur le plan des précipitations et de l’eau en tant que telle, comment l’eau est-elle impactée par le réchauffement climatique?
En très peu de temps, pardon.
En fait, les régimes de précipitations vont évoluer.
Alors, sous nos latitudes en France, le pourtour méditerranéen va s’assécher.
Il y aura moins de pluie annuelle.
Le climat méditerranéen va remonter progressivement.
On va peut-être concerner la moitié de la France d’ici le 200.
Ce qu’on va voir, c’est une accélération du cycle de l’eau, une accélération du processus d’évaporation, de précipitation.
En clair, on va avoir des périodes de sécheresse plus longues et plus intenses et des périodes de précipitations plus courtes et plus intenses.
On le voit en ce moment même, en 2023.
2023, sur la Dordogne, la désert, la rivière, qui était presque à sec cet été, là aujourd’hui atteint des niveaux de crues historiques.
Donc, c’est en fait les premiers signes du changement climatique qui se manifeste déjà en 2023.
Et ça va s’accélérer, ça va continuer à gagner en intensité et en fréquence.
C’est là que le sujet devient politique, car il faut agir, il faut structurer, il faut organiser les réponses et l’adaptation en simultané.
Il y a d’ailleurs en France une gouvernance de l’eau.
Tu dis que sur le sujet de l’eau, il faut aussi penser à l’échelon local, être au plus près du terrain, agir localement.
Pourquoi c’est important?
Moi, je viens de la territoriale.
J’ai été moulée dans la fonction publique territoriale et je me suis rendu compte à quel point les élus locaux ont un pouvoir énorme.
Et c’est ici que ça se joue, effectivement, parce qu’ils ont la main sur l’aménagement du territoire.
Donc, ils peuvent désimperméabiliser les villes, construire moins de routes, tester l’hydrologie régénérative.
Ils peuvent aussi avoir une vision de la gestion de l’eau potable, ceux qui gèrent l’eau potable et l’assainissement.
Donc, avoir une politique qui permet de réduire les fuites dans les réseaux, de revoir le prix de l’eau, de traiter davantage dans les stations d’épuration, etc.
Ils ont beaucoup de pouvoirs et ils permettent…
Et donc, ils siègent aussi dans ce qu’on appelle les parlements de l’eau.
Donc là, on parle très rapidement.
La gouvernance de l’eau en France, en fait, on est organisée en parlements de l’eau qui sont représentés par des élus.
Et ensuite, le reste, les services de l’État.
Et donc, ces parlements de l’eau décident de toute la gestion stratégique de l’eau à l’échelle des bassins versants, à l’échelle des grands bassins, des six grands fleuves et à l’échelle des sous bassins.
C’est ce qu’on appelle les commissions locales de l’eau.
Les petits sous bassins sont gérés par les commissions locales de l’eau.
La volonté du gouvernement, c’est de couvrir toute la France en commission locale de l’eau.
Et c’est une très bonne chose parce que ça permet de faire du dialogue et de concerter l’ensemble des usagers avec les élus, avec les citoyens, avec les services de l’État.
Mais par contre, il va falloir aller plus loin en intégrant la question de l’intérêt des rivières, des intérêts des rivières et du vivant de manière générale.
Un sujet passionnant, mais impossible de tout voir.
Donc en détail dans cet épisode, je me dis qu’il faudrait une série de podcasts dédiés ou même des cours en ligne et un livre.
Alors pour les cours en ligne et le livre, ça tombe bien.
Puisqu’ils sont disponibles sur Internet, c’est court.
Je vais vous mettre le lien dans la description de l’épisode.
Le livre, je le disais en introduction, s’appelle L’Eau.
Il est dans la collection Fake or Not aux éditions Tana.
Et puis on peut aussi se rendre régulièrement, à assister à des conférences que tu donnes et te suivre sur les réseaux sociaux.
Charlène Descollonges, merci d’être passée dans Soluble(s).
Merci beaucoup.
À bientôt.
Voilà, c’est la fin de cet épisode.
Si vous l’avez aimé, notez-le, partagez-le et parlez-en autour de vous.
Vous pouvez aussi nous retrouver sur notre site Internet.
csoluble.media.
À bientôt.
POUR ALLER PLUS LOIN
- Consulter le site de l’association cofondée par notre invitée :
Association « pour une hydrologie régénérative » - Lire le livre :
“L’eau – Fake or not” par Charlène Descollonges
Tana éditions
- Les cours en ligne : “Les enjeux de l’eau – Comprendre, gérer et régénérer le cycle de l’eau” https://www.sator.fr/cours/les-enjeux-de-leau
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Précision sur l’année 2023 : Deuxième année la plus chaude en France selon Météo-France. (Le Monde /AFP 05/01/24)
TIMECODES
00:00 Introduction
01:17 Son parcours
02:21 Ingénieure et Hydrologue : c’est quoi ce métier concrètement ?
04:33 Les activités humaines perturbent le cycle de l’eau
07:53 Des conflits d’usages de l’eau
10:49 L’hydrologie régénérative
13:27 L’exemple du Rhône et de l’Arve
16:57 Ralentir l’eau en “désimperméabilisant” les sols
19:11 Empreinte eau individuelle : comment la diminuer ?
22:01 L’impact du changement climatique sur le cycle de l’eau
23:20 L’importance d’agir localement sur les causes
25:38 Merci à Charlène Descollonges !
Fin
Propos recueillis par Simon Icard.
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Simon Icard
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