[TRANSCRIPTION] AMEP, c’est quoi le don d’électricité renouvelable entre voisins ?
Solaire et solidaire. C’est une expérience d’autoconsommation d’électricité qui débouche sur du partage. La totalité de l’énergie produite par des panneaux solaires doit être consommée instantanément ou injectée dans le réseau, avec les AMEP, le surplus d’énergie bénéficie gratuitement aux voisins à proximité immédiate.
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À Simiane-Collongue, dans les Bouches-du-Rhône, Christophe Brun qui a travaillé dix ans dans le secteur de l’énergie, a eu l’idée de donner son surplus d’électricité plutôt que de le revendre.
Transcription (automatisée)
Article source : AMEP, c’est quoi le don d’électricité renouvelable entre voisins ?
Bienvenue dans un nouvel épisode de Soluble(s).
Aujourd’hui, je souhaite médiatiser une initiative qui ne manque pas d’énergie et de solidarité.
– Bonjour Christophe Brun
– Bonjour
Tu es le cofondateur d’une association qui expérimente le don d’électricité entre voisins.
Tu nous diras toute cette idée qui vise à mutualiser avec des habitants autour de soi le surplus d’électricité produit localement par des panneaux solaires.
On va voir comment tu as eu cette idée, comment ça marche, quelles sont les conditions et voir comment tu agis pour diffuser cette énergie solidaire.
Mais d’abord, vous le savez, je me montre toujours curieux sur le parcours de nos invités.
Christophe, on peut dire que le sujet de la transition énergétique est au cœur de tes activités, y compris professionnelles.
Tu es un ingénieur de formation.
Je suis ingénieur de formation et je travaille dans le secteur de l’énergie depuis maintenant une dizaine d’années.
Tu as choisi de conjuguer un projet utile, mais aussi qui a du sens.
Oui, c’est ça.
En fait, l’AMEP, c’est un projet qui est bénévole.
Ce n’est pas mon métier.
Et quand je m’engage dans un projet de ce type, comme il n’y a pas de motivation financière, je me pose la question pourquoi je le fais et quelle implication j’y mets.
Et de mon côté, ça fait quelques années que j’ai un peu une forme de filtre de décision.
Le premier, c’est : est-ce que j’en ai envie?
Est-ce que j’en ai vraiment envie?
Est-ce que ça me rend enthousiaste au point de continuer les jours où je ne suis pas en forme?
Et le deuxième, c’est est-ce que je trouve ça utile?
Et je trouve que c’est en fait un filtre qui est assez efficace pour choisir ses projets.
L’envie et l’utilité.
Disons-en au sujet qui nous réunit aujourd’hui, ce sont donc les AMEP, c’est le nom du concept de ton association.
Est-ce que tu peux nous expliquer le principe de l’AMEP?
Donc l’AMEP, ça veut dire Association pour la Mutualisation d’une Énergie de Proximité.
Alors, la comparaison avec l’AMEP ne serait pas fortuite, parce que les AMEP permettent de fournir de l’alimentation produite localement pour des consommateurs locaux, est une très bonne source d’inspiration pour les AMEP.
Simplement, on essaie de l’appliquer pour l’énergie.
Donc, le principe est assez simple.
C’est que des personnes produisent de l’énergie grâce à leur panneau photovoltaïque pour leur propre consommation.
Il y a des moments où il y a du surplus.
Il y a de l’énergie en trop, par exemple à midi, quand il y a beaucoup de soleil.
Et cette énergie, cette électricité est partagée et est même donnée à des voisins et des associations.
On va explorer tout ça dans le détail.
Cette idée est basée sur ta propre expérience dans le sud de la France.
C’est près d’Aix-en-Provence que ça a commencé?
Oui, tout à fait.
On habite entre Aix et Marseille.
Mais l’idée est venue sur notre terrasse.
On a quelques pieds de vignes qui font des raisins tous les ans au mois de septembre.
Au mois de septembre, on adore les raisins, mais il y en a trop pour notre consommation.
Et naturellement, on donne les grappes aux voisins.
Jamais on n’aurait pensé à leur vendre du raisin.
Et avec le projet de panneaux solaires sur le toit, on s’est dit, mais tiens, finalement, ce surplus, est-ce qu’il faut vraiment le vendre?
Est-ce qu’il n’y aurait pas d’autres solutions un peu plus amusantes et atypiques?
Tu fais ce que l’on appelle dans le jargon administratif français de l’autoconsommation collective, c’est-à-dire que l’électricité produite localement, donc sur ton toit, peut être partagée à proximité avec tes voisins.
Je me demande comment tout ça fonctionne.
Je vais te poser d’autres questions très concrètes.
D’abord, dans ton cas, ce sont des panneaux solaires sur le toit.
Peux-tu nous décrire l’installation que tu as?
C’est sur une maison individuelle?
Oui, tout à fait.
C’est sur une maison individuelle.
Il y a 16 panneaux sur le toit.
Ça fait à peu près 25 m².
Ça représente 6 kilowatts d’installation.
La production photovoltaïque produit l’électricité de qualité équivalente à celle que tu as chez toi quand tu fais appel au réseau.
Et simplement, elle est branchée sur le tableau électrique de la maison et est consommée en priorité.
C’est un phénomène naturel.
Alors, quelle est l’origine de ce surplus d’électricité?
Je te pose la question pour qu’on voit bien le détail.
Est-ce que c’est parce qu’il y a trop de panneaux solaires ou c’est lié au mode de vie des personnes?
En fait, le phénomène de surplus, c’est un phénomène qui va arriver dans la totalité ou quasi totalité des installations ou des résidences.
Parce qu’au moment où l’énergie est produite, il faut qu’elle soit consommée entièrement si on ne veut pas qu’il y ait de surplus.
Et en fait, dans une maison ou un appartement, il n’y a jamais une consommation permanente d’électricité.
Il y a des hauts, des bas, on déclenche le four.
Donc en fait, même une petite installation photovoltaïque va produire du surplus même si il n’y en a pas beaucoup.
Alors dans ton cas, c’est une maison individuelle.
Je le disais, il y a autour de toi d’autres maisons, ce sont des voisins.
Et sur la base de cette idée, il y a un partage d’électricité.
On va voir comment l’électricité arrive ou pas directement chez eux.
Mais quels sont les bénéfices pour, c’est gratuit?
Oui, c’est ce qu’on peut lui dire.
Il n’y a que des bénéfices puisque effectivement, l’électricité est gratuite.
Alors, tu parles des voisins, mais depuis quelques mois, nous avons une association, un ESAT qui fait travailler des handicapés, qui fait partie des participants, qui n’est pas un participant neutre parce que c’est un gros établissement.
Mais le projet a démarré effectivement avec les voisins, donc cinq voisins pour être précis.
Et eux en fait bénéficient de cette électricité gratuitement, c’est-à-dire que tout ce qui vient du toit est déduit en fait de leur facture d’électricité par leur fournisseur.
Bon évidemment, après, c’est ce qu’ils sont tous volontaires, ça a d’ailleurs quelque chose que vous avez mis en place en commun, on imagine.
Oui, tout à fait.
Quand on l’a mis en place, en fait, c’était vraiment, vraiment nouveau.
C’est quelque chose qui n’était pas connu du tout.
Donc pour tout te dire, il y en a qui m’ont regardé avec des gros yeux.
Quand j’avais fait la proposition au départ, on se demandait ce que j’étais en train de leur raconter.
Bon le fait d’avoir travaillé dans ce secteur, ça a sans doute un côté un peu rassurant puisque moi, je savais que c’était possible.
Mais effectivement, la première chose a été en fait d’obtenir le raccord, ce qui est censé, on pourrait imaginer que c’est hyper facile d’obtenir un accord vu qu’il s’agit de dons.
Mais en fait, comme c’est quelque chose de complètement nouveau, ça n’a pas été facile avec tous.
Donc il y a eu d’abord une vraie phase d’explication de quoi il s’agit.
Et puis une fois qu’ils ont compris, et puis surtout, ils ont compris que je n’avais pas une idée derrière la tête d’aller, je sais pas, créer un lien de dépendance ou leur vendre quelque chose d’autre, ben là en fait, ils sont rentrés dans l’expérience plutôt en mode test, on s’est dit, on fait ça pendant un an et puis ensuite, on voit.
Et j’avoue qu’en fait ça s’est passé à merveille et on se réunit à peu près une fois par saison autour d’un apéro pour faire un peu un bilan.
Donc c’est aussi l’occasion de mieux connaître ses voisins et de mieux parler d’énergie.
Alors, on va voir comment l’énergie est concrètement distribuée, parce que ce n’est pas un câble qui te relie spécifiquement aux voisins, cela se fait différemment.
C’est le distributeur d’électricité en France, Enedis, qui s’occupe de ça, qui prend le relais, comment ça marche?
Oui, tout à fait.
En fait, quand on est en situation de surplus, l’électricité remonte les câbles jusqu’au réseau.
C’est vraiment comme ça que ça se passe.
Ça peut paraître bizarre, mais l’électricité passe dans l’autre sens.
Et le compteur d’électricité, donc le Linky dans la plupart des habitations individuelles, en fait, il compte dans les deux sens.
Et donc Enedis compte ce surplus avec le Linky.
Et ensuite, le distribue, selon une règle de répartition qui a été fixée par l’AMEP, le distribue auprès des bénéficiaires.
Donc c’est une distribution qui est virtuelle, on peut dire, mais qui est exacte parce que la somme de ce qui est distribué correspond à ce qui a été produit.
D’ailleurs, on peut se demander, que deviendrait cette électricité, même théorique, si elle n’était pas donnée?
Quelles sont les alternatives dans ce cas-là, quand il n’y en a rien sur plus de production?
L’alternative la plus connue lorsqu’on fait installer par un professionnel son installation photovoltaïque, c’est vendre le surplus à EDF.
C’est une branche EDF qui s’appelle EDF Obligation d’achat.
C’est un tarif qui n’est pas très élevé, mais qui c’est toujours ça.
Alors, données plutôt que de vendre.
On précise que dans ce système qui est encadré aussi par la loi et des textes réglementaires, il y a aussi un avantage fiscal pour les propriétaires.
Ça fonctionne un peu comme un don, c’est ça?
Comme un don à une association à déduire?
Aujourd’hui, c’est quelque chose qu’on est en train d’explorer.
Le don au voisin n’est pas du tout défiscalisé, puisqu’en fait un don ne peut se faire qu’auprès d’une association d’intérêt général.
Et effectivement, on a l’habitude de donner de l’argent et d’avoir, je ne sais pas, un particulier à 66% de déduction fiscale, je crois.
Mais en fait, on se rend compte qu’on peut donner pas que de l’argent.
Et donc, il n’y a aucune raison qu’on ne puisse pas donner de l’électricité, d’en avoir un bénéfice fiscal, mais ça, c’est quelque chose qui est géré exploratoire pour nous à ce stade.
Et donc, votre association à l’ambition de s’aimer et de promouvoir ce concept au-delà du sud de la France, ça a d’ailleurs commencé, tu vas nous le dire, vous vous êtes structuré, d’ailleurs, il faut se structurer en association pour réaliser ces dons entre voisins.
On ne peut pas faire ça, il faut un cadre particulier ou pas?
Oui, en fait, si tu veux, Enedis ne parle pas à des particuliers.
Il parle à une structure juridique qui représente l’ensemble des participants.
Donc le plus simple, en fait, c’est une association.
Et donc cette association, la première chose, c’est de la monter avec les voisins.
Nous, actuellement, on propose à ceux qui veulent démarrer, mais qui hésitent encore un peu de mettre à disposition notre propre association.
Donc ça leur évite de créer une association.
Mais dès lors que ça devient un projet un peu structuré, structurant, c’est mieux d’avoir créé sa propre association, mais comme tout un tas d’assauts dans lesquels on est adhérents.
C’est quelque chose qui est facile à mettre en place.
Avec l’AMEP, donc, quelles sont les personnes ou organisations qui sont intéressées, parce que vous rencontrez souvent du monde, vous organisez, je crois, des séminaires en ligne.
Quel est le profil des personnes intéressées?
Comment vous essaimez?
C’est assez rigolo parce qu’en fait, les séminaires en ligne, qu’on fait les derniers lundis de chaque mois à 19 heures, même pour nous, c’est facile à retenir, ces séminaires, on les a mis en place face au volume de demandes.
Et comme il s’agit d’une activité bénévole de notre côté, on s’est dit qu’il faut qu’on arrive à s’organiser, une manière à expliquer comment on s’y est pris, mais sans que ça nous coûte le fait de répondre individuellement à chacun.
Et donc ça remonte à il y a un peu moins d’un an, où on a commencé à organiser le premier webinaire, et en fait qui a eu beaucoup de succès, où on parle vraiment de retour d’expérience, voilà comment ça a commencé, voilà comment ça s’est passé, voilà les bonnes surprises, les éventuelles mauvaises surprises.
Et le profil en fait des personnes, donc c’est souvent des personnes qui sont elles-mêmes sensibles à tout ce qui touche à la transition énergétique.
La grande majorité sont des gens qui ont une installation photovoltaïque ou un projet d’installation photovoltaïque.
Et puis pour être sensible aux dons, je ne sais pas, je pense qu’il y a un filtre en fait, c’est-à-dire que les personnes qui veulent absolument vendre leur surplus, soit elles ne participent pas au webinaire, soit on n’entend pas parler en fait après le webinaire.
Mais ce n’est pas grave, je veux dire, tous les modèles de développement de l’énergie renouvelable sont bons.
Mais nous, on tient vraiment à cette gratuité.
Tu as prononcé le mot et l’expression transition énergétique.
La France, l’Europe et une grande partie des pays quand même ont entamé leur transition énergétique dans le but de sortir des énergies carbonées pour limiter donc le réchauffement climatique.
On se dit que cette solution électrique pourrait se développer rapidement, notamment avec cet argument de la solidarité, finalement.
Oui, tout à fait.
Alors c’est difficile de ramener son petit projet aux ambitions nationales ou européennes.
Enfin, on est vraiment une goutte d’eau.
Je pense à tout ce qu’il faut faire.
Mais je dirais que la particularité, c’est effectivement cette logique de solidarité autour de l’énergie, qu’on ne voit pas beaucoup finalement, alors que…
Alors qu’en fait, nous, ça fait maintenant bientôt un an et demi que ça tourne.
Et c’est devenu presque naturel, en fait, chez tous les participants.
Alors on peut se poser la question, pour le propriétaire, mais il y a quand même un manque à gagner financier.
Alors peut-être, c’est vrai, moi j’ai calculé que c’était…
J’avais fait le calcul, c’était entre 100 et 300 euros par an.
Donc certains pourraient dire c’est beaucoup, d’autres diraient, c’est peu.
Moi je dirais que c’est mon budget pour jouer avec les voisins.
Il y en a qui dépensent ça dans un loisir.
Et en fait, pourquoi il y a tant de gens qui sont convaincus par ça?
Je pense qu’il y a le côté, une fois que j’ai acheté mon installation, c’est avant tout pour consommer l’électricité.
Voilà, si il y avait un modèle économique, c’est combien ça me coûte, et combien je fais réduire ma facture d’électricité.
La question du surplus, de la valorisation économique du surplus, c’est presque secondaire dans les gens qui sont motivés par ce type de projet.
Donc, on n’est pas en train de casser le modèle économique du photovoltaïque, on est en train de dire dans tout ce que vous produisez, il y a une grande partie que vous consommez, il y a une petite partie qui est en surplus, est-ce que vous tenez à vendre ce surplus, ou est-ce que ça vous botterait le donner à un ESAT, aux Restos du Coeur, à Emmaüs, ou à une association que vous aimez bien?
Y a-t-il des organisations ou des entreprises qui sont sensibles à vos arguments, ou c’est pour l’instant méconnu, du monde professionnel?
On a pas mal d’entreprises du secteur qui participent aux webinaires, parfois de manière un peu masquée d’ailleurs.
On a des adresses email mais en fait y a des entreprises qui gèreraient plutôt de la veille et qui d’ailleurs pour certaines nous aident puisqu’elles ont un savoir-faire qui est intéressant.
Des entreprises qui financent leurs propres installations pour leurs propres consommations et qui pourraient appliquer le même modèle.
On a eu quelques contacts, mais je pense que le concept est encore trop peu connu, mais il est tout à fait applicable au monde des entreprises.
Christophe Brun, pour les AMEP, on retrouve plus d’informations pratiques et tous les contacts sur le site Internet de l’Association que vous trouverez dans la description de cet épisode.
Tu es aussi présent sur les réseaux sociaux avec l’AMEP?
Christophe, merci d’être passé dans Soluble(s).
Voilà, c’est la fin de cet épisode.
Si vous l’avez aimé, notez-le, partagez-le et parlez-en autour de vous.
Vous pouvez aussi nous retrouver sur notre site Internet,csouble.media.
À bientôt !
POUR ALLER PLUS LOIN
- Participer aux séminaires en ligne organisés par les AMEP : chaque dernier lundi du mois un webinaire en ligne, inscription sur amep.co
- Écouter aussi ce reportage France Inter réalisé par Cécile Bidault pour “Esprit d’initiative”
TIMECODES
00:00 Introduction
01:00: Le parcours de Christophe Brun
02:17 Le principe des AMEP
04:10 L’installation de Christophe
05:48 La gratuité pour les voisins
08:01 Techniquement, ça fonctionne comment ?
10:25 Quel cadre administratif pour se lancer dans une AMEP ?
11:25 Le profil des personnes intéressées
13:14 La solidarité pour doper la transition énergétique ?
16:09 Merci à Christophe Brun !
Fin
Propos recueillis par Simon Icard.
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Simon
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