[TRANSCRIPTION] De moins en moins blanche, la montagne peut-elle devenir plus verte ?
Star de l’hiver, la neige fait rêver et attire à la montagne de nombreux touristes et investissements immobiliers. Face aux défis climatiques et écologiques, les territoires montagneux qui couvrent 27% de la surface de la France et accueillent un quart des lits touristiques, doivent s’adapter et se transformer, mais dans quelle direction ?
Soluble(s) a recueilli les pistes de solutions proposées par Valérie Paumier, fondatrice de Résilience Montagne.
Le nombre de jours d’enneigement poursuit sa descente depuis les années 70.
Largement structuré autour de la pratique du ski et de l’immobilier, le modèle économique du tourisme en montagne est de plus en plus questionné par ses acteurs et usagers. Des collectifs de citoyens résidents sur place s’emparent du sujet alors que le réchauffement climatique est deux fois plus rapide en montagne que dans les autres écosystèmes, selon météo France.
Prise de conscience
Transcription (automatisée)
Article source : De moins en moins blanche, la montagne peut-elle devenir plus verte ?
Bienvenue dans un nouvel épisode de Soluble(s).
Aujourd’hui, je souhaite passer en revue des pistes de solutions pour un tourisme à la montagne plus durable, hiver comme été.
Bonjour, Valérie Paumier.
Bonjour.
Tu es la fondatrice de Résilience Montagne, une association qui sensibilise aux conséquences du dérèglement climatique dans les massifs français et qui œuvre pour une transition vers un changement de modèle pour la préserver.
Tu nous diras quelles sont les limites actuelles de ce modèle, justement.
Et on va parler aussi des conséquences du changement climatique sur les stations de ski et voir ensemble à quelles évolutions s’attendre.
Mais d’abord, vous le savez, dans cette émission, on adore entendre le parcours de nos invités.
Et Valérie, le moins que l’on puisse dire, c’est que si ton amour pour la montagne est constant, ta façon de t’y consacrer à changer du tout au tout, tu faisais quoi avant de fonder Résilience Montagne?
Eh bien, j’ai toujours aimé la montagne, on va dire.
Mais j’ai 54 ans et je suis née probablement à un moment où on parlait beaucoup moins des causes et des conséquences du réchauffement climatique globalement et en montagne.
Je dis que je viens souvent de l’autre côté du miroir.
J’ai fait des études plutôt de commerce, de finance.
J’ai travaillé à l’international.
J’étais au Gabon, à Libreville.
Puis j’étais à Hong Kong.
Puis j’étais à Genève.
Alors par côté pratique parce que je suis à Annecy.
Mais aussi parce que les milieux financiers, je ne cache pas, sont plutôt du côté suisse.
Et j’ai travaillé dans le tourisme, la finance, la promotion mobilière.
J’ai travaillé notamment pour booster la destination France d’un point de vue touristique basée en Asie.
Donc pour une clientèle Asiatique, Sud-Asiatique et Grande Asie du Sud-Est.
Donc j’étais plutôt chargée de développer le business pour lequel aujourd’hui, j’essaie de faire prendre conscience des limites et des dangers.
Donc j’étais plutôt chargée de développer le business pour lequel aujourd’hui, j’essaie de faire prendre conscience des limites et des dangers.
Et voyons en effet l’importance de ce business, comme tu dis, l’importance de la destination montagne en Europe et en France en particulier.
Une importance considérable dans l’économie française.
On parle d’ailleurs d’industrie touristique ou même d’or blanc.
Comment le qualifier?
C’est 8 % des emplois dans les Alpes, par exemple.
12 % dans les Pyrénées.
C’est colossal?!
Oui, le tourisme est un énorme facteur.
En Savoie, par exemple, on dit que ça représente 50 % du PIB.
C’est pas rien.
La Haute-Savoie, un peu moins.
La Haute-Savoie est un peu plus industrielle et plus développée avec d’autres services.
Mais la volonté, aujourd’hui, du département de la Haute-Savoie est d’augmenter de cette part du PIB liée au tourisme parce que c’est un secteur qui rémunère bien certaines personnes.
Et puis, on a la particularité dans les Alpes d’avoir cette industrie du tout ski, oui.
Une industrie qui emploie 100 à 120 000 salariés en comptant les saisonniers en France.
Alors, les vacanciers sont majoritairement composés de skieurs à la montagne.
Ce n’est pas un scoop.
L’hiver occupe une place prépondérante dans cette économie, celle de l’or blanc.
10 milliards d’euros sont dépensés chaque année dans la montagne.
Mais le modèle des stations de ski se heurte à différents défis.
C’est les défis de notre époque, les défis du siècle.
Par exemple, la baisse inexorable des journées d’enneigement, la protection de la biodiversité, et évidemment la lutte contre le changement climatique.
On va passer tout cela en revue et pour bien comprendre.
Peux-tu nous expliquer quel est le modèle économique des stations de montagne en France?
Aujourd’hui, en France, c’est un modèle très particulier qui est complètement différent du reste de l’arc Alpin, on va dire.
Le modèle du tourisme en montagne en France est basé essentiellement sur des, on va dire, des rentes immobilières à court terme pour certains.
On va dire que c’est l’immobilier qui tient le modèle.
Pour la stratégie en place, comme elle est montée, plus on construit, plus on a de lits touristiques.
Grosso modo, plus on vend des forfaits, et plus on a une rente aux remontées mécaniques qui redistribue de l’argent aux communes, puisque les remontées mécaniques sont liées aux communes par des délégations de services publics.
Donc en fait, l’idée est toujours gonfler l’offre, mais par l’attrait de lits touristiques et du coup haut de gamme.
Haut de gamme, est-ce que tu peux préciser?
Parce qu’en effet, on a tous en tête que l’acte à la montagne n’est pas réservé à tout le monde pour des raisons économiques.
Sur l’immobilier en tant que tel, que veux-tu dire?
Eh bien, aujourd’hui, un peu comme partout en France, on voit qu’il y a une inflation sur les prix du foncier.
Alors en montagne, elle est décuplée.
Quand un foncier, un terrain coûte cher, alors le prix au mètre carré coûte cher.
C’est un calcul mathématique.
Le promoteur qui fait son métier établit son bilan en fonction du prix qu’il achète le foncier et en fonction de combien il peut mettre d’appartements sur ce foncier.
Très simplement, on achète un terrain à 10 millions, c’est un prix normal en montagne, 10 millions.
Si on y met un chalet, eh bien, on imagine combien vaut le prix du mètre carré d’un chalet si on densifie et qu’on met 80 appartements.
Alors, on diversifie, on amoindrit le prix au mètre carré.
Mais aujourd’hui, on atteint des prix, malgré la densification, complètement intenables et on observe en montagne aujourd’hui que plus, on construit de lits touristiques, plus on perd des habitants à l’année.
Les habitants fuient.
Un petit exemple, aujourd’hui, un chalet s’est vendu 50 000 euros du mètre carré à Val d’Isère.
Quand on vend un chalet de ce prix-là à Val d’Isère, alors c’est en front de pistes, c’est une situation particulière.
N’empêche que ce prix-là a été offert et signé.
On met une espèce de prix de référence dans la station.
Donc, pour du très haut de gamme, on estime qu’on peut vendre ce prix-là.
Un promoteur qui arrive et qu’achète à côté dit, ça c’est vendu ce prix-là.
Donc on monte un petit peu en gamme.
Mais quand on achète à ce prix-là, les gens qui achètent en montagne aujourd’hui louent pour rentabiliser leur achat et pour avoir une rente.
Rentabiliser un achat à ce prix-là, alors on loue la semaine très cher.
Et depuis très longtemps, on a perdu la clientèle française sur les massifs alpins, parce que les prix sont élevés.
Justement, le ski concerne quel public en France? Est-ce qu’on a des données?
On dit entre 7 et 10 % des français skient, globalement.
Il y a des chiffres des lobbies du ski, la NMSM, l’Association nationale des stations des mers de montagne, qui explique qu’il y aurait 40 % d’intention de skier.
Mais les chiffres disent bien entre 7 et 10 % des français skient seulement.
Alors que quand on voit les journaux télévisés en février, on a l’impression que la France entière va au ski!
Toujours impressionnée par ces images de transhumance à la neige qui concernent si peu de personnes finalement.
Il faut dire que la neige, la montagne peut nous faire rêver, nous faire tous rêver.
Et cette neige, justement, commence à manquer.
Alors, ce n’est pas d’aujourd’hui, c’est depuis les années 70 que le niveau, les périodes, les journées d’enneigement diminuent.
C’est quelque chose qui semble inexorable, qui est inexorable avec le réchauffement climatique.
Est-ce que cela remet en cause une économie du tourisme basée sur le ski?
Et donc, toutes ces constructions qu’il y a autour?
Alors, dans une logique de marché normale, s’il y en avait une, on pourrait dire que c’est un marché en péril.
La matière première est en déclin, très fortement.
On subit une inflation en France, on perd beaucoup de pouvoir d’achat.
Et à l’étranger aussi, les Anglais, qui sont une grosse part du tourisme, subissent aujourd’hui une grosse inflation.
On pourrait dire que quand on s’intéresse au climat et aux limites planétaires, on atteint des seuils, des jauges.
On vient de dépasser les limites planétaires pour l’eau potable, par exemple, en montagne, on fabrique de la neige avec de l’eau quasi potable.
Et en fait, tout ça pourrait dire que c’est un marché en péril qui est déjà en décroissance, puisqu’on perd des journées de ski, puisqu’on va vers une diminution du modèle.
Finalement, c’est un, on va dire une profession, une industrie qui est tenue artificiellement par des subventions publiques, grâce à des subventions publiques.
C’est déjà un marché décroissant.
Alors normalement, on devrait dire que ça devrait s’arrêter, ou on devrait dire qu’on arrête d’aggraver le problème.
Mais on est dans une tout autre démarche aujourd’hui.
On continue d’aggraver le problème comme si ce n’était pas grave, ou comme si les solutions techniques et technologiques nous permettraient de continuer encore bien longtemps.
Il faut dire à lire les rapports du GIEC qui compilent les données scientifiques autour du climat.
Les données spécifiques à la neige et à la montagne sont les suivantes à l’horizon 2031-2050.
Dans cette période-là, l’épaisseur moyenne de la neige en hiver à basse altitude va diminuer probablement de 10 à 40 %.
Une de ces conséquences, c’est le rehaussement des stations de ski ou, comme tu le disais, le recours aux canons, à la fabrication de neige, la fameuse neige artificielle.
Quelques chiffres encore, selon les données des domaines skiables français, aujourd’hui, ce sont 35 % des pistes françaises qui sont équipées de ces dispositifs qui permettent de produire de la neige.
La question de la ressource en eau devient de plus en plus cruciale.
Y aura-t-il ou y a-t-il assez d’eau pour continuer à produire cette neige?
Eh bien, on aimerait bien.
Dans l’idéal, on a envie de penser que la neige est restituée à la nature.
Par exemple, ce sont les explications des lobbies du ski, sauf que ce n’est pas la réalité.
Aujourd’hui, pour fabriquer de la neige, il faut beaucoup d’eau, il faut beaucoup d’énergie et il faut du froid.
On peut voir aujourd’hui que ces trois constantes deviennent rares, chères et en danger.
On est en dérive énergétique, nul ne sait, personne ne sait combien on va devoir payer l’énergie d’ici à 2030.
Je parle de 2030 parce que ça va être les JO dans les Alpes.
Combien va donc coûter cette neige?
Comment sera la ressource en eau, même dans les Alpes aujourd’hui, en Haute-Savoie par exemple?
On a quatre, cinq mois de restriction d’eau dans les vallées Alpines.
Moi, je suis à Annecy, à 20 km de là, une ville était sans eau, les eaux trop polluées, en fond bassins versants, ravitaillements par les corbeaux, on va dire.
Entre Annecy et Genève, pas mal de villages aussi coupés des eaux.
Quand on n’a plus d’eau au robinet, on s’interroge.
Et puis, on a le froid.
Pour fabriquer la neige, il faut du froid.
L’année dernière, au mois de janvier, on avait 15 degrés à 1500 mètres.
On avait des ressources sans d’eau très contraintes.
Un prix de l’énergie élevé.
On était dans les pâturages à cette altitude.
Mais on aime croire que tout ira bien.
En fait, c’est comme si on dit tout est sous contrôle.
On fait croire aux habitants.
Ça, on gère.
Alors on entend tes alertes et ton engagement.
Au sortir de la crise du Covid, la France a adopté un plan appelé le Plan Avenir Montagne.
C’était en 2021.
Un plan qui consacre 650 millions d’euros à la transformation des massifs montagnus.
Alors il semble acquis que ces massifs doivent se transformer.
Mais évidemment, les débats autour des moyens à mettre en œuvre, auraient des orientations à prendre persistent, existent.
Quelle est la philosophie, en quelques mots, de ce plan du gouvernement français et qu’on pense tuer?
Oui, il a le mérite d’exister.
De toute façon, il fallait mettre quelque chose en place.
Il fallait mettre des mesures fortes en place.
On sortait de Covid avec des remontées mécaniques fermées, pas des stations de ski.
Certaines stations étaient pleines.
Moi, j’étais à La Clusaz à cette époque.
Très heureuse d’être au calme, finalement.
Alors, je suis skieuse, j’ai même enseigné le ski.
En fait, il y a d’autres choses qui se sont développées.
Les villages se sont quand même bien peuplés durant Covid.
Mais au sortir de cette crise, on s’est rendu compte de la vulnérabilité des terres sur la montagne lorsqu’une économie telle que celle-là s’arrêtait sans avoir anticipé.
Alors, le plan Castex, c’est M.
Castex, le premier ministre de l’époque, qui met en place ce plan d’année en montagne, met l’accent sur la diversification et le cas de saison.
Il parle de mobilité, il parle de désaisonnaliser, ce qui pour une fois était un discours officiel.
Très bien.
Alors, pour moi, ça ne va jamais assez loin, mais il a le mérite d’exister.
Mais bien avant cela, la Cour des comptes 2011 et 2018 alertait sur le réchauffement climatique en montagne, spécifiquement dans les Alpes du Nord, où il était bien dit face au réchauffement climatique, les Alpes du Nord doivent changer le modèle avec tout un tas de mesures à mettre en place.
Là, c’était très précis, la mobilité, tout ce qu’on sait, les logements.
Et puis, c’est consultatif une Cour des comptes.
Alors moi, je me suis dit avec le plan Castex, enfin quelque chose d’officiel.
Sauf que quand on a un plan d’État, et ça, c’est la grande surprise, j’ai travaillé un peu au ministère avant, donc moitié surprise.
Mais quand on a un plan d’État, derrière, on a plein d’australes d’État pour arriver sur un plan très local, territorial, où une station peut dire, j’augmente mes taux de couverture en neige artificielle.
Le plan Béchu sur l’eau prévoit quand même moins 10 % de prélèvement.
Donc on ne peut pas aujourd’hui avoir ce plan d’État de moins 10 % de prélèvement et avoir des territoires qui augmentent le taux de couverture en neige artificielle.
Parce que les territoires aujourd’hui de montagne sont supportés par des politiques et des stratégies départementales qui les subventionnent et une région qui, alors là, met le paquet.
Le plan de M.
Wauquiez de septembre 2021 est bien de dire tant que je suis président de région, on parle ski, neige et tourisme à divers, et je fais en sorte qu’on augmente les taux de couverture en neige artificielle pour maintenir cette économie.
Alors, on a des plans d’État et on a des pas de plans des territoires avec des petites strates là qui mettent de l’argent.
C’est dommage parce que tout ça n’est pas maillé.
D’ailleurs oui, sur les chiffres, c’était 300 millions d’euros mis par les régions au niveau national et 350 millions d’euros par l’État en lui-même.
Alors avec ton association, Résilience Montagne, vous prônez un changement de modèle.
On l’entend pour préserver la montagne, son environnement, le climat.
Cela passe par un mot qu’on commence à connaître, la sobriété.
Comment la définis-tu et quelle place réservée au tourisme dans un contexte de sobriété que tu appelles de telle loi?
La sobriété serait déjà de commencer de faire avec l’existant.
On sait aujourd’hui quels sont les secteurs à améliorer pour déjà moins émettre.
On a quand même normalement une ligne de conduite qui est l’accord de Paris.
Pour essayer de faire en sorte que ça se passe bien dans quelques années, pour nous tous et nos enfants et leurs enfants, je tiens à préciser.
Mais quand on parle sobriété en montagne, c’est-à-dire de faire avec l’existant, de cesser d’aggraver le problème, on se heurte à des personnes qui tiennent cette gouvernance économique et comme je le disais juste avant, qui sont supportées par des politiques qui entretiennent le modèle.
Le mot sobriété aujourd’hui en montagne, il est vu par quelques-uns comme à la marge, améliorer quelques petits points.
Alors, on va mettre des dameuses à hydrogène plutôt qu’au fuel, ce n’est pas la bonne idée.
Alors, il y en a qui vont transformer leurs dameuses en électriques, c’est un peu mieux, mais qu’est-ce qu’on fait?
On sait qu’aujourd’hui, plus de 50 % des gaz à effet de serre en montagne sont issus de la mobilité.
On n’aura pas d’avion vert dans un avenir proche.
Sur ce point, concrètement, c’est l’agence de la transition énergétique, l’ADEME, qui avait évalué l’impact carbone des vacances à la montagne.
En effet, la mobilité, très concrètement, c’est comment on se rend dans les montagnes françaises lorsqu’on est touriste, français ou étranger d’ailleurs.
Actuellement, il n’y a pas beaucoup d’options.
En tout cas, elles sont connues de la plupart des gens.
Il y a le train jusqu’aux abords éloignés des montagnes.
C’est très difficile d’accéder à la montagne française par le train.
L’avion pour les touristes étrangers et massivement la voiture.
C’est sur ce point qu’il y a d’immenses progrès à faire au-delà des pistes en elles-mêmes.
Oui, oui, plus de 50 % des émissions sont dues à cette mobilité, bien expliquée.
Sachant que, on l’a dit avant, 7 à 10 % des français skient, donc les autres viennent comment?
De bien loin, bien plus loin.
On observe aujourd’hui, on arrive dans les saisons chaudes skis, enfin chaudes, oui chaudes, mais où il va y avoir de l’hyperconcentration de touristes en montagne, février par exemple, on est toujours sur un accroissement des lignes entre l’Angleterre et la Tarentaise.
Alors, moi, je comptais l’autre jour, je suis un peu une folle de flight radar, quand je veux me faire mal, un avion toutes les 7 minutes qui arrive à l’aéroport d’Aix-les-Bains en février, qui arrive d’Angleterre, Bristol, Southampton, et tout un tas de nouvelles lignes qui arrivent d’Angleterre.
Tous ces gens-là remplissent la parenthèse.
En France, on doit remplir plus de 3 millions de lits touristiques.
Il faut bien les remplir, celles-là, et puis il y en a beaucoup à construire.
Donc, en fait, malheureusement, plus on monte en gamme, plus on augmente les émissions dues à la mobilité, parce que plus, on va chercher le client loin.
Aujourd’hui, au mois de janvier, on observe actuellement sur les domaines skiables dans les Alpes du Nord une énorme partie de clientèle qui viennent du Brésil.
Alors, ils ont fait un super job de com au Brésil, bravo.
C’est juste, est-ce qu’on doit le faire?
On doit aujourd’hui, très globalement, dans nos modes de vie, sans parler de la montagne, réduire nos émissions.
En montagne, on sait que la mobilité est clé.
On n’a pas de construction de rail actuellement.
On n’a pas doublement de ligne (quand une existe).
On n’a pas de train qui nous monte en haut des sommets.
L’avion vert est une dose illusion.
C’est même un dos mensonge pour le moment.
On est coincé.
Si on compte sur un transfert des clients qui roulerait en voiture électrique, et bien c’est un pari fort dommage.
Je sais qu’on est écouté hors de France, ou au Brésil, peut-être moins que dans d’autres pays francophones.
Je précise, je mettrai des liens en description que certaines régions, pour le public régional et local, favorisent quand même l’accès en TER à certaines destinations.
Ce qui est un bon moyen, je pense aussi, de questionner son propre rapport à la voiture.
Mais il faut reconnaître que c’est beaucoup de logistique aussi d’aller à la montagne.
On va progresser aussi dans cet épisode.
On a beaucoup parlé du ski, évidemment, mais la montagne en toute saison et notamment l’été, c’est quelque chose qui a trouvé un écho dans le public français parmi beaucoup de vacanciers.
On assiste aussi donc à une diversification de l’offre de séjour en montagne.
Il faut dire, en effet, un nouvel attrait pour les hauteurs à la saison chaude.
Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle pour l’environnement?
On va dire que le tourisme, globalement, est-ce une bonne chose pour l’environnement?
Probablement pas, mais on a envie de le jauger.
Est-ce qu’on doit retrouver en été la même fréquentation qu’en hiver pour équilibrer des budgets ou des bilans?
Probablement pas.
La montagne, l’été est contemplative.
Normalement, elle ne coûte pas grand-chose.
Un logement, il n’y en a pas de forfait, on n’a pas d’équipement lourd.
Donc oui, on a envie de dire, venez en montagne.
Déjà, les stations devraient rendre la montagne et plus la neige déjà.
Mais même pas qu’en été, en novembre, en janvier, en février.
Hier, il pleuvait à 2300 mètres.
Pourtant, on est en pleine saison de ski.
Si aujourd’hui, il y avait une volonté de dire, venez en montagne, parce que la montagne est contemplative et jolie en toute saison, en montagne, on peut découvrir de l’artisanat.
L’année dernière, au mois de janvier, il n’y avait pas de neige à La Clusaz.
Il serait super au pays du Roblochon de faire découvrir la fabrication du fromage.
Mais tout ça ne va pas dans les mêmes caisses.
Et il n’a pas les mêmes rapports à l’économie.
Pour certaines personnes, aujourd’hui en France, le modèle est fait pour vendre du forfait.
55 millions de forfaits vendus annuellement.
Les lobbies du ski disent pour un euro dans un forfait, on aurait 6 à 7 euros de répercussions dans la station.
Certains autres qui ne sont pas des lobbies disent, c’est plutôt 3-4.
Mais n’empêche qu’il y a une forte économie liée au ski et que personne aujourd’hui n’est prêt à la sortie du ski alors qu’on devrait l’anticiper et qu’on aurait dû l’anticiper depuis longtemps.
Depuis longtemps, c’est vrai que si on met un peu en perspective les dates, la massification du tourisme en montagne et du ski est assez récente, finalement, dans l’histoire de ces territoires.
C’est après-guerre et surtout après les années 70, même si la première station de ski, j’ai vu, était à Megève en 1933.
Mais bon, c’est quand même relativement récent.
Cependant, ça a bouleversé totalement plus que les paysages, mais la vie des personnes sur place et notamment sur le plan économique.
On le disait au début de cet épisode.
Je voudrais recueillir ton témoignage justement sur les habitants, la population locale dont tu fais partie.
Tu résides, tu le disais, en Haute-Savoie.
Tu as été monitrice de ski, tu disais.
Donc le ski et la montagne te passionent.
Mais on mesure que la montagne fait face à ces défis.
Les débats sont importants, mais comment la population les accueille-t-elle?
Actuellement, on peut dire que les habitants se rendent compte.
Quand on est habitant en montagne, on se rend compte du recul de la neige, des problèmes d’eau, même l’été, des vallées irrespirables au mois de janvier février, parce que l’air n’y est pas pur à cause de ces mobilités trop fréquentes.
Les gens s’interrogent.
D’ailleurs, aujourd’hui, partout en montagne, énormément de collectifs citoyens se sont organisés pour essayer de créer des moratoires, de discuter, de parler avec leurs élus, parce qu’ils s’interrogent.
C’est moins facile au niveau moral, on va dire, ou philosophique, d’accepter aujourd’hui ce qui est imposé aux habitants.
Le meilleur exemple est de ce qui s’est passé à La Clusaz il y a ces dernières années.
Alors terrible pour La Clusaz, qui est un magnifique village, d’avoir ce focus plutôt négatif.
N’empêche que ce sont des habitants des territoires qui se sont alertés sur, est-ce que ici, à cette altitude, on doit augmenter les taux de couverture en neige artificielle, on doit créer une cinquième retenue qui est alimentée par une source d’eau potable.
Aujourd’hui, on prend le Vercors, on a des centaines de personnes, 800 personnes qui essaient de proposer un projet sobre, vraiment sobre, à la mairie en lieu et place d’un projet de Tony Parker qui est là pour construire des centaines de lits qui seront des lits froids, donc occupés moins de trois semaines par an.
Et tout ça, en fait, met en alerte.
Et là, aujourd’hui, il y a un projet d’accueillir les Jeux Olympiques 2030 dans les Alpes du Nord et du Sud.
Et là, les habitants se sentent concernés.
Parce qu’on va comprendre tout de suite, quand on est habitant, quelles vont être les répercussions sur le territoire.
Valérie Paumier, donc pour Résilience Montagne, fondatrice de cette association et présidente.
Je mets les coordonnées de ton site dans la description de cet épisode.
Tu es aussi présente avec l’association sur les réseaux sociaux.
Oui, j’ai commencé sur LinkedIn tout bêtement quand j’ai eu ma prise de conscience.
Je me suis dit, naïvement, je vais aller voir tous les copains, financiers, immobiliers, les élus.
Puis je vais leur dire que c’est grave, que cette question climatique, c’était pas juste une anecdote, c’est pas une crise, ça va pas aller mieux dans peu de temps.
Il faut la prendre en compte.
Évidemment, j’ai pris quelques baffes par-ci par-là.
C’était moins facile, mais je me suis dit à un moment, mais évidemment, ils pensent comme moi juste avant.
Donc, persuadés qu’ils font bien.
Et puis, il y a un problème de gros sous quand même.
Et je me suis dit, je ne les laisse plus parler seuls.
Alors, je pense, c’est être gentil.
Alors, les gens m’ont traité un peu de foldingue.
Mais je me suis dit, un lobby du ski, s’il est vu comme un expert, il est avant tout un lobby travaillant pour ses propres intérêts.
Donc, je rectifie.
Et non, là, ça, c’est faux, ça, non, c’est pas vrai.
Et si on faisait comme ça, et puis petit à petit, ça a pris, ça a pris, ça a pris.
Puis avant, je me suis dit, je vais mettre une structure sur ce que je suis.
Je vais créer une association.
Il n’était pas question de retourner dans le milieu du consulting pour facturer.
Je ne voulais pas partir là-dedans.
J’ai réduit fortement la voilure à la maison.
Et puis, voilà comment ça a commencé.
Tout doucement sur LinkedIn.
Et donc, les auditeurs qui le souhaitent peuvent y retrouver.
Merci pour tes alertes, tes éclairages.
Merci d’être passés dans Soluble(s).
C’est gentil.
Merci à toi pour ton intérêt.
C’est vraiment gentil.
Voilà, c’est la fin de cet épisode.
Si vous l’avez aimé, notez-le, partagez-le et parlez-en autour de vous.
Vous pouvez aussi nous retrouver sur notre site Internet.
csoluble.Media.
À bientôt !
POUR ALLER PLUS LOIN
- Voir le site de l’association Résilience Montagne
- Le dossier de presse du plan “Avenir Montagnes”
Les massifs montagneux, poids lourds de l’économie locale et nationale en chiffres
Environ 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires (10 % de la consommation touristique nationale).
La clientèle étrangère représente un peu moins de 30 % du total des vacanciers à la montagne.
L’emploi touristique dans l’ensemble des stations est estimé à 120.000 personnes.
La France dispose du 1er parc de remontées mécaniques dans le monde.
3ᵉ destination mondiale du ski derrière l’Autriche et les USA en nombre de journées skieurs enregistrées (plus de 50 millions de journées/skieurs par an).
Avec 86,0 millions de nuitées, la fréquentation des hébergements collectifs de tourisme durant la saison hivernale 2023 était revenue à son niveau d’avant-crise Covid (Insee).
55% des investissements du tourisme en France sont réalisés en montagne.
Réchauffement climatique et montagne
« Les montagnes se réchauffent deux fois plus vite que les autres écosystèmes : dans les Alpes et les Pyrénées françaises, la température a augmenté de plus 2 °C au cours du XXe siècle, contre 1,4° dans le reste de la France » selon Météo-France.
La durée de l’enneigement en montagne, en baisse depuis les années 1970, devrait se réduire « d’environ un mois par degré de réchauffement », selon les études de ClimSnow. «
En haute montagne, l’épaisseur moyenne de neige en hiver à basse altitude diminuera probablement de 10 à 40 % en 2031‑2050 par rapport à 1986‑2005, quel que soit le scénario d’émissions », précise le Giec. (Sud-Ouest)
Les transports sont la première cause de pollution liée aux sports d’hiver : de 52 % à 57 % des émissions de CO2 d’une station, selon une étude de l’Ademe.
TIMECODES
00:00 Introduction
01:07 Parcours : Valérie Paumier vient de « l’autre côté du miroir »
02:41 Le poids du tourisme en montagne
04:03 L’immobilier
07:05 Le public du ski en France
08:22 Face à la baisse de l’enseignement
13:19 Avenir montagnes : le plan Castex pour transformer les montagnes
16:42 La sobriété
18:55 Carbone : Les transports pèsent lourd
22:15 Des vacances d’été à la montagne ?
24:53 Les habitants
28:12 Merci à Valérie Paumier !
Fin
Propos recueillis par Simon Icard.
Informations pratiques – voir aussi :
- Des offres TER vers la montagne en Occitanie
- Des Autocars pour les stations de ski de la région AURA
- Des bus ou des trains “Zou” pour rejoindre les stations des Alpes du Sud
Ecouter aussi :
GLACIERS : Les protéger et conserver la vie qui arrive déjà (avec la fonte…)
Born in PPM – Qu’est-ce que ce projet photo qui sensibilise sur la hausse du CO2 dans l’atmosphère ?
Vert, un média “cool” pour prendre au sérieux le réchauffement climatique
Des solutions pour régénérer le cycle de l’eau avec Charlène Descollonges
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Note le 5 étoiles, stp >> ICI
Simon Icard
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