[TRANSCRIPTION] Surtourisme : jauges, démarketing… Comment y remédier ?
Dans notre pays où le tourisme est roi, des voix s’élèvent pour mieux le réguler quand ce n’est pas carrément pour le décourager à certains endroits à certains moments. En cause, le surtourisme qui touche des sites remarquables français.
Écouter plus tardComment réguler les flux de visiteurs ?
Doit-on les limiter pour préserver les écosystèmes et les destinations dont l’attraction fait parfois flamber les prix de l’immobilier et modifie la qualité de vie des résidents ?
Pour y voir plus clair, Soluble(s) a posé ces questions au spécialiste du tourisme, professeur d’université émérite, l’anthropologue Jean-Didier Urbain.
Démarketing, jauges, prise de conscience des voyageurs
Transcription (automatisée)
Article source : Surtourisme : jauges, démarketing… Comment y remédier ?
Bienvenue dans ce nouvel épisode de Soluble(s).
Aujourd’hui, je veux parler des réponses aux problèmes posés par le tourisme de masse et notamment une tendance de certaines destinations à ne plus vanter leur charme.
Bonjour, Jean-Didier Urbain.
Bonjour, Simon.
Tu es anthropologue, spécialiste du tourisme, professeur d’université l’Emirit.
On va parler de la surfréquentation des sites remarquables, des façons de la limiter, et notamment en faisant du dé-marketing.
Mais d’abord, on va en savoir plus sur toi.
Comment tu t’es retrouvé à te passionner professionnellement par le monde touristique?
Étudier le tourisme, c’est étudier de près les humains?
Oui, c’est-à-dire qu’au fond, d’où nous vient ce désir d’ailleurs, ce désir de déplacement, ce désir de bouger.
Je me suis tourné vers le tourisme parce que, finalement, c’est peut-être le voyageur qui n’a aucun alibi pour, si ce n’est ses désirs profonds, pour justifier ses déplacements.
Un professionnel peut toujours se cacher derrière son métier.
Un touriste, être touriste, ce n’est pas un métier.
Et de fait, c’est pour ça que je me suis tourné vers lui.
Je pensais que c’était une voie d’accès plus facile pour pénétrer l’imaginaire des voyageurs, leurs désirs, leurs envies, leurs fantasmes, leurs rêves, leurs horizons.
Et nous sommes tous des voyageurs.
La France est la première destination touristique du globe selon l’Organisation mondiale du tourisme.
Voici deux nombres pour bien cerner le sujet de cet épisode.
80% de l’activité touristique est concentrée dans 20% du territoire.
Jean-Didier, y a-t-il un arbitrage à faire au sujet du surtourisme?
Entre la régulation, la dissuasion, on va en parler.
Mais d’abord, ce chiffre-là, 80% de l’activité dans 20% du territoire, c’est ça qui définit le surtourisme?
Et ça s’amplifie bien au niveau de la planète, puisqu’on parle 95% de la population touristique sur 15% de la planète.
Donc, au niveau national, à la limite, nous sommes presque plus diffus qu’au niveau international.
Ça tient au fait, c’est quand même…
Le tourisme est né d’inventions, de lieux attractifs.
C’est le principe de l’attraction.
Dans l’attraction, il y a attirance et l’attirance.
Elle favorise la convergence, c’est-à-dire la concentration.
Donc, effectivement, quand le tourisme est devenu une industrie, ça a été une industrie qui a généré des phénomènes d’hyperconcentration.
Si on va à New York, je vais voir la statue de la Liberté, je vais voir l’Empire State Building.
Si je vais en France, je vais à Paris.
Si je vais à Paris, je vais au Louvre.
Si je vais au Louvre, je vais voir la Joconde.
Ces phénomènes, ces réactions en chaîne, sont un peu le mal chronique du tourisme qui débouche effectivement sur le surtourisme, quand on sait que 7 visiteurs sur 10 au Louvre viennent pour la Joconde.
Donc effectivement, il y a une erreur au départ.
Et c’est cette erreur qu’il faut sans doute corriger dans l’avenir pour avoir un tourisme plus apaisé, moins concentrationnaire, je dirais, moins dense, plus diffus.
Et donc pour ça, il faut gérer ce qu’on appelle les flux touristiques, c’est-à-dire ces populations qui se dépassent dans l’espace, dans le temps.
Il faut essayer de les contrôler un peu davantage, sans les surveiller, évidemment, sans les assujettir, sans les aliéner, mais en pensant tout simplement au confort de leur découverte, de leur pratique, parce que finalement, c’est ça le tourisme.
C’est quelque chose de formidable.
Alors on va parler de tout ça en détail.
Les conséquences de cette surfréquentation sont multiples, comme la hausse du prix de l’immobilier dans les zones concernées, les impacts néfastes sur l’environnement assez souvent.
Mais aussi, on voit apparaître des mouvements de rejet, parfois, des touristes.
Alors les populations locales, c’est quelque chose de nouveau ?
Non, ça n’a pas toujours le même ressort.
Il y a des mouvements de rejet qui sont très vieux, très anciens, qui relèvent une sorte d’ostracisme local, de régionalisme ou de nationalisme, extrêmement rétifs à la venue de l’étranger.
Ça ne se traduit pas d’ailleurs que à travers la venue du touriste.
Le problème des migrants repose les mêmes problèmes.
Donc ça, c’est une forme de rejet qu’il faut bien dissocier de ce qu’on peut appeler aujourd’hui la touristophobie, qui n’est pas forcément la haine du touriste, mais plutôt la haine du tourisme.
C’est-à-dire que c’est le moment où finalement les habitants sont en overdose.
Trop c’est trop, on ne se sent plus chez soi.
Et que là effectivement, faute de régulation, on se sent véritablement envahi par l’autre.
On n’est plus du tout en situation d’hôte, mais d’occupé.
Et le fait est, c’est qu’on ne s’est peut-être pas assez préoccupé de ce phénomène, de cet impact social.
On a pensé environnement, on a pensé surchauffe économique, mais on n’a pas pensé effectivement à surchauffe sociale.
C’est-à-dire au fond la création d’intolérance à l’autre, ce qui est la pire des choses.
C’est tout le contraire même au fond du principe du tourisme.
Le tourisme, c’est quand même fait pour rencontrer l’autre, rencontrer la diversité, rencontrer la variété du monde et des hommes.
Et là, c’est exactement le contraire qui se produit.
C’est le refus de la rencontre, le refus du contact, l’ostracisme pur et simple, le rejet.
Donc là, effectivement, qu’on pense sur tourisme, ça vient du over-tourisme anglais, et que ce même over-tourisme est celui qu’on retrouve dans overdose, ou dans over-booking. C’est toujours un excès, un dépassement d’une limite qui est au fond une question d’équilibre entre les hommes invitants et les hommes invités.
Alors, cet équilibre-là, il est parfois fragile, mais pas que dans les petits villages.
C’est notamment le cas à Étretat, dont on parle beaucoup en ce moment, en Normandie, notamment avec un effet lié à Arsène Lupin.
Ça a redécouvert par de nombreux touristes internationaux à travers une série sur Netflix.
Il y a comme ça des flux qui d’un coup s’accélèrent?
Oui, il y a des vecteurs effectivement.
L’impact du narratif, comme Lupin ici, mais ça peut être Indiana Jones à Venise à une époque, ça peut être Woody Allen à une autre époque, ça peut être la mort à Venise à une autre époque.
Le romanesque évidemment donne du sens au lieu parce qu’il émet en intrigue et du coup le lieu devient intéressant.
Donc ce n’est pas pour rien non plus que nombre de municipalités ou de villes se battent pour qu’on tourne un feuilleton chez elles ou chez eux en sachant que d’un fils, ça va attirer du monde.
Mais je dirais le concours du plus beau village de France, c’est un petit peu ça aussi.
Là, on n’y va pas pour le romanesque, on y va pour la beauté du site, etc.
Particulièrement valorisé.
Et donc, on est toujours dans des logiques comme ça d’attractions ponctuelles.
Est-ce que Lupin, ça va durer longtemps?
Je ne sais pas s’il y a encore beaucoup de gens qui vont à Venise pour Shakespeare et le Marchand de Venise, par exemple.
Il y en a sans doute beaucoup plus qui vont pour Woody Allen ou pour Indiana Jones ou autre film ou autre narration.
Mais effectivement, ce travail littéraire de l’espace, il passe par quantité de canaux.
Ça peut être le roman, ça peut être le film, ça peut être le feuilleton.
Ça peut être la peinture aussi.
Sans doute qu’on ne s’arrêterait pas sur la montagne Sainte-Victoire si Cézanne ne l’avait pas peinte.
Sans doute que la Provence ne saurait pas ce qu’elle est sans panneaux et genoux.
De toute façon, on provoque ces phénomènes d’attirance parce qu’il y a une valeur ajoutée qui s’appelle l’intrigue, qui s’appelle le sens tout simplement.
Et que finalement, un touriste, c’est quelqu’un qui a vite de sens, qui veut donner du sens à son mouvement, donner un but et avoir une jouissance, je dirais, de découvrir ou de reparcourir ou de reconnaître un lieu qu’il a déjà vu par exemple à la télévision.
Alors le voyage et la destination, c’est donc une histoire de récits et on voit apparaître certaines destinations qui, à certains moments de l’année, ont choisi de proposer un contre récit qui a en quelque sorte, c’est ça qu’on appelle le dé-marketing?
Oui, c’est-à-dire que ça fait partie d’une des stratégies de régulation.
Je dirais parce que l’avenir passera forcément par des procédés de régulation.
Un de ces procédés, c’est-à-dire pour éviter la surfréquentation, la surcharge des lieux au point que ces lieux meurent sous la surcharge ou sous le poids des visiteurs.
Oui, le dé-marketing, au fond, c’est une stratégie douce qui s’appuie sur la dissuasion, qui en appelle à la réflexion, à la conscience morale quelque part du visiteur, en lui disant, écoutez, si vous venez ajouter à la foule votre propre présence, ça ne fera qu’empirer les choses, choisissez un autre moment, réessayez plus tard, etc.
Ne voulez pas tout, tout de suite, dans un instant, par une pulsion de consommation comme ça, totalement non réfléchie.
Donc ça fait partie, le dé-marketing, c’est au fond une sorte d’anti-publicité, mais qui est une publicité quand même, c’est un paradoxe, c’est une sorte de prétérition, parce que je dis sans paraître le dire, ne venez pas.
Ce qui est un peu aux antipodes de la publicité touristique, qui est faite pour faire venir.
Je pense que ça fait partie des techniques les plus douces et les plus consensuelles, parce que finalement, on en appelle à la sensibilité du tourisme, comparé à l’interdiction pure et simple, que certains d’autres, c’est une autre solution.
Au filtrage économique aussi, on fait payer cher, de plus en plus cher, pour passer tel pont ou rentrer dans tel lieu.
La dissuasion, c’est au fond une tentative de gestion, gestion du surnombre par la réflexion.
Oui, parce qu’en clair, c’est sur les documents touristiques, sur les sites internet, d’être très transparents, voire même d’insister par des visuels, des photos, sur le fait qu’il y a beaucoup de monde dans un espace petit à certains moments.
Je rapprocherai presque ça, si tu veux, de ce qui est marqué sur les paquets de cigarettes.
Fumez-tu?
On vend la cigarette, mais en même temps, on dit fais attention.
Et on vend un lieu, mais en même temps, on dit fais attention.
Si tu en abuses, ce lieu mourra, ou bien ce sera toi qui mourras.
Il y a cet aspect un peu paradoxal, qui est que, il y a cette idée de seuil quand même.
C’est ça quand même, pas déborder le lieu, pas le faire chavirer.
En anglais, on a tous ces termes d’overflow, d’overturn.
C’est ça qui fait le surtourisme, il est un petit peu à la confiance de tous ces phénomènes.
C’est de l’overdose parce que c’est de l’intolérance pour les indigènes, les gens du coin, et puis c’est de l’overbooking parce qu’on sur-réserve, on survend un lieu.
Et qu’il faut absolument se débarrasser de cette politique du business qui est portée sur l’excès et qui a des impacts aussi bien dévastateurs à la pointe de vue de l’infrastructure, de l’environnement, du lieu matériellement envisagé, qu’au niveau de la vie locale, qu’on fait chavirer.
Par exemple, avec les phénomènes de booking.com ou Airbnb, en Espagne, on voit des gens affichés, des locaux, affichés sur leurs balcons.
Ça suffit le Airbnb.
Rendez la vie au quartier.
Rendez le quartier à ses habitants.
On en arrive à cela.
Ou à Venise, on a par exemple, sur les murs Welcome au réfugié, mais Go Home le touriste.
Parce qu’il y en a trop.
Et donc, effectivement, tant qu’il n’y aura pas de volonté politique pour limiter cet excès, et même l’annuler, le démarketing fait partie de ces tentatives douces.
Ça peut être plus dur, l’entrée de genoux est payante pour ceux qui ne marchent pas dans Venise.
Là, ça peut être carrément interdit pendant un certain temps, pendant une période de l’année, voire un an entier.
C’est ce qu’ont fait les Galápagos, ils ont fait une année blanche comme ça pour éviter la surfréquentation.
Quantité Deal font ça, Porquerolles, les Criques, les Criques aussi bien de Bretagne que les Calanques de Marseille, c’est pour éviter effectivement la destruction des lieux.
Ce sont des systèmes de réservation.
Voilà, dans ce cas-là, effectivement.
Et c’est là que tout change parce que le voyage coup de tête, c’est de plus en plus difficile dans notre monde.
Il faut tout anticiper, tout programmer, tout réserver, tout préparer.
Ça change toute une poétique du voyage.
Je me demande si les touristes eux-mêmes, nous tous quelque part, ou en tout cas, on parle beaucoup du réseau social Instagram qui est planté du doigt, notamment à travers la façon dont les touristes s’emparent eux-mêmes des lieux et les transcrivent en photo.
On s’est rendu compte qu’ils occultent volontairement, en général, de leurs clichés, les indices du surpeuplement des lieux.
Quelque part, ils perpétuent ce récit de lieu de rêve non surpeuplé.
Est-ce qu’il faut qu’on se remette aussi en question quand on prend des photos?
Oui, absolument.
Parce qu’effectivement, on voit même qu’il y a des lieux pour pouvoir se faire photographier seul devant une vallée, le Grand Canyon ou n’importe quoi.
Il y a une queue parce qu’il y a un point particulièrement idéal pour la photographie.
Il y a une véritable queue où chacun va, comme chacun irait aux toilettes, se mettre au bord du précipice et se faire photographier en écartant les bras.
Bon, là, il y a une sorte de rêve de solitude au milieu de la foule.
Et c’est vrai qu’on ne peut pas vivre indéfiniment avec ce type de paradoxe.
D’autant que ce monnayage du panorama avec moi tout seul devant, ça a des effets collatéraux, physiques et matériels, induits par l’agglutination de gens attendant pour être à leur tour seuls 30 secondes devant le panorama pour se faire prendre en photo.
Effectivement, ça existe absolument.
Dans l’Instagram, c’est très clair aussi.
Et en plus, Instagram a un effet en retour.
C’est qu’en plus, non seulement on se photographie seul dans un site qu’on laisse croire vide, mais en plus, on relance ce site, on le promue.
Et là, on participe du phénomène d’attraction et de concentration.
Les champs de la vente de France ont été ravagés les dernières par Instagram.
Le gouvernement français a présenté mi-juin 2023 son plan pour lutter contre le surtourisme.
Il a annoncé notamment le lancement d’une plateforme numérique pour récolter des données sur les flux, un observatoire national, mais aussi une campagne de communication avec des influenceurs qui permettraient de sensibiliser la clientèle aux enjeux.
C’est donc là aussi une tendance à vouloir prendre conscience et changer nos récits.
Mais ça voudrait dire aussi qu’on s’attaque à une solution.
C’est une des solutions, c’est-à-dire au fond, c’est d’inviter les gens à sinon se disperser dans l’espace, à se disperser dans le temps.
C’est-à-dire ne pas être tous là au même moment, au même instant.
Effectivement, ça remet en cause des paradigmes qui sont très forts chez nous.
Le paradigme festivalier de l’événementiel, c’est quoi justement?
Un concert, un festival du théâtre à Avignon ou de la photographie à Arles, c’est quoi?
C’est précisément fondé sur la concentration, ou les Eurockéennes qui viennent de se passer.
C’est précisément quoi?
C’est favoriser la concentration.
Or, c’est quelque chose qui se pérennise et qui se massifie avec un certain tourisme qui ne rompt pas avec cette idée de la concentration.
Donc effectivement, une des façons de rompre avec cette idée de concentration, c’est d’utiliser le temps en appelant à la réservation, à l’anticipation, à la régulation.
Cela dit, on reprend là un vieux modèle qui est déjà opérationnel depuis plus de 30 ans dans les musées.
Les musées, tu as des listes d’attentes.
Allez à Bruxelles par exemple, au musée Magritte, il y a des listes d’attentes.
On ne fait rentrer les gens que par groupes d’un nombre limité.
Et tant que ces groupes n’ont pas fini leur circuit, aucun autre n’entre.
Ou en tout cas, il faut que l’autre soit suffisamment avancé dans le circuit de visite pour qu’un second groupe rentre.
Bon, c’est un vieux modèle déjà, mais on commence à l’impliquer.
Et on peut effectivement parler sous forme dissuasive en disant, autant réserver, ne venez pas comme ça, à brûle-pourpoint.
C’est un petit peu la même chose qu’on retrouve pour les urgences au niveau médical.
Ne venez pas aux urgences comme ça sur un coup de tête, téléphoner d’abord, etc.
Il y a quelque chose qui essaie de se mettre en place contre ce qu’on a appelé concernant la culture de l’urgence.
On est toujours dans l’urgence, dans la satisfaction de l’immédiat, dans l’immédiat, il va falloir apprendre à différer la satisfaction de ses désirs.
Et le marketing, au fond, est un appel à cette patience, à cette tempérance, à cette continence, je dirais, dans la fréquentation des lieux de l’espace, du monde, sous peine de transformer l’usage du monde en usure du monde, pour paraphraser le bouillier.
Oui, notamment, ce sera mon dernier chiffre.
Pour rappel, 8% des émissions de gaz à effet de serre sont attribuées à l’industrie touristique.
Alors évidemment, toute activité a son impact.
Mais là aussi, peut-être qu’une invitation à plus de conscience et une certaine sobriété pourra aider aussi sur ce front-là.
Il ne faudrait pas pour autant que le tourisme devienne le bouc émissaire.
Je pense que pour l’instant, on est en train de chercher.
Moi, ce qui me dérange beaucoup dans ce débat-là, c’est qu’au fond, on a l’impression que parce que le tourisme s’est lié au loisir, c’est lié au plaisir, c’est une cible facile.
Et on ne s’attaque pas forcément à autre chose.
On va s’attaquer au conducteur.
Je n’ai jamais entendu quelqu’un critiquer les camions qui sont de plus en plus nombreux sur la route, qui sont dans une croissance exponentielle.
On ne remet toujours pas en cause le lobby des camions, des 42 tonnes qui traversent des villages, qui fissurent les maisons.
On n’en parle pas.
Par contre, le conducteur particulier, lui, qui a une petite bagnole pour aller travailler, il faut absolument qu’il passe à l’électrique ou qu’il passe au vélo ou que bon, voilà.
Là, il y a des choses, si tu veux, que moi personnellement, je ne suis pas encore vraiment convaincu.
En plus, le tourisme, c’est l’industrie des gens heureux.
Il ne faudrait pas que, sous prétexte que c’est du plaisir qui est vendu, ce soit condamnable.
Au long, je ne sais quelle religion du devoir.
Sans compter qu’à un point de vue économique, le tourisme, c’est 10 % du PIB mondial.
Donc, même en faisant une pollution optimale de 8%, on est au-dessous de ce que ça rapporte.
Moi, ça m’inquiète davantage de voir des gros tankeurs chargés d’un jardin fabriqué à Taïwan, bloquer le canal de Suez pour être livrés en Angleterre, qui polluent en une traversée autant que dans 110 millions de voitures.
Je crois qu’il y a des choses qu’il ne faut pas perdre de vue.
Il faut tout penser ensemble.
Savoir si on veut sauver le tourisme, et non seulement le ralentir au point qu’il s’éteigne, si on veut continuer, est-ce qu’on veut continuer que le tourisme existe ou pas?
La question, c’est au fond ça.
La question fondamentale, c’est quelle est la liberté de circulation?
À qui est-ce qu’on la donne?
Est-ce qu’on la donne aux hommes ou est-ce qu’on la donne aux produits?
Ou est-ce qu’on la donne à l’information?
Parce que n’oubliez pas que les data centers sont aussi pour 8% dans la pollution.
Et que nous sommes tous accrochés à nos porteurs en ce moment même.
Donc voilà, il faut un peu relativiser les choses.
C’est un choix de société qui se dit à travers ça.
Donc pour les solutions, je suis absolument d’accord.
Absolument.
Il faut réguler.
Il faut que le tourisme apprenne une certaine sagesse.
Depuis son désir de liberté.
Mais il ne faut pas non plus tuer cet acte de liberté qui est le voyage.
Voilà.
Le confinement nous a assez appris à quel point c’est douloureux de subir une immobilisation.
Le voyage c’est la liberté.
En effet, Jean-Didier Urbain, les auditeurs peuvent te retrouver dans les rayons des bonnes librairies.
Et notamment, se saisissant de ton essai, l’idiot du voyage.
Voyage, voyage.
L’idiot du voyage.
Aux éditions Petite Bibliothèque Payot.
L’idiot du voyage.
Merci beaucoup d’être passé dans Soluble(s).
Voilà, c’est la fin de cet épisode.
Si vous l’avez aimé, notez-le, partagez-le et parlez-en autour de vous.
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À bientôt !
Écoutez l’épisode complet. (Seul le prononcé fait foi)
POUR ALLER PLUS LOIN
- Lire cet article : “Tourisme de masse : Le gouvernement dévoile un plan pour mieux gérer les flux touristiques” (AFP/20 minutes)
- Lire l’essai de Jean-Didier Urbain, cité dans l’épisode : “L’idiot du voyage” (Ed.Payot)
TIMECODES
00:00 Introduction
00:48 Étudier le désir d’ailleurs du voyageur
01:26 Le surtourisme, c’est quoi au juste ?
05:53 Étretat, exemple des flux touristiques qui s’accélèrent (La série Lupin sur Netflix)
08:22 Le démarketing une stratégie douce de “dissuasion”
12:55 Instagram, le tourisme et nous
14:40 Changer nos récits ?
17:42 L’impact environnemental du tourisme
20:37 Merci à Jean-Didier Urbain !
Fin
Propos recueillis par Simon Icard.
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