Un phénomène qui se répand comme une traînée de poudre. Pour Soluble(s), Naïra Meliava, psychologue clinicienne et directrice générale d’Oppelia, décrypte l’essor de la cocaïne en France, la diversité des usages et les solutions concrètes pour celles et ceux qui veulent en sortir.
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Explosion d’un marché, entre fête et recherche de performance

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En France, 1,1 million de personnes ont consommé de la cocaïne en 2023, un chiffre quasiment doublé en un an. La pureté moyenne du produit est passée de 46 % à 70 % en dix ans, et le prix moyen du gramme, en baisse, est aujourd’hui d’environ 66 € selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). Derrière ce boom, une forte augmentation du narcotrafic et des violences associées : en 2024, 110 morts et 341 blessés ont été attribués à l’ensemble du trafic de stupéfiants sur le territoire français, selon le ministère de l’Intérieur – un chiffre en légère baisse par rapport à l’année précédente, mais révélateur d’une tension persistante.

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Des usages multiples qui ne supplantent pas l’alcool et le cannabis
La cocaïne s’installe au cœur de la société et gagne le monde du travail, sans remplacer l’alcool, toujours premier motif de consultation en addictologie, ni le cannabis. Selon le rapport officiel de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives, « 50,4% des adultes français âgés de 18 à 64 ans ont expérimenté le cannabis au moins une fois dans leur vie en 2023 ». Les consommateurs de cocaïne sont surtout des trentenaires et quadragénaires, séduits par la promesse de performance : cette substance compense le surmenage et semble utile pour « donner plus », incarnant l’injonction implicite d’être performant et d’aller toujours plus vite. Les risques sont exacerbés lorsqu’elle est consommée avec de l’alcool : déshydratation, perte de repère, dépendance accrue.

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Les modes de consommation sont divers : usages festifs, expérimentaux ou réguliers, certains accompagnés de gestes de réduction des risques portés par des associations (kits sniff usage unique, analyse de produits, prévention en milieu festif ou professionnel).
Comprendre et accompagner : le maillage d’Oppelia et les CSAPA
La fréquentation des Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) n’augmente pas à la même vitesse que la consommation : de nombreux usages festifs ou ponctuels restent invisibles dans les statistiques de soin. Ces structures anonymes et gratuites, réparties sur tout le territoire, permettent à chacun d’obtenir une aide adaptée, où qu’il soit domicilié, sans orientation médicale préalable et en toute confidentialité. Il est possible de choisir un CSAPA hors de sa ville, pour préserver sa discrétion. Les équipes pluridisciplinaires accueillent aussi bien les usagers que leurs proches, proposant consultations, suivi, dispositifs de réduction des risques et accueil des familles.
Oppelia gère une cinquantaine de ces centres en France.

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L’accompagnement repose sur la question centrale : « Quelle relation souhaite-t-on entretenir avec la substance ? Mieux gérer, arrêter, modifier… » Il n’existe pas de traitement médicamenteux de substitution pour la cocaïne, mais un panel d’approches médicales, psychothérapeutiques et éducatives adaptées à chaque situation.

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Drogues Info Service : une aide à portée de main
En complément, le dispositif public Drogues Info Service offre une aide gratuite et anonyme par téléphone (0 800 23 13 13, 7j/7 de 8h à 2h du matin), chat ou forum. On peut y poser ses questions, rechercher une adresse utile, dialoguer avec des professionnels et des pairs, quel que soit son niveau de consommation ou ses difficultés. Les usagers et leurs proches y trouvent écoute, information et orientation, avec la garantie de confidentialité et sans jugement.
Un enjeu de société : parler, écouter, accompagner sans jugement
La dimension sociale est essentielle : ouvrir le dialogue, offrir une écoute sans jugement, comprendre et accompagner sont les seules réponses efficaces pour sortir de la spirale. La stigmatisation ne fait qu’aggraver l’isolement, alors que les dispositifs existent pour permettre un accompagnement personnalisé, pluriel et accessible.

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Écoutez cet éclairage instructif et passionnant.
Simon Icard (rédigé avec IA)
TIMECODES
00:00 Introduction
01:53 Le parcours de Naïra Meliava
02:51 Comprendre le boom de la cocaïne en France
04:40 Les chiffres, la diffusion et les nouveaux marchés
08:17 Fête, travail et dopage social : Les usages
11:13 Les risques
13:40 Les troubles de l’usage et vulnérabilités
16:21 Fonction sociale et parcours d’addiction
19:06 Le poids des psychotraumatismes sur l’addiction
23:05 Sortie de l’addiction : étapes et solutions
24:01 Rôle des CSAPA et accès aux soins
28:02 L’accompagnement des proches
30:28 Le non-jugement
31:12 Drogues Info Service, ressources et orientation
32:43 Merci à Naïra Meliava !
33:24 Fin
POUR ALLER PLUS LOIN
- Visiter le site de l’association Oppelia
- Le site du dispositif Drogues Info Service, son chat et le 0 800 23 13 13 son numéro de téléphone anonyme & gratuit (France) : drogues-info-service.fr

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- La page consacrée à la Cocaïne du “Dico des drogues” de Drogues Info Service pour en savoir plus sur les effets secondaires et les risques pour la Santé de la prise de cette substance : https://www.drogues-info-service.fr/content/view/pdf/20288 (à télécharger en PDF)
Et aussi le site web de la Fédération Addiction: ICI.
CITATIONS
En direct de Naïra Meliava, psychologue, directrice Oppelia
– Sur le terme “boom” et la démocratisation :
« Je suis assez prudente sur l’emploi de ce terme de banalisation. Mais on observe effectivement une évolution des usages, une démocratisation, comme pour d’autres substances. »
– Sur la société “addictogène” (de la performance) :
« On évolue dans une société qui fonctionne par la pression de la performance, l’efficacité, la vitesse et la question du contrôle absolu. La substance qui répond le mieux à cet enjeu-là, c’est la cocaïne. »
– Sur le profil des consommateurs :
« La population qui ressort dans cette expérimentation, dans cette démocratisation de la cocaïne, c’est beaucoup les trentenaires, les quadragénaires, séduits par cette promesse d’être augmentés. »
– Sur la fonction “sociale” et l’ambivalence de la cocaïne :
« C’est une substance qui va me permettre de donner plus, mais elle vient compenser une forme de surmenage. »
– Sur le non-jugement et la stigmatisation :
« Beaucoup d’écoute et, si possible, dans une forme de non-jugement. Plus on va juger, plus on va renforcer le phénomène de stigmatisation. En fait, fondamentalement, on est tous concernés. »
– Sur les CSAPA :
« Ce sont des lieux non-jugeants, anonymes, qui permettent un accompagnement pluriel grâce à des équipes de professionnels pour ajuster aux besoins de la personne. »
– Sur la première étape pour aller mieux :
« La première question à se poser, c’est quelle relation elles veulent avoir avec la substance : mieux gérer, arrêter, modifier… »
– Sur l’attitude à adopter face à l’addiction :
« C’est ni banaliser, ni encourager. C’est simplement faire avec, oser en parler, nommer, accompagner. Si on ne nomme pas, si on n’accompagne pas, si on sanctionne, on ne peut rien en faire. »
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