Lubrizol, attentats, cyclone Irma, mégafeux : à chaque crise majeure, des citoyens volontaires scrutent les réseaux sociaux depuis leur écran pour traquer les fake news et sauver des vies. Pour Soluble(s), Élodie Boileau, présidente de l’association VISOV, explique comment 150 bénévoles veillent sur nos crises et agissent de citoyen à citoyen.
📄 Résumé

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Des citoyens au service d’autres citoyens
VISOV (Volontaires Internationaux en Soutien Opérationnel Virtuel) est née d’une initiative citoyenne simple : transformer le flot d’informations sur les réseaux sociaux en ressource utile lors des crises. « VISOV, ça vient vraiment d’un groupe de citoyens (…) qui ont commencé à échanger sur Twitter, puisqu’on se rendait compte que de plus en plus, l’information passait lors des crises sur les réseaux sociaux« , explique Élodie Boileau.

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L’accident ferroviaire de Brétigny-sur-Orge en 2013 a marqué un tournant. En prenant ce cas concret et en échangeant avec les gestionnaires de crise, les fondateurs ont démontré l’utilité de leur approche auprès du ministère de l’Intérieur et des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). L’association s’est constituée en 2014.

VISOV ne se substitue pas aux services de l’État mais agit en complément. « Nous ne sommes qu’un outil de plus dans tout ce qu’ils utilisent pour gérer les crises« , précise la présidente. Cette collaboration se formalise progressivement : en septembre 2025, une convention tripartite a été signée avec le SDIS de Saône-et-Loire.

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Un contexte de menaces multiples
Le contexte français impose une vigilance sur plusieurs fronts. Le risque terroriste reste prégnant : depuis 2012, les attentats ont causé la mort de 275 personnes et fait de très nombreux blessés, tandis que 79 projets d’attaques ont été déjoués depuis 2015. Depuis le 24 mars 2024, la posture du plan Vigipirate sur l’ensemble du territoire national est au niveau « urgence attentat », le plus haut niveau d’alerte, maintenu depuis bientôt 2 ans.
Dans ces situations par nature périlleuses et évolutives, VISOV surveille ce qui est partagé sur les réseaux, sensibilise à ne pas relayer d’images choquantes et combat les rumeurs. Les volontaires guettent aussi les signaux faibles d’éventuelles nouvelles attaques et relaient les consignes officielles. « On n’est qu’un relais, mais on parle de citoyen à citoyen« , insiste Élodie Boileau.

Parallèlement, les crises climatiques s’intensifient : l’été 2025 a vu 15 000 départs de feu en France et environ 20 000 hectares détruits, soit deux fois plus de surface brûlée que la moyenne enregistrée entre 2006 et 2021, selon un bilan de l’ONF. Le mégafeu de Ribaute dans l’Aude a ravagé plus de 11 000 hectares, avec des situations critiques jusqu’à Marseille. Selon Météo-France, il faudra s’attendre à 10 fois plus de jours de vagues de chaleur à l’horizon 2100.
La question cruciale de la culture du risque
VISOV constate des phénomènes de plus en plus « flash, soudains, rapides et parfois bien inattendus », ainsi qu’une extension géographique préoccupante. « Les feux de forêts dans le sud de la France, il y en a toujours eu (…) Et dans des endroits où ça arrive souvent, les gens (…) sont résilients et savent comment se comporter« , observe Élodie Boileau.

Visuel officiel du gouvernement français.
Le défi progresse ailleurs : « Il y a des feux de forêt à des endroits où on n’a pas veillé ces dernières années. Ça remonte un peu plus vers le nord (…) Et donc là on est sur des populations qui ont moins l’habitude (…) Il y a des gens qui se retrouvent face à des risques qu’ils ne connaissaient pas jusque-là, et ils ne savent pas comment réagir« .
>> Lire aussi : Canicules, inondations, tempêtes, feux de forêt : comment s’y préparer – Avec la Croix-Rouge
Cette absence de culture du risque rend le travail de VISOV d’autant plus nécessaire : les bénévoles doivent non seulement relayer les consignes, mais aussi expliquer des comportements de sécurité qui ne sont pas intuitifs pour ces populations.
Comment fonctionne la veille numérique
Les 150 volontaires assurent une veille permanente des réseaux sociaux. « Quand il y a un événement qui va prendre de l’ampleur (…) qui va pouvoir toucher directement la population, c’est là où se pose la question de monter une équipe de veille pour aller chercher de l’information, mais aussi dialoguer avec le citoyen« , détaille Élodie Boileau.

Les bénévoles, dont 80 % ont un lien avec la gestion de crise ou la sécurité civile, collectent témoignages, photos et vidéos. L’objectif : « pouvoir visualiser ce qui se passe parfois avant même que les premières équipes de secours soient sur les lieux. Donc ça permet de mieux comprendre l’événement, ça permet de le dimensionner. »
L’association s’appuie sur la vigilance de Météo-France pour anticiper certaines crises et organiser des équipes capables de suivre les événements sur plusieurs jours ou semaines. Certains bénévoles spécialisés en météo aident même à évaluer la gravité des phénomènes annoncés.
L’exemple d’Irma : des familles reconnectées
Le cyclone Irma en 2017 reste l’exemple le plus marquant pour Élodie Boileau. Lorsque Saint-Martin et Saint-Barthélemy (Antilles françaises) ont été ravagées et les réseaux téléphoniques coupés, des familles en métropole cherchaient désespérément à avoir des nouvelles.
« On a mis en place un formulaire de recherche qu’on a diffusé (…) notamment sur Facebook, de communautés qui s’étaient créées d’elles-mêmes, de recherche de personnes et ce formulaire, après, a servi aux autorités », raconte-t-elle.
Le plus gratifiant ? « On était en lien avec ces familles qui des fois revenaient vers nous en disant j’ai eu des nouvelles de mes proches. Et c’est vrai que là tout de suite, c’est quelque chose qui marque« . Ce type d’action, répété lors de la tempête Alex ou de l’incendie de Ribaute, illustre concrètement l’utilité des médias sociaux en gestion d’urgence.

Conseils pratiques et engagement citoyen
Pour les citoyens témoins d’une crise, Élodie Boileau rappelle la priorité absolue : « Est-ce que moi-même, je suis en sécurité ? On ne va pas aller se mettre en danger pour aller prendre de l’image. » Ensuite, vérifier qu’aucune personne autour n’a besoin d’aide urgente et prévenir les secours si nécessaire.
Une fois en sécurité, on peut témoigner avec discernement : « Les rumeurs, si on n’est pas sûr d’une information, on ne la partage pas (…) Si on n’est pas sûr de ce qu’on sait, de ce qu’on dit, il ne faut pas en faire une vérité. » Elle souligne aussi l’importance d’écouter les consignes officielles : « C’est pas pour embêter les gens, c’est pour faire en sorte que les personnes restent en sécurité. »
Pour rejoindre VISOV, il faut être à l’aise avec la recherche d’informations sur les réseaux sociaux, avoir du temps disponible et s’intéresser à la sécurité civile. « Ce qui nous relie tous, c’est un intérêt pour ces sujets-là de la sécurité civile, de la gestion de crise, des risques naturels. L’intérêt est de pouvoir aider le citoyen« , résume Élodie Boileau. Les personnes intéressées peuvent contacter l’association via visov.org.
Simon Icard (rédigé avec IA)
Écoutez.
POUR ALLER PLUS LOIN
Le site de l’association agrée de sécurité civile VISOV : www.visov.org
Visov sur les réseaux sociaux :
– X (ex-Twitter)
– Instagram
– LinkedIn
– Facebook
Lire aussi le dossier sur les risques sur le site du gouvernement français : www.info.gouv.fr/risques
À SAVOIR
En cas d’urgence connaître ces numéros d’appel (France) :
– 15 = Samu
– 17 = Police
– 18 = Pompiers
Et d’autres numéros très importants comme :
– Le 112, numéro d’urgence européen
– Le 114 pour les personnes sourdes et malentendantes
– Le 196 pour les urgences en mer
– Le 191 pour les urgences aéronautiques
TIMECODES
00:00 Introduction
01:46 Le parcours d’Élodie Boileau, présidente de VISOV (Volontaires Internationaux en Soutien Opérationnel Virtuel).
03:11 La naissance de VISOV : l’idée d’un groupe de citoyens
05:48 L’organisation de la veille VISOV : chercher l’information et dialoguer avec le citoyen.
07:42 Le rôle de VISOV en cas d’attentat : surveillance des rumeurs et diffusion des consignes publiques.
10:30 Les catastrophes climatiques et naturelles
13:43 Comment VISOV s’organise en amont grâce aux alertes de Météo-France (vigilances).
15:27 Les profils des volontaires VISOV
18:35 Les conseils de réaction pour un citoyen témoin d’une crise : la sécurité avant l’image.
19:35 L’importance de ne partager que des informations dont on est certain pour éviter les rumeurs.
22:04 Souvenir marquant : l’aide à la recherche de proches après l’Ouragan Irma.
24:45 Comment devenir volontaire VISOV
26:06 Merci à Eloldie Boileau !
26:55 Fin
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