[TRANSCRIPTION] Ces distributeurs s’attaquent à la précarité menstruelle
Comme le papier toilette. L’accès gratuit, en libre-service, à des protections hygiéniques dans les lieux publics, établissements scolaires ou entreprises devrait être aussi banal que de dérouler du papier toilette.
La précarité menstruelle, c’est la difficulté à se payer régulièrement des protections périodiques. Dans son sillage, absentéisme scolaire, isolement, honte et risque sanitaire pour près de quatre millions de femmes en France.
Pour y remédier, une entrepreneuse s’est engagée.
Gaële Le Noane mène ce qu’elle appelle une “révolution menstruelle”.
Transcription (automatisée)
Article source : Ces distributeurs s’attaquent à la précarité menstruelle
Bienvenue dans un épisode de Soluble(s).
Aujourd’hui, je souhaite médiatiser une réponse à un sujet encore tabou et voir comment la société peut changer les règles.
– Bonjour, Gaëlle Le Noane.
– Bonjour
Tu es la fondatrice de Marguerite & Cie, une entreprise en lutte contre la précarité menstruelle.
On va parler ensemble de cette injustice qui concerne plusieurs centaines de milliers de Français et des solutions que tu as mises en place avec ton entreprise à impact.
Mais d’abord, tu le sais, ce podcast est l’occasion aussi de mettre en lumière des parcours inspirants.
On veut en savoir un peu plus sur toi.
Est-ce qu’on peut dire que tu es une Bretonne qui a toujours eu à cœur de s’orienter vers les autres, dans ton parcours professionnel?
J’ai été orthophoniste en neurologie, en cancérologie, donc vraiment dans le soin et un soin particulier avec des pathologies très lourdes, donc des gros challenges tout le temps.
Allez, j’en viens au problème que tu as pris à bras-le-corps.
Le problème qui nous réunit aujourd’hui, celui de la précarité menstruelle, c’est un sujet de société.
Il commence à s’imposer dans le débat public petit à petit, mais je le disais, c’est un sujet encore tabou.
Est-ce que tu peux nous expliquer qu’est-ce qui se cache derrière cette notion de la précarité menstruelle?
Effectivement, comme tu le dis, c’est encore un sujet qu’on ne connaît pas trop.
Quand je me suis lancée, c’était même un terme que personne ne connaissait en 2018.
Maintenant, on a des chiffres.
Les femmes osent plus facilement dire qu’elles n’ont pas les moyens de gérer dignement leurs règles.
Donc, ça veut dire faute de moyens.
Elles n’ont pas assez de protection périodique pour gérer correctement leurs règles.
Donc, elles ne peuvent pas sortir.
Les jeunes filles ne peuvent pas aller en cours.
Ça touche à peu près 4 millions de personnes en 2022 sur une quinzaine de millions de personnes menstruées en France.
Problème de société, parfois question de santé, un isolement.
Tu le disais, cette précarité touche un grand nombre de personnes.
Alors, tu dis qu’il faut changer les règles.
Adressons-nous à ceux qui sont en situation de décider, aux décideurs, aux décideuses, mais souvent quand même des décideurs masculins.
Qu’est-ce que tu as à cœur d’expliquer aux hommes qui sont en situation de décider pour que la société évolue sur ce sujet?
C’est un engagement que tu as?
Oui, parce que pour moi, cette histoire de précarité menstruelle est clairement un marqueur flagrant d’inégalité.
Les femmes ont déjà un peu moins de pouvoirs économiques, on le sait.
Il y a des données aussi dans toute la société.
Et on a cette charge en plus tous les mois.
Donc pour moi, c’était vraiment un enjeu d’égalité dans la société que d’avoir une mise à disposition gratuite pour celles qui en ont besoin dans tous les lieux publics et notamment les établissements scolaires, là où la précarité menstruelle ajoute deux tabous.
En fait, il y a le tabou des règles et le tabou de la précarité.
C’est difficile de dire qu’on n’a pas les moyens de s’acheter telle ou telle chose.
Et encore plus quand on parle des règles.
Donc c’est vraiment la double peine du tabou.
C’est le cœur de l’action de ton entreprise.
Est-ce que tu peux nous nous décrire le fonctionnement et le déroulement quelque part de ton entreprise, Marguerite et compagnie?
L’objectif, c’est bien de mettre à disposition des protections hygiéniques gratuitement.
Comment ça marche?
Voilà, l’idée, c’est alors à l’instar de l’Écosse.
L’Écosse a voté une loi en 2021 pour mettre, pour obliger tous les lieux publics à avoir des distributeurs de tampons et de serviettes.
Moi, je vais un tout petit peu plus loin, c’est que ça doit être des produits sains, parce qu’il y avait une troisième inégalité qui était derrière cette idée de précarité menstruelle, c’est que les produits menstruels qu’on peut trouver en supermarché sont potentiellement toxiques, il y avait eu un rapport de l’ANSES et hyper polluants.
C’est jusqu’à 90% de plastique parfois, donc quand on voit les milliards qui sont achetés par an dans le monde, c’est vraiment assez impressionnant.
Donc l’idée, c’est ça, c’est d’avoir des distributeurs.
Donc comme le rouleau de papier toilette, c’est-à-dire que les lieux publics achètent du papier toilette et on n’aurait pas l’idée de se dire, on doit venir avec son papier toilette au collège ou au lycée, et bien là, c’est pareil, les établissements scolaires ou les entreprises de plus en plus achètent les distributeurs, les tampons et les serviettes, et les mettent gratuitement pour les bénéficiaires.
Exactement.
Et bien, ce sont effectivement les établissements ou les entreprises qui décident d’installer ces dispositifs qui payent.
Dans le secteur public, dans les collectivités, ça revient à peu près à un euro par mois par jeune fille qui fréquente l’établissement.
On en installe depuis septembre 2019, donc maintenant, on a vraiment ces données-là.
Et dans les entreprises, ça revient à peu près à deux euros par mois par salarié menstrué.
On a volontairement fait un tarif différentiel entre les collectivités et le privé et on l’annonce pour dire que le privé nous permet justement de faire un tarif préférentiel là où il y a plus de précarité.
Est-ce que tu as des exemples significatifs à nous faire partager, à nous décrire dans le public, par exemple?
Alors, dans le public, on équipe de plus en plus de collectivités territoriales entières, c’est-à-dire que là, par exemple, on vient de signer avec la Dordogne, avec les Pyrénées-Atlantiques.
Donc, on a des départements entiers.
Il y avait un très bel article aussi dans l’Essonne.
Ça a été vraiment un travail de sensibilisation aussi des décideurs et des décideuses, comme tu le disais, pour cette prise de conscience.
On décrit vraiment notre travail comme un éveil des consciences aussi sur ces enjeux d’égalité et de santé publique.
Tu parlais des consciences.
Je voudrais revenir à ce qu’on se disait un peu tout à l’heure sur la question des décideurs masculins.
Comment sont reçues tes propositions dans les premiers rendez-vous si c’est des hommes par rapport à si les décideurs sont des femmes?
Est-ce que c’est genré à ce point ou je me fais des idées?
Alors il y a deux cas de figure.
Pour l’entreprise elle même, ça, c’était pas évident.
On a trouvé des financements et pour lancer l’entreprise parce qu’effectivement, je me trouvais souvent avec des décideurs bancaires masculins et qui ne comprenaient pas l’intérêt et l’envie qu’il y avait derrière.
Par contre, pour les distributeurs, pour l’instant, on n’a que de la demande entrante.
Donc ça veut dire que ce sont des gens qui nous appellent et qui ont entendu parler de ces distributeurs ou vu quelque part.
Donc on est forcément sur des personnes qui sont des hommes ou femmes qui sont déjà convaincus et qui veulent déjà se lancer dans cette démarche.
Donc on n’a pas ce problème-là.
Entrepreneure, tu as donc commencé toute seule.
Vous êtes combien maintenant?
Alors, nous sommes 13, bientôt 14 à la fin du mois.
On a fait 2,6 millions de chiffres d’affaires l’année dernière en 2022 contre 90 000 en 2019.
Donc on a multiplié par 30 le CA en trois ans.
Donc c’est plus que de l’hyper croissance.
C’est très complexe.
Moi, je n’étais vraiment pas issue du milieu entrepreneurial.
Donc j’attends, j’apprends énormément tous les jours et je pense que j’ai pas fini d’apprendre et c’est passionnant.
C’est vraiment, je décris souvent cette aventure comme être dans un TVV décapotable.
Alors c’est dire que ça va à toute allure et que ça décoiffe.
En effet, alors le débat public évolue et même les actions politiques, les décisions politiques.
Le gouvernement français a annoncé le remboursement à venir des protections périodiques est réutilisable.
Cela concerne les coupes menstruelles, les culottes et serviettes lavables et sera limité aux jeunes jusqu’à 25 ans.
Un autre chiffre, c’est à partir de 2024.
Que penses-tu de cette décision?
C’est déjà un très grand pas, effectivement.
Malheureusement, ça concerne peu de gens.
Effectivement, moi, je me suis attaquée plutôt aux jetables parce que c’était ce qui était le plus consommé.
Donc, c’était là où je pouvais avoir le plus d’impact au niveau de la santé et de l’environnement.
Mais c’est déjà un premier pas.
Il faut savoir aussi qu’au projet de loi de finances 2022, il y avait 6 millions au titre de la lutte contre la précarité menstruelle contre un million en 2020, la première année où il y a eu un budget voté au PLF, au projet de loi de finances de la Sécurité sociale.
Donc, effectivement, ça devient un enjeu majeur au niveau politique et c’était ma volonté dès 2019.
Je disais qu’il fallait que ce soit un enjeu politique majeur puisque ça concerne quand même 15 millions de personnes en France.
Enjeu politique, enjeu écologique aussi.
Alors, il est vrai, c’est pas le cœur de cet épisode, qu’il y a souvent un débat sur la question des produits jetables ou pas jetables.
Mais tu es à cœur dans les produits qui sont à mise à disposition dans les distributeurs de prendre en compte l’enjeu écologique.
Tu le disais un peu.
Quel est concrètement cet enjeu et comment tu l’as pris en compte?
Et oui, au début, moi, c’était vraiment pour un côté sanitaire.
Au niveau de la santé, quand j’avais élu les rapports de l’ANSES, c’est ça qui m’a fait bondir et qui m’a fait créer Marguerite & Cie.
Mais plus détricotait le sujet, plus il y avait une somme d’inégalités qui se mettaient en face de moi.
Et effectivement, on estime qu’il y a 45 milliards de serviettes jetées par an dans le monde.
Ça fait une tour de la terre à la lune tous les ans, avec des produits qui mettent plus de 500 ans à se dégrader.
Et ce n’est pas biodégradable, c’est des microplastiques qui se retrouvent après dans les mers.
C’est quand même, ça fait partie des déchets plastiques retrouvés par Surfrider Foundation.
Donc c’est quelque chose, c’est un angle environnemental majeur.
Selon Greenpeace, c’est une des industries les plus polluantes au monde.
Donc il était vraiment temps de faire quelque chose.
Et donc j’ai réussi à trouver, à avoir un partenariat d’exclusivité avec le leader mondial des produits bio qui s’appelle Natracare.
Et ça, c’est une grande fierté parce que c’est les normes environnementales et éthiques et de commerce équitable les plus élevées au monde.
Et donc c’est notre partenaire maintenant et ce sont leurs produits qu’on met dans nos distributeurs.
C’est ça, c’est que pour l’instant, même avec 2026, on est loin d’avoir adressé tout le secteur public.
Et puis maintenant, on a commencé depuis un an le secteur des entreprises pour cet enjeu d’égalité au travail, de qualité de vie au travail.
Parce que effectivement nos règles n’arrivent pas tous les 28 jours, pile-poil.
Donc si nos règles arrivent alors qu’on n’a rien sur soi, ça nous met vraiment dans une situation inconfortable dans le milieu du travail.
Donc il n’y a pas de raison qu’il n’y ait pas ces distributeurs-là aussi.
Donc voilà, on a encore beaucoup de secteurs publics à adresser et toutes les entreprises bientôt auront des distributeurs, je suis sûre.
Gaëlle Le Noane, fondatrice de Marguerite & Cie et compagnie, je mets le lien de ton site Internet dans la description de cet épisode.
Si vous êtes intéressé par plus d’informations d’aller plus loin, j’imagine que les gens peuvent aussi vous trouver sur les réseaux sociaux.
Et sur le site, il y a vraiment la possibilité de prendre rendez-vous directement.
On a souhaité ne pas avoir un site marchand, mais prendre directement rendez-vous pour avoir une conversation et un contact humain pour s’adresser au mieux les besoins.
Allez, puisqu’on parle des applications de podcast, un message à nos chers auditeurs, donnez votre avis sur ce sujet dans les commentaires ou dans les questions-réponses sur Spotify.
On y sera attentifs.
Tous les deux, je suis sûr, Gaëlle ira y jeter un œil comme ça.
On prolonge cet épisode tous ensemble.
Gaëlle, merci d’être passée dans Soluble(s).
Voilà, c’est la fin de cet épisode.
Si vous l’avez aimé, notez-le, partagez-le et parlez-en autour de vous.
Vous pouvez aussi nous retrouver sur notre site internet csoluble.media À bientôt 😉
POUR ALLER PLUS LOIN
- Le site internet et le blog de Marguerite & Cie
TIMECODES
00:00 Introduction
00:52 Un parcours engagé
01:32 La précarité menstruelle, c’est quoi ?
02:37 Un marqueur d’inégalité de genre
03:42 L’Écosse a voté la gratuité des protections périodiques
04:20 La gratuité comme pour le papier toilette
05:52 Dordogne, Essonne, des exemples de départements entiers qui s’engagent
06;32 La réaction des décideurs masculins
07:19 Un chiffre d’affaires en hypercroissance
07:59 En 2024, la France va rembourser les protections réutilisables pour les moins de 25 ans
09:25 L’enjeu écologique et sanitaire (45 milliards de serviettes jetées dans le monde chaque année)
10:41 Quelles perspectives de croissance ?
12:03 Merci à Gaël Le Noane !
Fin
Propos recueillis par Simon Icard.
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