[TRANSCRIPTION] La voiture électrique est-elle (vraiment) écolo ?
Bilan carbone. Le mouvement vers l’électrification de nos voitures est enclenché. En 2035, la vente de véhicules neufs roulant au pétrole devrait cesser dans l’Union Européenne. Objectif : préparer notre sortie des énergies fossiles pour atteindre nos objectifs climatiques et limiter le réchauffement de la planète.
Écouter plus tardLa voiture électrique émet de deux à cinq fois moins de CO2 que la voiture thermique
Pour Soluble(s), Aurélien Bigo, chercheur associé à la chaire Énergie et Prospérité, décrypte les bénéfices de ce type de motorisation dans le cadre de la transition énergétique et écologique.
Transcription (automatisée)
Bienvenue dans ce nouvel épisode de Soluble(s).
Aujourd’hui, je veux parler de la voiture électrique et savoir si elle est vraiment une alliée dans la lutte contre le changement climatique.
Vous êtes chercheur, un spécialiste de la transition énergétique des transports.
On va voir ensemble si la voiture électrique est une solution écologique et tâcher de répondre du point de vue des données fournies par les études scientifiques.
Mais d’abord, expliquez-nous concrètement quelle place occupe la voiture individuelle dans la transition énergétique.
Alors aujourd’hui, en tout cas, dans notre mobilité, la voiture est assez dominante.
C’est en gros suivant sur quels critères on regarde ça en termes de nombre de trajets qu’on peut faire selon les pâtes de transport, en termes de temps de transport ou de nombre de kilomètres parcourus.
La voiture, c’est toujours un peu plus de 60 % de notre mobilité.
Donc c’est le mode qui domine notre mobilité.
Et qui domine aussi en termes d’émissions et de coûts.
Si on prend parmi l’ensemble des transports, la voiture, c’est un petit peu plus de la moitié des émissions des transports en France.
Sachant que les transports, c’est de l’ordre de 30 % des émissions en France au global.
Donc ça veut dire que la voiture, c’est de l’ordre de 15 à 16% des émissions nationales.
C’est un secteur ou sous-secteur, disons, assez majeur dans la transition.
Et notamment, il faut sortir du pétrole pour réussir à limiter.
Sortir du pétrole par le véhicule électrique.
Donc vous avez fait paraître sur bonpote.com, un média en ligne dédié à la vulgarisation des enjeux écologiques.
Un article très détaillé dans lequel vous proposez des éléments de réponse basés sur la littérature scientifique afin de savoir si la voiture électrique est la bonne solution pour le climat.
Quels sont les principaux critères que vous avez retenus pour votre analyse?
Les principaux éléments que j’ai pu regarder, en effet, ce sont les études qu’il peut y avoir sur la France et puis un petit peu aussi en Europe et dans le monde, qui regardent l’analyse de cycle de vie global des véhicules.
Donc l’analyse de cycle de vie consiste à regarder aussi bien la production du véhicule, donc depuis l’extraction des matières premières jusqu’à la fabrication du véhicule.
Ensuite, quelles sont les émissions aussi sur la durée de vie du véhicule, notamment pour avoir de l’énergie pour rouler, aussi l’entretien du véhicule, et puis ça va jusqu’à la fin de vie du véhicule.
Donc ces analyses de cycle de vie, elles regardent notamment sur le critère des émissions de gaz à effet de serre, mais il y a aussi potentiellement beaucoup d’autres impacts qu’on peut regarder.
Quels sont les émissions sur l’ensemble de cycle de vie, aussi bien pour les voitures thermiques que les voitures électriques.
Si on regarde en tout cas pour la fréquence sur ces critères, on est à une division par 2 à 5 des émissions quand on passe à l’électrique par rapport au thermique.
Donc l’égard forcément selon les photos est toujours un bénéfice assez important.
Alors, vous dites, si on regarde pour la France, pourquoi les vertus du véhicule électrique varient-elles selon les pays dans lesquels on les achète et on les utilise?
Alors le principal critère de différence entre les différents pays, ça va être le mix électrique à l’usage.
Donc typiquement en France, à l’usage par kilomètre parcouru, les émissions sont de l’ordre de 15 fois moins importantes que la voiture thermique.
Parce qu’à la fois la voiture électrique est plus efficace, donc il y a trois fois moins de consommation énergétique par kilomètre parcouru par rapport à un véhicule d’essence diesel.
Et puis aussi, l’énergie utilisée est de l’ordre de facilement 5-6 fois moins émettrice quand on utilise de l’électricité qui en France est assez bas-carbone, en plus comparée à du pétrole.
Donc c’est ça qui explique qu’en France, en tout cas, à l’usage, c’est beaucoup moins émetteur.
Donc, ça a été un petit peu plus émetteur à la fabrication parce que notamment le coût environnemental de la batterie à produire rajoute un peu d’émissions à la production.
Mais après, les émissions sont tellement plus faibles à l’usage qu’on a ce bénéfice en France, qu’on retrouve aussi dans l’immense majorité des autres pays, mais pas forcément de manière aussi importante en France.
En gros, aujourd’hui, dans le monde, il y a quelques rares pays pour lesquels l’électrique n’est pas forcément encore favorable.
Je vais citer l’Inde, donc je vais citer la Pologne.
Mais sinon les autres pays en général, c’est déjà favorable actuellement.
Par exemple en Allemagne, dans la moyenne de l’Union européenne.
En Chine, ça va dépendre un petit peu des études.
On va penser sur le sujet de la production.
Parlons de cette période de transition que nous vivons actuellement d’ici à 2035.
Et la perspective de l’arrêt de la vente de voitures neuves qui roulent au pétrole dans l’Union européenne.
Les automobilistes sont déjà en quelque sorte en situation de faire des arbitrages entre l’achat d’un véhicule à essence, hybride ou donc électrique.
Question simple que beaucoup d’automobilistes peuvent se poser, est-ce que acheter aujourd’hui une voiture électrique neuve en Europe est plus vertueux qu’une voiture thermique qui sort d’usine?
Alors sur la question du climat, oui, très clairement.
En gros, les seuls cas d’usage, les seuls rares cas d’usage où l’électrique serait pas vraiment plus important d’un point de vue climatique, c’est si jamais la voiture est très peu utilisée.
C’est-à-dire que comme les émissions sont plus fortes à la production et moins fortes à l’usage, si jamais l’usage est assez faible, eh bien, on achète un véhicule qui est plus émetteur à produire.
Si on l’utilise peu, quelque part, il n’y a pas trop d’intérêt.
Dans ce genre de cas, ce qui serait conseillé pour des personnes qui utilisent très peu la voiture, soit de garder éventuellement leur véhicule si vraiment, on l’utilise très peu, de toute façon il y a peu d’émissions, soit idéalement d’essayer de passer un mode de vie sans voiture, et puis des quelques fois, on a besoin d’une voiture parce que ça arrive quand même, eh bien de faire de la location, d’autopartage, etc.
qui permet de se passer de véhicule au quotidien et d’ailleurs, la possession d’un véhicule, c’est un peu en général assez coûteux, et essayer d’utiliser les modes de transport autant que possible, et puis louer un véhicule les fois où il y a besoin.
Le marché des véhicules électriques propose déjà une offre très étendue, du gros SUV jusqu’à la minivoiture à une ou deux places.
Du point de vue toujours de la préservation du climat, qu’en est-il des SUV électriques par rapport au modèle équivalent thermique?
Alors, en tout cas, pour l’un des inconvénients des SUV, c’est tout d’abord leur forme qui n’est pas aérodynamique.
Ça, c’est quelque chose qui est quand même assez important pour l’électrique, c’est qu’on est limité par l’autonomie, et que cette autonomie va dépendre à la fois de la capacité de la batterie.
Est-ce qu’on a une grosse batterie avec beaucoup de kilowattheures à l’intérieur, beaucoup d’énergie stockée dans cette batterie?
Et puis aussi, combien on va consommer d’énergie par kilomètre parcouru?
Et comme les SUV sont assez peu aérodynamiques, ils vont pour un poids ou un type de véhicule assez équivalent, ils ne se mettent plus d’énergie, donc ça va donner moins d’autonomie.
Donc déjà, ça, c’est assez défavorable.
Puis souvent, les gabarits de SUV, après, il y a des gros SUV, des petits SUV, etc.
Mais ce sont plus souvent des véhicules plus lourds que, par exemple, les Citadines ou même les Berlines dans un certain nombre de cas.
Et à ce moment-là, du coup, ça nécessite aussi plus d’énergie de déplacer un véhicule qui est plus lourd.
Il y a une étude notamment qui est faite au niveau de l’Europe et qui regarde quelles sont les émissions de la voiture thermique, la voiture électrique suivant les segments de véhicules.
Donc, la minivoiture jusqu’au gros SUV.
Ce que ça montre, c’est que la minivoiture par rapport au gros SUV va avoir deux fois moins d’émissions sur l’ensemble de son cycle de vie.
Donc, on a quand même un gros intérêt à aller vers des véhicules qui sont plus légers, qui sont plus aérodynamiques, etc.
Aussi pour cette raison-là, pour la raison des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi pour d’autres raisons, en particulier des consommations de ressources.
Plus, on va vers des gros véhicules avec des autonomies importantes, plus les capacités de batterie vont être importantes.
Si je donne juste un petit point de comparaison sur ces capacités de batterie, en gros, un gros SUV aujourd’hui ou un pick-up électrique, etc.
ça peut monter à des capacités de batterie de l’ordre de 100 kWh.
Avec 100 kWh, on peut avoir aussi en termes de capacités de batterie l’équivalent de deux voitures Citadines.
Bon, la voiture Renault Zoé, c’est les 52 kWh de batterie.
En gros, pour 100 kWh, on a quasiment deux batteries l’équivalent de cette Citaline.
Et si jamais on passe à vraiment des minivoitures voiturettes telles que la Citroën Ami ou la Renault Twizy, elles ont des capacités de batterie de l’ordre de 6 kWh.
Donc avec des capacités de batterie de 100 kWh, on peut avoir de l’ordre de 16 véhicules de ce type.
Donc on voit bien que si jamais on se tourne vers des véhicules plus légers, on peut produire beaucoup plus de véhicules avec une même capacité de batterie.
Et du coup, éviter à la plaque d’environnemental les contraintes qu’il peut y avoir sur certaines de ces ressources en batterie.
Et si je donne un dernier exemple, si on passe à des vélos à assistance électrique, avec une capacité de batterie de 100 kWh, on peut avoir de l’ordre de 200 ou 250 vélos à assistance électrique en termes de capacité de batterie.
Donc la prime est à la légèreté sur le segment des véhicules électriques.
Du coup, on est plutôt sur des modèles Clio 208, des modèles comme ça qui se positionnent mieux par définition que les SUV.
Oui, c’est ça.
Alors après, aujourd’hui, on a globalement en tout cas différents types de modèles de voitures qui sont proposés.
Ce qui est important, c’est de réussir à adapter le type de véhicule selon les usages.
Et idéalement de dimensionner le véhicule pour les usages du quotidien, plutôt que sur les quelques usages exceptionnels qu’il peut y avoir dans l’année.
C’est-à-dire que jusqu’à maintenant, la manière dont on choisit une voiture en général, c’est de se dire si on part une, deux, trois fois dans l’année à l’autre bout de la France en voiture pour les vacances, par exemple, eh bien on va dimensionner la voiture pour cet usage-là.
Si on fait pareil sur la voiture électrique, ou sur les véhicules électriques de manière plus générale, on va très largement surdimensionner à la fois la taille des véhicules, la capacité des batteries aussi, et c’est ça qui est assez coûteux d’un point de vue à la fois environnemental, mais aussi d’un point de vue financier.
La batterie représente un coût aussi assez important de l’achat du véhicule.
Et du coup, idéalement, ce qui est plus vertueux d’un point de vue environnemental, et puis ce qui est aussi moins cher, c’est plutôt d’essayer de dimensionner l’usage du quotidien.
Si les usages du quotidien, ce sont des trajets de quelques kilomètres, ça peut être quelques dizaines de kilomètres avec une personne à l’intérieur du véhicule à des vitesses de maximum des fois 80 km·h si on ne va pas sur des routes rapides.
Mais il vaut bien dimensionner les véhicules pour ce type d’usage-là.
Et à ce moment-là, même une voiture assez légère va être surdimensionnée.
Donc ça veut dire qu’il faut aussi potentiellement développer des véhicules électriques encore plus légers, encore plus sobres que ça, qui peuvent être un peu pour certains aspects, et pas pour certains véhicules, des intermédiaires un peu entre le vélo et la voiture aussi qu’on pourrait développer.
Aujourd’hui, les ventes de véhicules électriques pèsent pour un pays comme la France déjà à 13% des ventes pour l’année qui vient de s’écouler, l’année 2022.
Mais on entend à ce que vous dites.
En effet, dans la question de la mobilité, c’est aussi l’occasion de cette transition de repenser la place et l’usage de la voiture dans les mobilités.
Quels sont les autres leviers d’action?
Je pense évidemment à toutes les politiques de sobriété.
Sur quoi agir lorsqu’on considère la mobilité individuelle?
Oui, alors il y a cinq grands leviers qui sont cités par la stratégie national bas carbone pour réussir à limiter les émissions de CO2 des transports.
Et ce qui est important, c’est vraiment d’agir sur ces cinq leviers à la fois si on veut s’en sortir, à la fois l’électrique sera complètement indispensable pour atteindre nos objectifs climatiques, mais ce ne sera pas suffisant.
Ça ne résout pas tous les problèmes.
Il y a des nouveaux défis aussi sur la question des ressources, en particulier en météo.
Et donc ces cinq leviers doivent être sollicités simultanément.
Le premier des leviers, c’est la modération de la demande de transport.
C’est les kilomètres qui sont parcourus.
Au quotidien, ça peut être notamment d’essayer de privilégier un aménagement des modes de vie plus en proximité pour réduire les distances parcourues.
Et ça, quelque part, facilite aussi des véhicules électriques plus vertueux, comme je le disais, parce que si les vitesses sont plus courtes à parcourir, dans ces cas-là, on peut choisir un véhicule avec une batterie moins capacitaire, quelque part moins impactante.
Ensuite, le second levier, c’est de faire du report modal, comme on l’appelle, du report de faire des véhicules qui sont moins émetteurs.
C’est la marche, c’est le vélo, ce sont des transports en commun.
Bien évidemment, le train, le gare, le tramway, etc.
Ce sont aussi des offres qui sont à développer, qui doivent être soutenues aussi par des pouvoirs publics pour qu’un maximum de citoyens, d’usagers, puissent utiliser ces modes de transport.
Ensuite, le troisième levier, c’est d’améliorer le remplissage des véhicules.
Ça vaut pour tous les types de modes ou de véhicules, mais en particulier pour la voiture, il y a un gros levier, étant donné qu’au moyen des véhicules sont très peu remplis.
C’est de l’ordre de 1,6 personnes par véhicule en moyenne.
Et c’est même sur le domicile de travail, 9 voitures sur 10, où il y a 1 personne en intérieur du véhicule.
Et puis après, les deux derniers leviers, c’est à la fois réduire les consommations énergétiques.
Là-dessus, il y a des leviers un peu de sobriété, comme par exemple de réduire le poids des véhicules, d’avoir des véhicules qui sont plus aérodynamiques.
Puis aussi d’avoir une conduite qui est plus sobre, moins consommatrice d’énergie, donc … compliqués, de 110 km sur les autoroutes, ça permet de réduire ces consommations d’énergie.
Et puis l’électrification des véhicules aussi permet de baisser les consommations d’énergie, comme on disait tout à l’heure.
Enfin, un cinquième et dernier levier qui rejoint aussi quelque part la question de la voiture électrique, c’est de décarboner l’énergie, de passer à des énergies qui émettent moins de CO2.
Par exemple, passer du pétrole à l’électrique, ça permet aussi de baisser ces émissions de CO2 que l’énergie utilise.
Aurélien Bigo, vous êtes chercheur à la chaire Énergie et Prospérité.
Merci d’être passé dans cette émission.
Je mets le lien de l’article dont on a parlé en description de cet épisode.
Vous y parlez longuement en détail avec des chiffres de sujets qu’on n’a pas tout à fait creusé là encore sur, vous le disiez, les ressources, la batterie, les autres motorisations, les alternatives, l’électrique comme l’hydrogène, les biocarburants.
Je mets le lien de l’article en description.
Si ça vous intéresse d’aller plus loin, on vous suit aussi sur les réseaux sociaux?
Voilà, c’est la fin de cet épisode.
Si vous l’avez aimé, notez-le, partagez-le et parlez-en autour de vous.
Vous pouvez aussi nous retrouver sur notre site internet csoluble.media.
À bientôt !
Écoutez l’épisode complet. (Seul le prononcé fait foi)
POUR ALLER PLUS LOIN
- L’article d’Aurélien Bigo dans Bon Pote, dans l’émission : bonpote.com/la-voiture-electrique-solution-ideale-pour-le-climat/
- Le site de la chaire énergie & prospérité : www.chair-energy-prosperity.org/category/chercheurs-associes/aurelien-bigo/
TIMECODES
00:00 Introduction
00:40 La place de la voiture dans notre mobilité
01:32 Les études scientifiques et l’analyse de l’impact carbone des véhicules électriques
03:05 Pourquoi l’impact de la voiture électrique est différent selon les pays ?
04:47 Acheter aujourd’hui une voiture électrique neuve en Europe, est-ce systématiquement vertueux?
06:45 Les SUV électriques, le poids des véhicules et les batteries
10:05 Dimensionner les achats en fonction des usages quotidiens réels
12:15 Les autres leviers pour décarboner notre mobilité
14:48 Merci à Aurélien Bigo !
Fin
Propos recueillis par Simon Icard.
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