Un phénomène qui se répand comme une traînée de poudre. Pour Soluble(s), Naïra Meliava, psychologue clinicienne et directrice générale d’Oppelia, décrypte l’essor de la cocaïne en France, la diversité des usages et les solutions concrètes pour celles et ceux qui veulent en sortir.
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Explosion d’un marché, entre fête et recherche de performance

Illustration : Unsplash.
En France, 1,1 million de personnes ont consommé de la cocaïne en 2023, un chiffre quasiment doublé en un an. La pureté moyenne du produit est passée de 46 % à 70 % en dix ans, et le prix moyen du gramme, en baisse, est aujourd’hui d’environ 66 € selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). Derrière ce boom, une forte augmentation du narcotrafic et des violences associées : en 2024, 110 morts et 341 blessés ont été attribués à l’ensemble du trafic de stupéfiants sur le territoire français, selon le ministère de l’Intérieur – un chiffre en légère baisse par rapport à l’année précédente, mais révélateur d’une tension persistante.

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>> Lire l’article source : Pourquoi la cocaïne explose en France et comment en sortir ?
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Introduction – L’épisode et le phénomène en chiffres
– Simon Icard : Bienvenue dans un nouvel épisode de Soluble(s). Aujourd’hui, je souhaite médiatiser des solutions à un phénomène qui se répand comme une traînée de poudre la consommation de cocaïne : 1,1 million de Français en ont consommé en 2023. C’est le double de l’année précédente. Et vous allez l’entendre, mon invitée agit pour aider les consommateurs qui souhaitent raccrocher.
Bonjour Naïra Meliava.
– Naïra Meliava : Bonjour !
Présentation de Naïra Meliava et son parcours en addictologie
– Simon Icard : Tu es psychologue clinicienne, une spécialiste en addictologie. Tu es la directrice générale de l’association Oppelia, une association qui accompagne des milliers de personnes en difficulté avec les addictions partout en France. Tu es aussi administratrice de la Fédération Addiction. Alors, on va voir ensemble dans cet épisode ce qui explique ce boom de la cocaïne. Les dangers dès la première prise.
Comment fonctionne l’addiction précisément et surtout donc les solutions concrètes. Les réponses de terrain, celles que tu as à ta main. Car des solutions existent pour toutes les personnes concernées et leur entourage. Des personnes de tout milieu, car la cocaïne n’est plus réservée à certains cercles de personnes comme dans le show-business, mais elle s’est installée au cœur de la société, dans le monde du travail aussi.
La cocaïne est une substance qui tend à se banaliser, alors que ces dangers sont massifs. Et je rappelle une évidence sa vente et sa consommation sont d’ailleurs interdites en France.
Naïra Meliava : choix de l’addictologie et vocation
Mais d’abord, comme vous le savez, je me montre toujours curieux du parcours de mes invité(e)s en début d’épisode. Je le disais, tu es une psychologue. Comment tu es arrivée à t’investir, à t’engager sur le sujet des addictions ?
– Naïra Meliava : Alors tout d’abord, merci de cette invitation et de ce sujet et de vous saisir et de vous saisir de ce, de cette thématique.
Alors donc, j’ai effectivement une formation de psychologie clinique. C’est assez tôt dans mon parcours puisque je vais, je vais découvrir le domaine de l’addictologie par le biais d’un de mes premiers stages de psychologue. Donc, je ne suis pas encore diplômée et en réalité, je ne quitterai pas le domaine des addictions qui va être en réal, voilà tout le travail que je vais mener en tant que clinicienne. Et puis aujourd’hui, au niveau de la direction générale de l’association.
Analyse du boom de la cocaïne – Chiffres et société
– Simon Icard : Parlons d’abord de ce phénomène, du boom de la cocaïne en France. Les chiffres sont spectaculaires, un quasi-doublement en un an, un million de personnes, je le disais en France, qui en a consommé au moins une fois dans l’année. Qu’est-ce que tu observes sur le terrain ? Est-ce que tu dirais qu’on assiste à une certaine banalisation, comme je le disais, une banalisation de ce produit stupéfiant ?
– Naïra Meliava : Alors, je suis assez prudente sur l’emploi de ce terme de banalisation de boum. J’écoutais ce matin un très bon podcast qui a été réalisé autour de l’héroïne, et on retrouve un langage qui était présent à l’époque de l’arrivée massive de l’héroïne et effectivement de son insertion dans tous les tissus sociétaux.
On observe exactement un phénomène effectivement similaire. Je ne vais pas nier que cette consommation de cocaïne a évolué et va vers une augmentation très significative. On peut l’observer à travers aussi l’augmentation des saisies et sans doute qui témoigne d’une montée de l’offre. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a quelque chose à regarder du côté de notre société. Quelle est la société dans laquelle nous évoluons aujourd’hui ? On évolue dans une société qui fonctionne par la pression de la performance, l’efficacité, la vitesse et finalement, in fine, la question du contrôle, du contrôle absolu.
La substance qui répond le mieux à cet enjeu-là, c’est la cocaïne. Vous ne recherchez pas dans une consommation de cocaïne sniffée : un état modifié de conscience comme vous l’avez par exemple dans les substances hallucinogènes.
L’époque du LSD qui émerge dans les années post-soixante-huitardes avec la recherche d’un monde où tout est possible, on n’est pas dans les mêmes contextes. Et donc cette émergence de la cocaïne, elle est quand même à regarder sous l’angle aussi de dans quelle société elle s’inscrit.
Marché, prix et qualité de la cocaïne en France
– Simon Icard : C’est ce qu’on va s’employer à faire tout au long de cet épisode. Je reste quand même deux secondes sur les chiffres pour bien comprendre l’ampleur de cette diffusion de la cocaïne dans la société. Selon les données de l’Office Anti-stupéfiants, pour la première fois, depuis 2024, le prix du gramme de cocaïne a baissé en France. Une baisse significative estimée à 10 %. Mais ce qui rend le produit encore plus attractif, selon les autorités, c’est l’amélioration de, en quelque sorte du rapport qualité-prix. La pureté moyenne du produit a presque doublé en dix ans. Il y aurait 70 % de principe actif dans la cocaïne, disponible sur le marché en France.
On trouve donc un produit moins cher et plus puissant ?
– Naïra Meliava : Tout à fait. Mais, le marché des drogues suit une logique libérale et est complètement à l’image de notre mondialisation. Il y a effectivement une augmentation de la production de cocaïne, une circulation qui est fortement présente et libérée et effectivement un marché. Et ça, on peut le reconnaître, la cocaïne est bien plus qualitative qu’elle ne l’était. Et effectivement, avec une baisse de ces montants aussi significatifs.
Donc effectivement, elle est beaucoup plus accessible qu’elle ne le fut qu’elle ne le fut. Il faut distinguer quand même deux choses qui Et parce qu’on le distingue. Alors pas l’Office français des drogues et toxicomanies. L’OFDT, dans son dernier rapport, distingue d’ailleurs la cocaïne en poudre de la cocaïne basée. On n’est pas sur les mêmes marchés. Il faut quand même savoir que du côté de nos CSAPA, donc les centres de soins en addictologie, en prévention, on reste.
On accueille majoritairement des personnes qui consomment sous forme de poudre. Là où on a 20 % du côté de l’usage de crack, usage de crack qui est par contre beaucoup plus présent dans l’accompagnement en matière de réduction des risques, et il nécessite une réduction des risques adaptée, spécifique à cette forme-là.
Cette forme-là va aussi connaître une forme de démocratisation. Il y a effectivement une évolution des usages, mais qu’on connaît, je dirais, de de nombreuses substances aujourd’hui. Il y a aussi tout ce qui a trait à la 2-MMC, la 3-MMC. On a des évolutions de marché des substances, ça a toujours été vrai. Les substances ont toujours évolué avec leur société. Il y a une substance qui reste très constante et majoritaire, c’est l’alcool dans nos centres de soins et est dominante par rapport à la cocaïne. La cocaïne n’a pas suppléé la question de l’alcool ou la question du cannabis. Elle, elle vient effectivement prendre place.
L’Héroïne, en revanche, elle diminue, sa production mondiale, diminue, son accessibilité diminue. Et donc, effectivement, la prévalence d’usagers évolue, les usages évoluent.
Narcotrafic, violence et profils des consommateurs de cocaïne en France
– Simon Icard : Alors, tu parlais de stratégie commerciale. Évidemment, derrière tout ça, il y a cette explosion de la production mondiale de cocaïne, une explosion des saisies, et puis dans les coulisses, le narcotrafic et une augmentation de la violence, des homicides. En France, cela se traduit par une violence inédite qui suit ce mouvement. 110 morts, 341 blessés en 2024. Mais on n’est pas dans un podcast de faits divers, ni dans un podcast médical. On est dans un podcast de société, donc on va continuer justement sur l’axe que tu évoques, évoquais. La cocaïne est devenue la deuxième drogue illicite la plus consommée en France après le cannabis. Qui sont les personnes qui expérimentent cette drogue ?
– Naïra Meliava : Alors très clairement, la population qui ressort dans cette expérimentation, dans cette « banalisation », « démocratisation » de la cocaïne, c’est beaucoup les trentenaires, quarantenaires qui vont être effectivement, sans doute, un peu séduits par cette promesse d’être « augmentés ». On est bien dans cet Homme augmenté. C’est l’injonction implicite d’être en mesure de donner toujours plus, de faire toujours plus. Et finalement, elle incarne un peu ce paradoxe-là, du ça vient compenser quelque part le surmenage.
Et c’est tout le paradoxe. Elle va me permettre de donner plus, mais elle vient compenser cette forme de surmenage. C’est l’énergie et paradoxalement aussi d’être utilisée et beaucoup l’expérimentation. Et on voit bien pourquoi on n’a pas une.
On n’a pas une augmentation significative de la, de la fréquentation de nos centres de soin. C’est qu’en réalité, on a aussi toute une consommation de cocaïne qui est une consommation dite festive, contrôlée, qui est parfois faite aussi avec des gestes de réduction des risques tout à fait adaptés et heureusement. Par exemple l’usage de kits sniff à usage unique. On arrive, je pense quand même, à accompagner les usages simples, expérimentaux qui effectivement sont présents et on se doit de les accompagner pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire qu’on ne va pas dramatiser cet usage.
Par contre, il faut leur donner les clés d’un geste adapté. L’analyse de drogue en fait partie. Le fait de pouvoir dire ce qu’il y a dans la substance, d’informer l’usager.
Aujourd’hui, vous parliez du narcotrafic, mais aujourd’hui, nous ne sommes pas dans une société qui permet la régulation de ces substances. Il y a et on a des collègues voisins que sont les Suisses qui ont, à l’époque, eu des programmes et ils ont toujours des programmes d’héroïne médicalisée, par exemple. De fait, ils savent quelle est la substance qui est, qui est fournie. Là, évidemment, on a une fluctuation possible.
Et donc cette analyse qui contribue clairement à la pharmacovigilance, qui contribue à collecter des données sur ce qui se passe, elle doit être aussi et elle ne doit pas nous empêcher de recueillir chaque situation de consommation et de la prendre à hauteur de ce qu’elle est, d’une expérience singulière pour chaque personne. Ce n’est pas la même chose qui va être recherchée, et en tout cas, ça nécessite à chaque fois de nous réinterroger sur la personne, son contexte, ce qu’elle vit, ses vulnérabilités. Dans mon parcours, je parle beaucoup de la question des psychotraumatismes.
Bien évidemment que vous parliez d’une société violente. Oui, je pense qu’on est aussi dans une société traumatogène.
Les risques et dangers de la cocaïne
– On va continuer de déplier tout ça. On décrit la cocaïne comme une poudre blanche psychoactive qui est recherchée pour ses effets stimulants, physiques, cognitifs, désinhibants. Une chose essentielle est à rappeler. C’est peut-être une idée reçue à casser. La cocaïne présente des dangers. Même dès la première prise, même si on ne devient pas forcément immédiatement dépendant ?
– En fait, un usage de substances, quel qu’il soit, comporte des dangers à partir de sa consommation. En revanche, quand on dit quand vous, quand vous le formulez ainsi, vous laissez entendre qu’il va y avoir quelque chose d’extrêmement toxique dès la première consommation. Donc, on met du côté du risque, l’analyse. Il y a aussi dans cette première expérience des choses qui sont positives dans cette expérience. Par exemple, la cocaïne a un effet psychoactif qui est pas extrêmement signifiante.
Nous n’avons pas un état modifié de conscience très fort. C’est le cas du tabac par exemple. L’alcool ou le cannabis vont modifier de manière significative notre perception du monde. Il va y avoir quelque chose d’un état modifié de conscience plus fort. Donc, en réalité, selon ce qui est attendu en matière d’effets, certaines personnes vont vous dire que c’est pas très intéressant en fait comme expérience. Et donc par contre, c’est une substance qui va, entre guillemets, compenser et leurrer. Et elle, elle comporte un risque si je consomme de l’alcool en parallèle. D’abord, il faut penser à la question de l’hydratation.
On est sur un stimulant, il faut s’hydrater davantage. Or, l’alcool déshydrate, donc on augmente les risques de déshydratation. Mais je vais avoir l’impression que je n’ai pas forcément beaucoup bu et que je n’ai pas l’effet. Mais en réalité, mon taux d’alcoolémie est identique et donc il y a un risque de consommer plus d’alcool parce que je n’aurai pas forcément l’effet d’ivresse que j’ai habituellement. Donc, on va avoir des risques associés, évidemment, y compris dans les formes de l’usage, dans la manière dont on peut informer des risques. Et oui, il y a des vrais risques à ces consommations, bien sûr, comme toute consommation de substances.
Comprendre l’addiction à la cocaïne : usage, trouble et dépendance
– C’est vrai que je te posais cette question, notamment pour la question qui est sous-tendue. Alors peut être avec des à priori, mais celle de l’addiction, c’est-à-dire que commencer la cocaïne même si ce n’est pas recommandé et interdit, n’engendre pas automatiquement une addiction ? En fait, pour qu’on soit clairs.
– Non, la question de l’addiction. Quand on parle d’addiction, il faut qu’on emploie les bons mots. En réalité, on va parler de troubles de l’usage. Et dans le trouble de l’usage, il va y avoir différentes formes. Il y a un trouble de l’usage du simple, c’est-à-dire que c’est un usage ponctuel qui va comporter un certain nombre de risques et dont on ne dénie pas non plus l’expérience positive. Il y a un rapport qui est OK à la substance, au comportement, et il y a des troubles de l’usage qui peuvent être nocifs, ponctuels, mais nocifs. Typiquement, un phénomène dont on a beaucoup parlé, c’est le binge-drinking des jeunes.
Je consomme de manière massive de jeunes et je prends des risques dans cette forme d’usage.
Ce n’est pas pour autant que ces jeunes présentent une dépendance. Et effectivement, vous avez un trouble de l’usage qui inclut un phénomène de dépendance, qu’il soit psychique ou physique. Et là, on le sait, c’est la croisée de plusieurs facteurs, c’est la rencontre entre un moment. Alors, typiquement, oui, je suis exposé à plus de stress professionnel et je présente des signes de vulnérabilité dans ce domaine-là. Ma sphère personnelle se réduit parce que j’ai moins le temps d’aller voir des amis, etc. Et je vis des situations par ailleurs insécurisantes, voire des situations violentes.
Enfin voilà, je peux avoir une conjoncture de facteurs qui vont être des signaux d’alerte, qui vont faire que cette rencontre, cet usage, il va peut-être venir compenser quelque chose, il va avoir une recherche thérapeutique, ça peut prendre une fonction thérapeutique, on peut parler de cet usage-là où d’une fonction sociale, par exemple, quelqu’un qui pourra avoir du mal à faire certaines choses et qui va rencontrer la substance qui lui permet effectivement de faire des choses.
Mais cette rencontre-là, elle doit se parler. Mais toutes ces rencontres-là doivent se parler. D’où l’importance du continuum d’intervention. On doit prévenir, on doit informer, on doit accompagner l’usager et on doit pouvoir accompagner les soins de bout en bout selon les situations de chacun. Et donc, en réalité, on a besoin de pouvoir être là, à tous ces endroits-là. D’où l’importance de remettre la santé et la démarche de santé au cœur de la question des addictions. Cocaïne et des autres.
Facteurs individuels et sociétaux dans la consommation de cocaïne
– Un continuum, une démarche globale. Alors, tu évoques cette société addictogène selon tes mots, mais on comprend ce que tu veux dire. On évoque d’ailleurs ce qui pousse les gens à prendre de la cocaïne. Alors, il y a des facteurs individuels, on va les détailler dans un instant. Il y a ces facteurs sociétaux quelque part. Si je colle à tes mots, la Presse se fait l’écho régulièrement de la présence de la cocaïne dans le monde du travail. On a de nombreux témoignages de gens qui disent consommer de la cocaïne pour « tenir le coup au boulot », pour suivre le rythme. Donc il y a donc une notion quelque part de dopage, de performance à pouvoir assurer. Qu’est-ce que ça nous dit par rapport à tes observations de terrain, toi qui accompagnes ces personnes au quotidien, est-ce que c’est vérifié déjà ? Est-ce que c’est massif ?
– Alors, on ne va pas parler d’un phénomène massif au nombre de personnes que ça concerne. En revanche, ce qui est sûr, c’est que ça parle quand même vraiment de ce qu’on est en train de faire quelque part. Le paradoxe dans lequel on est en train de se mettre autour de cet Homme augmenté, qui va avoir besoin de ces substances qui lui permettent de penser être augmenté. Et quelque part, il y a un paradoxe dans le discours à cet endroit-là. Mais qu’on va retrouver à travers. Je crois que c’étaient les Inrocks qui avait. Qui avaient titré un magazine. « Qui était cette génération qui mange bio, qui est écolo et qui prend de la cocaïne le week-end ? » C’est-à-dire qu’effectivement, il y a quelque chose d’un peu paradoxal autour de de cette substance et qui parle beaucoup de nous. Je pense fondamentalement. Et donc, effectivement, je pense que c’est extrêmement important de pouvoir, de pouvoir effectivement avoir à la fois ce regard de trajectoires individuelles, vraiment, et de garder ce niveau-là.
C’est extrêmement important pour ne pas tomber dans des formes de généralités. Et par ailleurs, de réellement se dire qu’on a tous une responsabilité à cet endroit-là. Et donc un podcast comme aujourd’hui par exemple, vient contribuer à la possibilité de prendre tous part à ce sujet. Des addictions, ce n’est pas un sujet qui est à côté. C’est pas qu’à travers la notion de narcotrafic et donc quelque chose qui vient parler mafia, règlement de compte, violence. Il est aussi question de vulnérabilités, de festif, de Ça touche plein de sujets différents. Et donc il faut qu’on puisse s’adapter et écouter les différents sujets.
Liens entre santé mentale, psychotraumatismes et addiction : rôle des facteurs de vulnérabilité
– Alors, au-delà des mécanismes biologiques, des mécanismes de la société, il y a évidemment une dimension plus individuelle, une dimension psychologique. Tu es psychologue, y a-t-il des terrains en termes de santé mentale qui exposent plus certaines personnes ? Alors, j’allais dire d’abord à la prise du produit, peut-être ensuite à l’addiction en elle-même ?
– Bien sûr. Il y a des facteurs de vulnérabilité, des facteurs de risque. Euh, évidemment que lorsque dans mon histoire, je vais traverser des situations qui vont faire rupture, qui vont faire violence. Donc la question des psychotraumatismes, pour moi, elle est au cœur des questions des addictions puisqu’on a depuis très longtemps constaté à quel point dans nos accompagnements, il y a énormément de liens qu’il se fait, et en particulier parce que les substances vont venir aider sur le plan thérapeutique, vont venir permettre cette dissociation soulagée de ce vécu.
Et en réalité, il est extrêmement important de pouvoir permettre à la personne de reconnaître ses effets thérapeutiques. Cette recherche de solutions. Or, si on a un discours qui est orienté sur le danger, sur le risque, on a un discours culpabilisant. De la même manière qu’un discours porté du côté de la neurobiologie comporte un risque, parce qu’en fait, c’est un discours qui individualise le problème.
La question des psychotraumatismes. Je vais juste me permettre un parallèle.
Nous sommes toujours dans une société qui reconnaît difficilement la question du viol, la question du consentement. Les victimes subissent une double condamnation et effectivement vont trouver dans les substances aussi quelque chose pour supporter ce qu’elles ont vécu. Donc, il faut pouvoir aussi entendre que ça s’inscrit dans des trajectoires, dans des histoires individuelles, dans des vulnérabilités individuelles et des vulnérabilités collectives. Et c’est en ça que notre société a un rôle à jouer.
– Et on l’entend dans ce que tu dis. Je reformule, mais ça veut dire que pour chacun des points qu’on vient d’évoquer, il s’agit de se questionner individuellement si on est exposé à ces produits ou usager, c’est-à-dire ce que ça vient combler. Si je comprends bien, tu parles même d’auto(médication) à
– Quelle fonction ça, à ? Qu’est-ce que ça m’apporte en fait ? Vous voyez, une expérience qui est intéressante, c’est l’expérience du Dry January. On propose aux personnes, aux personnes, aux Français de faire l’expérience, de se mettre à distance d’une consommation d’alcool et d’observer ce qui se passe.
Ça ne veut pas dire ne pas consommer pendant tout le mois, ça veut dire au moins faire ce pas de côté, de se dire OK, comment ça se joue ?
Comment je le vis ? En fait, ça permet simplement de se dire quelle fonction ça tient quand je consomme dans cette situation-là, qu’est-ce que ça m’apporte ? Et puis de pouvoir reconnaître une fonction, qu’elle soit, je le dis, de performance ou ça éclaire quelque chose, ça éclaire sur un besoin derrière. Pourquoi est-ce que j’ai besoin de me sentir plus performant ?
Stratégies et solutions pour sortir de l’addiction à la cocaïne
– Et dans une démarche de, je ne sais pas le mot, mais de sortie de l’addiction. Si on parle de l’addiction en elle-même ou de l’utili** concentrons-nous sur l’addiction maintenant.
Dans cette démarche de sortie, même si nous ne sommes pas dans un épisode médical, je dois dire quand même qu’il n’existe pas de produit pharmacologique de substitution à la cocaïne. Il faut donc adopter d’autres stratégies que de remplacer le produit par un autre. Tu vas me dire si je me trompe ou pas. Donc on doit se tourner vers d’autres solutions concrètes.
On a bien compris de s’interroger, de se questionner, de parler. Toi qui est au contact quotidien de ces réalités. Dis-nous ce qui marche pour les personnes qui veulent se défaire de leur addiction à la cocaïne ?
Par où doivent elles commencer ?
– Ben en fait, la première question à se poser c’est quelle relation elles veulent avoir avec la substance ? Est-ce qu’elles veulent mieux gérer leur consommation ? Est-ce qu’elles veulent arrêter leur consommation ? Quel… Qu’est-ce qu’elles veulent modifier de cette relation ? Ensuite, il existe un panel d’approches, de propositions d’accompagnement sur le plan médical, psychothérapeutique, éducatif en matière. Cela va toucher différents domaines, différentes formes d’accompagnement. Il n’y a pas de traitement de substitution. Mais en revanche, médicalement, on peut aussi analyser la fonction et donc chercher aussi ce qui pourrait aider. C’est pas complètement fermé, ça ne veut pas dire qu’on aura une substitution comme on l’a sur les opiacés par exemple, mais c’est pas pour ça qu’il n’y a pas de stratégie médicale. Là encore, il faut ouvrir les possibles.
Il y a aujourd’hui en France, et c’est ça l’avantage, c’est qu’il y a un réseau de centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie, de réduction des risques qui est très bien maillé sur le territoire.
Ce sont des lieux qui sont non-jugeants, c’est anonyme, ça permet un accompagnement qui va être pluriel parce qu’il y a effectivement toujours une proposition d’une équipe de professionnels pour pouvoir justement ajuster selon les besoins de la personne. Et il ne va pas y avoir du tout les mêmes besoins, les mêmes parcours individuels.
Et là encore, ça va beaucoup être au regard des différentes fragilités. On peut, dans un CSAPA, accompagner autant des gens qui vont vivre des situations de précarité très fortes associées à d’autres pathologies, comme quelqu’un qui est salarié et qui par ailleurs a un vécu social inséré, se sent bien dans d’autres domaines de sa vie. Enfin, on va avoir là dessus une adaptabilité aussi des réponses, parce que pour certains, il va y avoir un choix d’hospitalisation, pas de sevrage, tout existe. En fait, on a l’avantage en France en revanche d’avoir vraiment une diversité de propositions.
Accès aux centres de soins et dispositifs d’addictologie en France
– Alors de nombreuses structures spécialisées existent avec ces solutions. Je le disais, tu diriges l’association Oppelia, vous aidez des milliers de personnes touchées par différents types d’addictions. Vous faites aussi de la sensibilisation. Vous les aidez à « retrouver leur équilibre et à reconstruire leur vie ». Opalia déploie une cinquantaine de centres d’établissements à travers la France. Alors, tu vas continuer de décrire les différents types de prise en charge qui existent. Mais la première question que je me pose, c’est je me mets à la place de quelqu’un qui, par le jeu des recherches sur Internet, tombe sur ce podcast.
Comment on accède à ces centres en fait, il faut téléphoner, passer par un médecin, vous contacter ?
– Exactement. Il n’y a pas besoin d’orientation, ce ne sont pas des dispositifs. Alors, il y a pas mal d’avantages à nos centres, et c’est important de le dire, et c’est important de défendre ce bien commun.
Nous ne sommes pas territorialisés.
Donc, par exemple, pour des personnes qui vont rencontrer une difficulté ou un besoin de discrétion par rapport à leur démarche de soin, vous pouvez vous rendre dans le CSAPA d’une autre ville. Il n’y a pas une obligation de fréquenter le centre de proximité par exemple. On a une diversité de propositions qui repose sur une politique de santé publique puisqu’on est financé à cent pour cent. Ce sont donc des dispositifs gratuits, accessibles et qui vont s’adapter à la fois selon les usages, les tranches d’âge. On est généraliste, donc on accompagne effectivement toutes formes d’usages et on va avoir des dispositifs adaptés aux jeunes, 17-25. On va avoir des dispositifs. Donc ce sont les consultations jeunes consommateurs. On va avoir des dispositifs qui vont être davantage des dispositifs, ce qu’on appelle ambulatoire, c’est-à-dire de rendez-vous et de suivi régulier où là, vous pouvez rencontrer différents professionnels, vous avez des lieux où vous allez pouvoir chercher du matériel de réduction des risques, des lieux de collecte pour faire analyser vos substances que vous pouvez retrouver à la fois dans des cadres festifs comme à des endroits fixes ou auprès de professionnels.
Donc, vous allez avoir comme ça un maillage de dispositifs allant jusqu’aux soins résidentiels, allant jusqu’à des formes d’appartements thérapeutiques, donc parfois collectifs, individuels. Donc, on a comme ça, effectivement, un continuum de réponses et une complémentarité qui va permettre un parcours en fait adapté, ajusté à la situation de chacun.
Et l’ensemble des dispositifs est bien sûr aussi ouvert à l’entourage qui a un rôle clé à jouer, c’est-à-dire de pouvoir aussi, quand je suis un proche et que je m’interroge sur la consommation de quelqu’un, savoir que je peux aussi m’adresser aux dispositifs qui existent.
C’est important.
Conseils à l’entourage : repérer, écouter et accompagner sans jugement
– Oui, justement pour les trois quatre minutes qui nous restent, j’aimerais qu’on donne quelques clés justement aussi aux personnes qui nous écoutent et qui sont dans ce fameux entourage. L’entourage de personnes, comme on dit dans le langage courant, qui « a un problème avec la cocaïne ». Que conseillerais-tu à cet entourage ? Alors ça peut être un ami, un collègue, un enfant ou un parent. Quels sont les signaux à repérer, mais aussi l’attitude à avoir, en fait. Beaucoup d’écoute.
– Alors. Exactement beaucoup d’écoute et si possible et je sais ô combien ce n’est pas si simple cette histoire-là, mais d’essayer d’être au maximum dans une forme de non-jugement.
Plus on va juger, et c’est toute la problématique et tout le phénomène de stigmatisation qu’il y a autour de l’usage des drogues, qu’est-ce qui fait que les familles aujourd’hui n’osent pas dire En fait, fondamentalement, on est tous concernés.
Simon, si je me permettais, je pense que la question de l’expérience, de l’usage de drogues et de troubles de l’usage autour de toi, tu l’as déjà vécue.
– Oui, ça, c’est quelque chose qu’on connaît, des drogues légales ou illégales…
– Bien sûr, mais il y a un tabou et il y a un tabou parce qu’en réalité, il y a quelque chose de très difficile à détacher de l’usage de drogues, qui est un discours moral qui est extrêmement présent et qui fait qu’en grande partie, il va y avoir quelque chose de teinté d’un jugement. Et donc dans la première intention de l’entourage, essayer d’entendre et de laisser place à Pourquoi cette expérience ? Qu’est-ce qu’elle apporte ? Qu’est-ce qu’elle vient dire ? Ne pas fermer tout de suite, avec la peur de l’addiction.
C’est extrêmement important parce qu’en fait, ça va permettre à la personne d’en parler, d’oser s’exprimer et in fine de pouvoir faire l’expérience que c’est bien, d’en parler, c’est positif et que, en réalité, ça ne menace pas la relation et que du coup, on va pouvoir avancer ensemble avec cet usage. Voilà.
– Cette posture d’écoute et de non-jugement qu’on a beaucoup entendu chez toi parfois, qui m’a fait te relancer parce que ça peut aussi. Donc, on comprend bien non-jugement, c’est-à-dire d’être, de y compris dans la notion d’accompagnement que tu donnais. C’est pour ça que je te relançais tout à l’heure, c’est-à-dire ça ne veut pas dire cautionner ni ni ni quoi que ce soit d’autre. C’est ça le non-jugement. Est-ce que tu peux le préciser un peu plus ?
– C’est ni banaliser, ni encourager. C’est simplement faire avec.
C’est se dire ça, ça fait partie de ça. Dire que l’humain a toujours consommé depuis la nuit des temps. C’est un néologisme. Oui, mais les animaux consomment aussi. Enfin, en fait, les substances ont toujours été là. Donc vivons avec. En fait, osons en parler. Nommons. Accompagnons. Si on ne nomme pas, si on n’accompagne pas, si on sanctionne, on ne peut rien en faire. – Vivre avec et agir et se tourner vers.
– Reprendre du pouvoir d’agir !
Ressources clés : Drogues Info Service, Oppelia et autres dispositifs
– Et se tourner vers les personnes qui aident à agir. Dont tu fais partie et les différents. Les différentes structures. Alors quand on ne sait pas à qui parler, on peut aussi signaler le numéro d’appel anonyme et gratuit qui existe en France. Il s’agit de Drogues Info Service. Il est joignable par téléphone, par tchat internet. Je mets le numéro de téléphone dans la description. Il est ouvert de huit heures à deux heures du matin. C’est important aussi d’avoir des accès très anonymes ?
– Oui, j’ai eu la chance d’y travailler, donc merci de faire référence à Drogues Info Service. C’est un service extrêmement précieux sur internet aussi, tous les dispositifs d’addictologie, vous les retrouvez grâce à Drogues Info Service. Vous pouvez renseigner votre adresse et vous trouvez les différents centres qui existent.
Donc, c’est un annuaire extrêmement précieux et ce sont des dispositifs d’écoute et d’orientation précieux aussi. C’est une porte d’entrée. Moi, je vous encourage à vous en servir vraiment et c’est complètement complémentaire. Ils ne pourront pas proposer d’accompagnement, évidemment, mais en tout cas, ils peuvent être un premier pied dans cette démarche-là. Donc effectivement, osez, osez vous renseigner, osez en parler autour de vous, Euh, honnêtement, on a effectivement, on a beaucoup de dispositifs, on en a que deux malheureusement qui sont les salles de consommation en France, est-ce qu’il y a de plus rare chez nous par rapport à nos voisins. En revanche, pour le reste, on est bien équipés et donc il ne faut pas hésiter.
– Naïra Meliava psychologue clinicienne, directrice de l’association Oppelia et administratrice de la Fédération Addiction, était dans Soluble(s) !
On peut retrouver toutes les ressources dans la description de l’épisode. Je sais que vous êtes aussi sur les réseaux sociaux.
Merci d’être passée dans Soluble(s).
– Merci beaucoup de votre invitation et merci de votre travail.
– Voilà, c’est la fin de cet épisode. Si vous l’avez aimé, notez-le, partagez-le et parlez en autour de vous. Vous pouvez aussi nous retrouver sur notre site internet, csoluble.media. À bientôt !
Simon Icard (rédigé avec IA)
TIMECODES
00:00 Introduction
01:53 Le parcours de Naïra Meliava
02:51 Comprendre le boom de la cocaïne en France
04:40 Les chiffres, la diffusion et les nouveaux marchés
08:17 Fête, travail et dopage social : Les usages
11:13 Les risques
13:40 Les troubles de l’usage et vulnérabilités
16:21 Fonction sociale et parcours d’addiction
19:06 Le poids des psychotraumatismes sur l’addiction
23:05 Sortie de l’addiction : étapes et solutions
24:01 Rôle des CSAPA et accès aux soins
28:02 L’accompagnement des proches
30:28 Le non-jugement
31:12 Drogues Info Service, ressources et orientation
32:43 Merci à Naïra Meliava !
33:24 Fin
POUR ALLER PLUS LOIN
- Visiter le site de l’association Oppelia
- Le site du dispositif Drogues Info Service, son chat et le 0 800 23 13 13 son numéro de téléphone anonyme & gratuit (France) : drogues-info-service.fr

Illustration : Unsplash
- La page consacrée à la Cocaïne du “Dico des drogues” de Drogues Info Service pour en savoir plus sur les effets secondaires et les risques pour la Santé de la prise de cette substance : https://www.drogues-info-service.fr/content/view/pdf/20288 (à télécharger en PDF)
Et aussi le site web de la Fédération Addiction: ICI.
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