[TRANSCRIPTION] Tortues marines menacées : les soigner et les préserver avec Florence Dell’Amico
Quatre des sept espèces de tortues marines répertoriées dans le monde naviguent dans les eaux françaises de la zone Manche-Atlantique. Elles sont protégées.
Affaiblies, trop jeunes ou victimes de la pollution, certaines d’entre elles s’échouent encore vivantes sur nos côtes. Lorsqu’elles sont recueillies, une course contre-la-montre débute, elles sont dirigées vers le Centre d’Études et de soins pour les tortues marines en Charente-Maritime.
Ce centre qui est basé à l’aquarium de La Rochelle est dirigé par Florence Dell’Amico.
Pour Soluble(s), la biologiste revient sur les périls qui pèsent sur ces spécimens souvent juvéniles et les moyens mis en œuvre pour les soigner dans le but de les remettre à l’eau.
Ce printemps 2024, le nombre de tortues secourues puis relâchées est sans précédent.
Ecoutez.
Transcription (automatisée)
Article source : Tortues marines menacées : les soigner et les préserver avec Florence Dell’Amico
Bienvenue dans un nouvel épisode de Soluble(s).
Aujourd’hui, je m’intéresse aux tortues marines et plus spécialement à leur rôle de témoin de la santé du vivant dans l’océan.
Et on va voir que ces certaines espèces sont en danger d’extinction, des gens s’affairent pour les préserver.
Bonjour, Florence Dell’Amico.
Tu es une scientifique, une biologiste.
Tu es la responsable du Centre d’études et de soins pour les tortues marines.
C’est un centre qui est basé à l’Aquarium de La Rochelle, en Charente-Maritime.
Et à ce titre, tu coordonnes également un réseau, le réseau Tortues Marine, un réseau de surveillance et de soins dans l’Atlantique Est.
Il s’étend de la frontière belge jusqu’à la frontière espagnole, le long des côtes.
On va donc tenter de tout savoir sur les tortues marines, en tout cas celles que tu observes et que tu soignes.
Tu nous diras quelles sont les menaces qui pèsent sur elles, comment se déroule la période de soins chez toi, dans ton centre, et ce qu’il se passe après.
Car le but est bien de les remettre dans l’océan, les remettre à l’eau pour qu’elles poursuivent leur route.
Et il faut dire que ce printemps 2024 est une année exceptionnelle en la matière et nous verrons pourquoi.
Mais d’abord, on veut toujours en savoir plus au début de l’émission sur l’invité.
Parle-nous un peu de ton parcours.
J’ai toujours été très intéressée par le milieu marin et la conservation d’espèces, notamment des espèces qui sont en danger d’extinction.
Donc les tortues marines sont apparues sur mon parcours et depuis, je suis restée dedans parce qu’il y a encore énormément de choses à découvrir sur ces espèces.
On a fait une scientifique, les tortues marines, on en dénombre sept d’espèces à travers le monde.
Quatre d’entre elles peuvent se retrouver en Europe.
D’où viennent les tortues qui naviguent sur la façade atlantique et dans la manche proche des côtes françaises ou au large?
La plupart ne naissent pas ici?
Non, effectivement, sur la façade manche atlantique, nous n’allons pas recenser de sites de ponte de tortues marines.
On va recenser principalement des tortues Luth qui vont venir s’alimenter spécifiquement sur nos côtes, et notamment dans les pertes du Charente.
Ce sont des espèces qui se nourrissent principalement d’organismes gélatineux, tels que les crosse-mellus? qu’on peut retrouver sur nos côtes.
Elles viennent vraiment les chercher.
Elles vont migrer sur de très longues distances pour venir s’alimenter de ces individus sur nos côtes.
C’est une population qui modifie principalement sur les plages de Guyane française et de Trinidad.
Ils vont entamer ces longues migrations pour venir jusqu’à chez nous à leur stade mature.
Ensuite, on va retrouver les trois autres espèces que vous avez évoquées tout à l’heure.
La tortue Caouanne, la tortue verte et la tortue de Kemp.
Elles vont venir sur nos côtes au cours de leur cycle de vie, mais au cours des premières années de leur vie, ce qu’on appelle les années perdues.
Une période qui peut durer une quinzaine d’années, mais on retrouve sur nos côtes des très petits individus et qui vont se retrouver perdus, déviés de leur route initiale par les courants et les tempêtes au large et les poussent en fait jusqu’à sur les côtes européennes où là elles vont expérimenter les températures hivernales qui peuvent les conduire à une mort.
Alors quelle est la santé de ces espèces?
En tout cas les quatre espèces dont on vient de parler, elles sont vulnérables, c’est certain, et certaines sont même classées en danger critique d’extinction.
Quelle est la situation que tu observes sur ton terrain en France?
Les critères de vulnérables, espèces en danger critique d’extinction, etc.
va se focaliser uniquement sur le nombre de tortues nidifiantes puisque c’est facile de les compter.
Au-delà de ça, nous n’avons aucune idée de ce qui se passe en mer pour les tout petits individus, mais également pour les mâles qui eux ne reviendront jamais sur les côtes.
Donc, on va avoir une idée de leur état grâce aux femelles qui vont venir nidifier sur les plages.
Donc, on n’a pas trop d’informations et nous, on travaille beaucoup plus sur les individus juvéniles au cours de cette période de leur vie où on connaît très peu de choses.
Donc, c’est pour cela aussi qu’on travaille beaucoup avec nos partenaires internationaux pour essayer de démystifier un petit peu cette période de leur vie que l’on appelle les Lost Years et en apprendre davantage sur cette période.
Donc après, notre suivi nous permet d’avoir une idée de la distribution spatio-temporelle des tortues marines sur nos côtes, de voir s’il y a plus ou moins d’échouage et également leur répartition spatiale.
Et surtout, ce qui est intéressant, c’est que les tortues marines sont des indicateurs de la qualité du milieu marin du fait qu’on va les retrouver aussi près des côtes qu’aux larges des côtes, qu’elles peuvent s’alimenter aussi bien en surface qu’en profondeur et également parcourir des grandes quantités de kilomètres.
Et d’ailleurs, c’est pour cela que la Directive Cadre Stratégie pour le milieu marin les a désignées pour l’indicateur déchet ingéré.
Donc, lorsque l’on va récupérer les tortues dans notre centre de soins, nous allons étudier leurs crottes qui vont nous donner une indication sur la présence ou absence de déchets.
Et sur les individus morts, on va également étudier l’ensemble de leurs tubes digestifs, ce qui va nous permettre également de comprendre quels types de déchets sont ingérés, quelles sont également les conséquences que peuvent avoir l’ingestion de ces déchets sur leur digestion et sur leur métabolisme, mais également de comprendre la place que vont prendre ces déchets dans le bol alimentaire.
Quand tu évoques les déchets, ça va du sac plastique qui flotte et qui se dégrade en mer jusqu’à des micro plastiques ou d’autres types de déchets.
Est-ce que tu peux nous expliquer?
Alors, les micro plastiques, ça va être encore très compliqué à les identifier.
Nous, on va travailler plutôt sur les déchets à partir de 1 millimètre.
Donc, on est plutôt sur des macrodéchets.
Et donc, effectivement, on va être sur des morceaux de déchets qui peuvent faire plusieurs centimètres à des fils de nylon et à des grosses quantités de déchets lorsque l’on va être plutôt sur des individus de grande taille, comme par exemple les torturus?.
Après, c’est très délicat lorsqu’on va retrouver un animal mort de déterminer très clairement la conséquence de l’ingestion du déchet sur l’animal si on ne voit pas une cause claire, c’est-à-dire par exemple une occlusion, un bouchon qui aura vraiment été létal pour l’animal.
Dans la plupart des cas, les déchets qui sont ingérés vont provoquer une dilution du bol alimentaire, c’est-à-dire que l’animal va ingérer des déchets, il ne va pas être capable de recracher ces déchets, il a une anatomie qui est vraiment très adaptée à l’alimentation sous l’eau, donc tout ce qui va rentrer ne pourra pas ressortir à moins que ce soit de l’eau de mer.
Et lorsque l’animal va ingérer ces déchets qui vont arriver dans l’estomac, l’estomac va travailler et donc l’animal va avoir cette sensation de s’être alimenté, en fait pas du tout et il va dépérir en fait, il va mourir de faim.
Et ce que l’on ne sait pas aussi, c’est l’impact du relargage de contaminants de ces différents déchets sur le métabolisme de l’animal.
On sait sur certaines études qui ont été réalisées que les polluants, les contaminants vont être transmis de la femelle à l’œuf, donc ça se transmet aussi de cette manière.
Et on sait également que ça peut conduire l’animal forcément, s’il ne s’alimente moins, il va grandir moins vite et donc atteindre l’âge de maturité sexuelle moins rapidement.
Et donc il va y avoir une diminution du taux de reproduction.
Alors les tortues marines, ce sont des tortues qui sont omnivores, à tendance carnivore.
Hormis pour la tortue verte, qui est l’âge adulte, va se spécialiser et va être herbivore.
Et va s’alimenter principalement sur les herbiers de posidonie marine.
Donc sinon les tortues marines sont plutôt des animaux qui sont opportunistes.
Donc ce qui explique aussi, comme il s’alimente aussi bien en surface, bien il va ouvrir la bouche et à ce moment-là, il va manger aussi bien les petites larves de poissons en surface, que également les morceaux de déchets qui vont flotter.
Donc on retrouve de nombreux types de déchets.
Ce qui est intéressant, c’est de voir avec le recul les couleurs qui vont être plus ingérées que d’autres.
Et donc ça nous donne tout un tas d’indications qui vont aider aussi les politiques publiques à prendre des décisions ultérieurement.
Oui parce que c’est 30 ans d’historique de données dans ton centre, plus encore.
Alors voyons comment les tortues se retrouvent précisément dans ton centre de soins.
C’est toute une mobilisation qui s’organise, prise accidentelle dans des filets de pêche, pollution, échouage sur les côtes.
Quelles sont les raisons principales?
Alors les raisons principales sont les échouages liés à l’hypothermie, au froid.
Donc les petites tortues sont des espèces qui sont ectothermes, c’est-à-dire qu’elles ont la température de leur corps qui est celle du milieu dans lequel elles se trouvent.
Et à partir de 15 degrés, elles vont être comme assommées par le froid.
Elles vont être assommées, elles ne vont plus être capables de lutter contre les éléments naturels.
Et en général, on est sur des petits individus, on parle de l’ordre de quelques centaines de grammes à quelques kilos, c’est vraiment des tout petits individus qui vont se retrouver flottant à la surface, à la merci, donc des vagues et des vents qui vont les conduire jusqu’à sur nos plages.
Donc lorsque les animaux vont arriver sur nos plages, des promeneurs vont les trouver et à ce moment-là ils les signalent à l’Aquarium de La Rochelle.
Et nous, en fonction du lieu de l’échouage, on va mobiliser nos correspondants locaux du réseau Tortues Marine Atlantique Est qui sont formés et habilités à intervenir sur ces animaux.
Donc une fois les animaux récupérés, on va les faire transiter le plus rapidement possible vers notre centre de soins, où là on va établir un état initial de leur état de santé, donc des mesures des poids qui vont être le point de départ de leur prise en charge, mais également une prise de sang, une radio, éventuellement un scanner.
Et on va voir que dans la plupart des cas, les tortues souffrent du froid, elles sont déshydratées, elles sont en hypothermie, elles ont des infections pulmonaires dans la plupart des cas.
Et donc il va falloir mettre en place un traitement qui est adapté à base d’antibiotiques, ça peut être également des antifongiques, ça peut être également des méthodes de contention par rapport aux fractures qu’elles peuvent se faire lorsqu’elles arrivent sur nos plages, qu’elles s’échouent un peu violemment par les vagues qui vont vraiment les propulser vers la plage.
Et parfois c’est des plages de Calais.
Et donc on peut mettre également en place des sciences d’ostéopathie pour certains animaux, pour qu’ils retrouvent un petit peu de mobilité.
Et on remarque d’ailleurs que ça leur fait du bien, parce que généralement les animaux qui présentent des fractures ou des pattes qui fonctionnent un peu moins bien, en général, ils vont plutôt compenser avec leurs autres pattes et leurs autres parties de leur corps.
Et donc on voit qu’ils sont un petit peu tordus.
Et donc à ce moment-là, l’ostéopathie va leur faire énormément de bien, puisque ça va leur permettre de tout remettre en ordre et donc de pouvoir repartir en bon état.
Alors tout ça, tous ces soins, donc on imagine et on comprend avec la température de l’eau, notamment que c’est plutôt à la saison fraîche, froide, à l’hiver n’importe où que ces tortues arrivent.
Elles séjournent au chaud chez vous, chouchoutées, dans le but évidemment de les remettre à l’eau.
Peux-tu nous décrire justement ces moments de remise à l’eau?
C’est un véritable aboutissement, c’est un moment joyeux, comment ça se passe?
En général, avant la remise à l’eau, on fait de nouveaux examens pour vérifier l’état qui s’est bien amélioré pour chacune des tortues.
On refait de nouveau des prises de sang, des radios, etc.
Ce qui confirme également nos observations sur les tortues dans le centre de soins.
On diminue la température de l’eau des aquariums dans lesquels elles se trouvent pour être semblables à celles du milieu dans lesquelles elles vont retourner.
Et puis, on va introduire au fur et à mesure des proies vivantes, généralement des crabes parce que ce sont des petits animaux mobiles, donc forcément ça va favoriser leur chasse.
Et puis, on va les équiper d’une puce électronique qui va comporter un numéro unique et qui va être capable d’identifier, enfin chaque individu va être identifié de cette façon, de manière à ce que si l’animal se retrouve à nouveau quelque part, on puisse avoir une idée de son parcours.
Et certaines d’entre elles, les plus grandes, vont être équipées d’un émetteur satellite.
Et grâce à cet émetteur, on va pouvoir justement enregistrer ces déplacements en temps quasi réel, et ce qui va être encore plus intéressant du coup pour nous, puisqu’on va coupler ensuite ces informations-là avec des données environnementales, telles que la hauteur de mer, telles que la température de l’eau de mer, la concentration de l’orophile, enfin tout un tas de paramètres environnementaux.
Et grâce à ça, on va pouvoir comprendre quels sont les facteurs qui influencent le plus leur déplacement.
Donc on les équipe.
Et ensuite, le jour J, le jour de la remise à l’eau, on les sort de leur aquarium, on les dispose dans des caisses de transport.
Et ensuite, on les amène jusqu’à la plage de leur remise à l’eau, où là, elles vont être posées sur le sable.
Et ensuite, elles repartent sous les yeux émerveillés des scolaires que l’on invite aussi à participer à ces retours à l’océan.
Puisque c’est également l’objectif de notre aquarium et également de notre centre de soins, c’est d’éduquer à la préservation et à la sensibilisation du milieu marin.
Alors on se pose la question, enfin je suis sûr que les auditeurs se posent aussi la question comme moi, lorsqu’on remet une tortue sur une plage à l’eau, c’est elle qui choisit la direction qu’elle va prendre.
Que montrent les données que vous avez recueillies par satellite?
Est-ce qu’il y a des directions privilégiées?
Ou comme tu le disais un peu tout à l’heure, c’est par opportunisme?
Que fait-on à ce sujet?
C’est ce qui est intéressant, c’est de voir qu’il y a différentes stratégies qui sont adoptées selon la taille des individus que l’on va remettre à l’eau.
Par exemple, les plus grands individus, on a vu qu’ils ont pu repartir vraiment très au large des côtes, et vraiment en plein ouest.
C’est ce qui leur a permis de pouvoir rejoindre par exemple les Açores, Bermudes, et qui sont des zones proches des sites de ponte qui peuvent être situées en Floride, que l’on connaît, puisque les populations que l’on retrouve sur nos côtes viennent des sites de ponte de Floride du Sud et du Cap-Vert principalement.
Et puis, on a également les plus jeunes individus qui eux vont rester à tourner dans le golfe de Gascogne, à s’alimenter.
On a également des individus qui eux vont migrer plein sud, et puis d’autres qui vont migrer plein nord.
Et donc là, on acquiert encore beaucoup plus d’informations, puisque justement, jusqu’à là, on se disait que 15 degrés, c’était vraiment la température à partir de laquelle elle commençait à être sommée par le froid.
Et finalement, on se rend compte qu’elles peuvent même aller jusqu’à 12 degrés, et elles continuent à nager.
Et puis, on se rend compte que oui, les animaux s’alimentent sur nos côtes, et ça, c’est d’autant plus intéressant, puisqu’avec justement les modifications qui peuvent être engendrées à l’échelle globale, on peut s’attendre effectivement à retrouver davantage d’individus, à être une zone d’alimentation pour ces individus sur nos côtes.
Tu fais référence au réchauffement climatique, en tout cas au réchauffement des eaux.
Oui, au dérèglement climatique.
Disons que le dérèglement va avoir comme conséquence également d’engendrer d’autant plus de tempêtes, beaucoup plus de modifications de l’environnement qui vont conduire d’autant plus les petites tortues à venir séjourner dans nos eaux.
Et puis, comme ce sont des individus qui sont ectothermes, comme je le disais, ils sont étroitement liés avec la température de leur environnement.
Donc, on suit avec attention les modifications de leur comportement et en tout cas, avoir ce type d’informations, ça ne peut que nous apporter d’autant plus de précisions sur leur lieu d’alimentation, leur lieu de fréquentation, et autant d’éléments qui vont nous indiquer quelles sont les zones à mettre en protection.
Le centre d’études et de soins est donc un centre d’études et de soins, comme son nom l’indique, la recherche, la science, mais aussi les soins.
Avec l’historique des données, avec le recul, tu disais que la situation s’améliore ou s’aggrave au large de la Côte française, même si on a compris qu’il était difficile d’avoir une vision globale.
Oui, c’est délicat.
Après, ce qui est intéressant, c’est de voir que grâce aux mesures de conservation qui ont été prises en certaines zones de l’Atlantique Nord, il y a eu un grand nombre de tortues qui sont revenues nidifier en Floride du Sud et au Cap-Vert.
On n’a jamais eu autant de pontes signalées en 2023.
Donc, c’est très intéressant.
Il peut être probablement davantage d’individus présents dans l’Atlantique Nord.
Ce qui explique aussi pourquoi autant d’individus ont été recrutés dans nos eaux, donc c’est plutôt une bonne nouvelle.
Ensuite, ce qui est plus problématique, c’est effectivement toute cette pollution que l’on peut voir qui provoque des problèmes, des pathologies sur les tortues marines qu’on va rencontrer et puis également toutes les autres activités anthropiques qui peuvent causer la mortalité de certains individus.
Donc, il y a encore énormément de choses à apprendre sur les tortues marines, notamment sur l’impact du bruit sur les tortues marines, l’impact de toutes les activités nautiques.
Voilà, il y a beaucoup de choses qui sont encore à apprendre.
Tout un champ d’études.
Alors, tu disais que ce sont des bio-indicateurs, des indicateurs de la vitalité des écosystèmes marins.
Mais tu dis aussi que les tortues marines sont des espèces parapluies.
J’ai lu ça en préparant cette conversation.
Qu’est-ce que cela veut dire?
On parle d’espèces parapluies pour une espèce qui, elle, bénéficie de grandes mesures de conservation.
Et ce sont des espèces qui sont en général très emblématiques, des espèces qui sont en haut de la chaîne alimentaire.
Et donc, forcément, si on protège cette espèce, cela va bénéficier également aux espèces qui sont moins mises en évidence, moins mises en avant et qui pourront tout autant bénéficier de cette protection.
Ça abrite la conservation des autres espèces.
Le Centre d’études et de soins existant depuis 30 ans.
Quels sont les travaux et projets à venir?
Sur quoi doit encore progresser la connaissance?
Même si tu nous as donné des éléments, est-ce qu’il y a quelque chose qui te tient particulièrement à cœur pour progresser dans la connaissance?
Je sais que vous travaillez aussi en concertation au niveau européen.
Oui, tout à fait.
L’objectif, c’est qu’on travaille sur des espèces qui migrent, qui n’ont pas de frontières.
L’objectif est vraiment de mutualiser les connaissances et les compétences des différents pays et des différentes structures qui vont travailler sur les tortues marines à travers les différents pays pour avoir une réponse commune et adopter une stratégie commune pour faire en sorte d’aboutir à une conservation de la population à une échelle globale.
Il ne s’agit pas de travailler uniquement sur nos côtes.
À côté, ils n’ont pas du tout la même méthodologie ni la même approche pour collecter l’information.
Il faut vraiment qu’on s’accorde à collecter le même niveau d’information, qu’on soit au même niveau et apporter une mesure de protection ensemble et qui soit effective et mise en œuvre vraiment.
Que tout le monde s’accorde à ça.
Et puis, au-delà de ça, on se pose encore beaucoup de questions sur qu’appelle-t-on le bon état de santé d’une tortue marine.
C’est encore quelque chose qui est très nouveau de s’intéresser à cela.
Avant, on regardait l’animal, est-ce qu’il plonge, est-ce qu’il mange?
Ça nous suffisait pour savoir, est-ce que l’animal va bien?
Puisque quand l’appétit va, tout va.
Sauf que, avec la multiplication des examens que l’on va réaliser, on se rend compte qu’on a qui est un peu plus de connaissances.
On peut faire énormément de choses avec très peu.
Par exemple, avec un échantillon de sang, on va pouvoir faire de la génétique, on va pouvoir faire de l’étude en contamination.
On va pouvoir déterminer si l’animal souffre d’une inflammation qu’on détecterait pas avec une autre analyse.
Donc c’est tout un tas de paramètres qu’on essaie d’explorer.
Et l’objectif étant aussi de mettre à disposition des protocoles pour les autres centres de soins.
Si eux n’ont pas forcément les mêmes moyens que nous, puisque ce sont surtout des associations qui vont intervenir auprès des tortues marines, et donc de leur apporter des solutions pour prendre en charge rapidement et efficacement une tortue sans mettre des centaines de milliers d’euros sur la table pour la soigner, mais avoir des moyens pratiques et très faciles pour tout de suite savoir de quoi l’animal souffre et de quoi il a besoin pour le soigner et le remettre à l’eau.
La dernière question que je me pose, et je sais aussi que les auditeurs se la posent, c’est comment on peut aider à préserver les tortues marines du point de vue individuel lorsqu’on n’est pas biologiste ou acteur de l’environnement marin?
As-tu des conseils à nous donner?
Est-ce que c’est dans notre mode de vie à terre qu’on peut aussi limiter l’impact des menaces et les menaces qui pèsent sur les tortues?
Étant donné que tout ce qui vient de la terre va en mer, on a tous notre rôle à jouer dans cette préservation.
Comme on le disait tout à l’heure, ce sont des espèces parapluies.
Tout ce qui permettra de sauver les tortues marines permettra également de sauver les autres espèces qui, elles, vont être plus au fond des océans.
On s’occupe beaucoup moins, mais qui sont indispensables pour la survie des écosystèmes et donc, au final, notre propre survie à nous.
Il est important de faire tous les bons gestes, c’est-à-dire limiter sa consommation, ou en tout cas mieux consommer.
Et puis également, en tout cas ce qui concerne les tortues marines, signaler une observation de tortues marines ou signaler un comportement qui est inadapté face à une tortue marine.
On se trouve dans une période où il est très facile de voyager, à moindre coût, donc bien évidemment il va y avoir une pression touristique dans les eaux.
Et il faut savoir que le dérangement des tortues marines est vraiment reconnu comme étant une pression sur ces espèces et passible d’une amende.
Donc éviter de s’approcher trop près d’un animal, ça permet également de protéger la tortue et son habitat.
Florence Dell’Amico, biologiste responsable du centre d’études et de soins des tortues marines à l’Aquarium de La Rochelle.
Je signale évidemment que le public peut visiter l’Aquarium de La Rochelle, alors pas le centre de soins, mais l’Aquarium est un endroit parfait pour prolonger ses connaissances et s’immerger dans tout cet univers.
Merci Florence d’être passée dans Soluble(s).
Voilà, c’est la fin de cet épisode.
Si vous l’avez aimé, notez-le, partagez-le et parlez-en autour de vous.
Vous pouvez aussi nous retrouver sur notre site internet.
csoluble.media
A bientôt.
POUR ALLER PLUS LOIN
- Visiter le site du Centre d’Études et de soins pour les tortues marines de l’Aquarium de La Rochelle.
- Voir aussi : Que faire en cas de découverte d’un animal marin échoué et qui contacter ?
TIMECODES
00:00 Introduction
01:34 Le parcours de Florence Dell’Amico
02:15 Manche-Atlantique d’où viennent les tortues marines ?
03:53 : Vulnérables, en danger d’extinction, une difficile analyse de la situation des tortues en mer
06:18 Les déchets flottants, un véritable danger
08:17 Leur alimentation
09:35 Les principales causes de l’échouage des tortues en Manche-Atlantique
12:38 Les soins avant la remise à l’océan des tortues recueillies
15:18 Où vont les tortues remises à l’eau, dans quelles directions ?
18:18 La situation en 2024
20:06 Les tortues marines sont des espèces “parapluies”
21:01 Une coopération scientifique en Europe pour des réponses communes
23:51 Tout le monde peut jouer un rôle (à terre notamment)
25:08 Merci à Florence Dell’Amico !
Fin
Propos recueillis par Simon Icard.
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Ecouter aussi
GLACIERS : Les protéger et conserver la vie qui arrive déjà (avec la fonte…)
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