[TRANSCRIPTION] Au fait, ça sert à quoi d’élire un Parlement européen ? Avec Audrey Vuetaz
Si loin, si proche. L’Europe est l’échelle de nombreux enjeux d’actualité, pourtant le rôle et le fonctionnement de son Parlement peuvent paraître éloignés de nos préoccupations quotidiennes, à tort. Alors que près de 450 millions de citoyens européens sont appelés à élire leurs eurodéputés entre les 6 et 9 juin 2024, Soluble(s) a recherché des réponses pour mieux comprendre l’importance du Parlement européen.
Écoutez cet épisode concret et pédagogique réalisé avec Audrey Vuetaz, journaliste passionnée. Elle est la créatrice du podcast Trait d’Union, un programme audio d’information et de vulgarisation sur l’Europe.
Article original : Au fait, ça sert à quoi d’élire un Parlement européen ? Avec Audrey Vuetaz
Transcription (automatisée)
Bienvenue dans un nouvel épisode de Soluble(s).
Aujourd’hui, je me demande à quoi ça sert d’élire un Parlement européen.
Je recherche des ressources pour le savoir.
Ne vous découragez pas, j’ai invité quelqu’un qui sait en parler sans prise de tête.
Bonjour Audrey Vuetaz.
Bonjour.
Tu es une journaliste politique.
Tu travailles en France pour la chaîne de télévision parlementaire Public Sénat.
Tu es aussi la fondatrice d’un podcast d’information et de vulgarisation.
100% consacré à l’Union européenne.
Ton émission s’appelle Trait d’Union.
Tu nous diras pourquoi tu t’es lancée dans cette aventure.
Et tout au long de notre conversation, tu vas nous aider à y voir plus clair justement sur le rôle des députés européens que les 420 millions de citoyens de l’Union vont élire en juin 2024.
Alors ça concerne plein de domaines.
On va les détailler dans l’épisode.
Les libertés, la sécurité, la justice, le commerce extérieur, la fameuse politique agricole commune et plus encore la politique environnementale.
Alors, on ne va pas être exhaustifs, mais on va chercher des clés, donc des ressources et l’occasion de comprendre l’importance que l’Europe joue dans de nombreux sujets qui font l’actualité, le tout dans un contexte où les électeurs ne connaissent pas forcément le rôle du Parlement européen dans ce vaste ensemble démocratique composé de 27 États membres dont la France évidemment.
Mais d’abord, on a envie d’en savoir un peu plus sur toi, qu’est-ce qui t’a conduit à devenir une journaliste et aussi à consacrer un podcast à 100% à l’Union européenne.
Alors pourquoi j’ai voulu être journaliste, ça, je ne saurais pas vraiment te répondre.
C’est quelque chose qui s’est un petit peu construit au fil du temps, mais il n’y a pas un moment où je me suis dit tiens, je veux être journaliste.
Mais j’ai fait une école de journalisme et au début, je n’étais pas du tout intéressée par les sujets européens, loin de là.
Je me souviens d’ailleurs qu’à l’école de journalisme, on avait été invités par la Commission européenne à visiter les institutions pendant deux jours.
Et en fait, je m’étais ennuyée.
Je pensais qu’il y a une chose, c’était d’aller visiter Bruxelles parce qu’on était à Bruxelles pour le coup pour ses visites.
Et ça ne m’a pas du tout marquée.
Je continue mon petit bonhomme de chemin dans le métier de journaliste.
Donc là, je deviens journaliste et je bosse pour différents médias.
Donc, le média pour lequel je travaille à l’époque, c’était la publique Sénat, me demande de couvrir les élections européennes, de couvrir la candidate Manon Aubry.
C’était Jaël à l’époque.
Et de faire des sujets un peu pédagogiques pour expliquer l’Union européenne, dans les grandes lignes, ce que ça fait dans la vie de tous les jours.
Et là, je commence à potasser et je me rends compte qu’en fait, j’en sais rien.
J’en sais rien.
Je connais un petit peu la PAC, Erasmus.
Je suis jamais allée en Erasmus.
Mais voilà, c’est les grosses politiques qu’on connaît.
Je me dis, je propose un sujet en me disant, tiens, on va suivre toute une journée des députés européens, on va se mettre dans leur ombre et savoir un petit peu ce qu’ils font.
Donc là, je cherche des députés européens un peu actifs.
À l’époque, il y avait des sites qui montraient qu’ils étaient les plus actifs au Parlement européen.
Et je me rends compte qu’en fait, des eurodéputés, j’en connais pas.
J’en connais quelques-uns, mais ceux qui ne viennent pas trop, qui sont plus politiques et ceux qui travaillent, je n’en ai jamais entendu parler.
Et donc finalement, je décide de suivre deux eurodéputés que je découvre et qui essayent de m’expliquer les institutions.
Et là, je me suis rendue compte de mon niveau de lacunes, alors que je suis journaliste, et je me suis dit, si moi, je n’y connais rien, je suis sûre qu’il y a plein de gens comme moi.
Donc ça commence un petit peu à faire un truc dans ma tête.
Je me dis, en plus, moi, j’aime bien expliquer les choses.
Il y a plein de manières de faire de journalisme et expliquer les choses, moi, je trouve que c’est hyper important et c’est vraiment ce qui me passionne.
Et donc ça fait son petit bonhomme de chemin.
Et puis, au fur et à mesure, j’essaye de me renseigner sur les sujets européens.
Mais en fait, ça fait un peu peur.
On parle des institutions, moi, j’y comprenais rien.
Il y avait le Conseil européen, le Conseil de l’Europe, le Conseil de l’Union européenne.
Et puis, j’avais l’impression que les journalistes spécialistes du sujet, c’étaient vraiment des experts et j’avais un peu ce…
Je ne me sentais pas forcément hyper compétente.
Et là, je me suis dit, en fait, je vais faire un podcast, alors un podcast parce que j’en écoute beaucoup, pour expliquer l’Union européenne de manière très simple.
Et moi, ça va me permettre de comprendre, moi aussi, l’Union européenne et finalement de me former d’une certaine manière.
Mais je veux vraiment l’expliquer aux gens qui ont l’impression que c’est trop compliqué et pas avec des mots d’expert, parce que ça, en fait, c’est ce qui m’a fait le plus peur.
Alors merci de venir dans cet épisode.
On va employer ta méthode et tu vas nous aider à mieux comprendre.
On vient donc à ces élections européennes.
Elles ont lieu entre le 6 et le 9 juin 2024.
Pour les électeurs français, le jour du vote est fixé au dimanche 9 juin.
Alors déjà, on dit élections européennes au pluriel, mais tout se joue en un seul vote, en un seul tour.
Oui, c’est élections européennes parce qu’en fait, on vote dans les 27 pays.
Mais en effet, en France, il n’y a qu’un tour.
C’est le 9 juin.
Et en fait, c’est vrai qu’on dit que ça se passe du 6 au 9.
Mais c’est parce qu’en fait, dans différents pays de l’Union européenne, on vote pas le même jour.
Par exemple, je donne un exemple très simple.
Au Pays-Bas, le dimanche, on n’y touche pas.
C’est une tradition plutôt religieuse et en fait, historiquement, on ne vote pas le dimanche.
Le dimanche, c’est fait soit pour aller à la messe, par exemple, ou pour se reposer.
Donc, normalement, on vote en semaine.
Donc, normalement, on vote plutôt le mercredi parce que les écoles sont fermées et ça permet d’aller dans les isoloirs.
Bon, là, ça aurait été trop long qu’on vote du mercredi au dimanche parce que nous, en France, on vote le dimanche, donc on vote du vendredi au dimanche dans l’Union européenne.
Mais en France, on applique nos règles à nous et on vote le dimanche 9 juin et on vote que le dimanche 9 juin.
N’attendez pas un second tour, il n’y en aura pas.
Donc, ce serait quand même dommage de se dire, bon, je verrai qui y a au second tour.
Il n’y a pas de second tour.
Donc, on vote le 9 juin.
Alors, élection à la proportionnelle, un seul tour de vote le dimanche 9 juin 2024.
Les auditeurs ont peut-être en tête l’image d’un bâtiment vitré à la forme circulaire qui s’élève sur plusieurs étages.
Quand on prononce le terme Parlement européen, c’est à Strasbourg, ville quasi frontalière avec l’Allemagne, que les électeurs vont envoyer 81 euros de députés.
Ça, c’est pour le contingent français.
Chaque pays, évidemment, représentait à proportion de sa population.
Les députés européens sont élus au suffrage universel direct.
Mais si chaque pays vote pour des représentants nationaux, les élus ne sont pas réunis par nationalité.
Ils vont composer des groupes politiques.
Est-ce que tu peux nous expliquer ce point?
C’est comme au Sénat ou à l’Assemblée nationale en France, par exemple, c’est un Parlement politique.
Oui, avec différentes couleurs politiques.
Alors, il y a sept groupes politiques pour l’instant au Parlement européen.
Et en fait, chaque eurodéputé français qu’on va élire va aller siéger dans un de ces sept groupes.
Je vous donne quelques exemples.
Manon Aubry et toutes les personnes qui vont être élues avec elle, je parle d’elle parce que c’est la tête de liste.
Si elle fait plus de 5%, elle va aller, elle est LFI et elle va aller au groupe The Left.
Et en fait, il y a un groupe pour chaque couleur politique qu’on va désigner.
Par exemple, les Macronistes, eux, ils vont aller siéger au groupe Renew.
Et par exemple, Jordan Bardella, il ira au groupe Identité et Démocratie.
En fait, on ne siège pas que par nationalité, on siège par couleur politique.
Les partis politiques, ça a été créé, on va dire à peu près dans les années 80.
Et c’était pour essayer de rassembler les différentes forces politiques européennes.
Donc, en fait, par exemple, les LR, ils ne sont pas tout seuls.
Ils sont avec tous les gens de la droite européenne.
Ça s’appelle le PPE.
Et donc, en fait, c’est comme ça qu’on pèse.
Mais dans ces groupes politiques, il y a des moments quand on va gérer des sujets, par exemple, parler de la forêt.
Là, il peut y avoir des divergences selon les nationalités.
Mais en général, on réfléchit plus de manière politique au Parlement européen, avec parfois des petites subtilités.
Quand on parle de la priorité d’un pays, par exemple, le nucléaire, bon, les Français ne vont pas voter pareil que les Allemands, même s’ils sont au sein d’une même groupe politique.
Et c’est là qu’il faut s’accrocher un peu.
C’est parce qu’il y a à la fois cette dimension politique, les nationalités et vingt-sept pays différents.
Donc en fait, c’est comme si on regardait une carte en 4D.
Alors voyons donc cette carte en 4D dans le détail, le rôle du Parlement.
Alors qui, du Parlement, dit vote de la loi.
Les lois européennes sont aussi connues sous le nom de directives.
On va en parler dans un instant de ce rôle législatif du Parlement.
C’est le plus connu finalement.
Mais ce n’est pas son seul rôle.
Il y en a deux autres.
Il contrôle l’action de la fameuse Commission européenne.
Et j’ai envie de dire surtout, il a un troisième rôle qui est crucial.
C’est au niveau du budget de l’Union européenne que cela se passe.
Est-ce que c’est sur ce point que l’on peut dire que c’est un véritable Parlement, le Parlement européen?
Oui, parce que c’est comme en France, l’Assemblée nationale et le Sénat, ils votent le budget.
Donc en gros, on leur propose un budget.
Après, ils décident de le voter ou pas.
Moi, là où j’insisterai, c’est sur le fait que des fois, on peut se dire, ça sert à quoi que j’élise des députés, des eurodéputés, je ne sais pas trop à quoi ça sert.
De toute façon, tout est décidé à Bruxelles, c’est la Commission qui décide.
Mais en fait, tu l’as dit, le Parlement européen, il est capable de faire démissionner une Commission.
Et il l’a déjà fait à la fin des années 90.
En fait, il a ce pouvoir.
Il peut dire, en fait, là, les commissaires, donc la présidente de la Commission européenne, actuellement, c’est Ursula on der Leyen, les gens la connaissent de nom, et ils peuvent dire, là, en fait, on n’a pas aimé ce que vous avez fait pour telle ou telle raison.
Et en fait, ils peuvent les pousser à la démission.
Et c’est quand même un gros pouvoir de contrôle.
Parce que c’est comme si le Parlement en France, donc l’Assemblée nationale et le Sénat, faisaient démissionner le gouvernement.
Donc c’est quand même hyper important.
Et un autre truc important, c’est que les commissaires, donc c’est comme si c’étaient des hyperministres.
On a un hyperministre de l’industrie, on a un hyperministre de l’écologie.
Ils doivent montrer patte blanche devant le Parlement européen.
Ils vont être auditionnés et le Parlement peut dire, ben non, mais toi, je ne veux pas que tu sois élu.
Ça est déjà arrivé en 2019 avec la candidate Macroniste Sylvie Goulard.
En fait, elle avait un petit peu des affaires et les parlementaires ont dit, ben non, nous on ne veut pas qu’elle devienne commissaire européenne.
Donc ils ont rejeté sa candidature et on a dû en trouver un autre.
On a trouvé quelqu’un d’autre qui s’appelle Thierry Breton.
Donc ça montre quand même à quel point le Parlement, c’est important.
C’est important de voter parce qu’en fait, il a ce pouvoir de contrôle sur l’exécutif européen, comme s’il contrôlait les ministres.
Oui, comme si les parlementaires contrôlaient, parce qu’il y a déjà le cas dans beaucoup de parlements d’ailleurs.
L’action du gouvernement, là le gouvernement, on simplifie, c’est la Commission européenne.
Je reviens en un mot sur cette question de budget.
2021-2027, c’est sur cette période de temps que s’étalent les fonds connus à l’avance dans des spots de l’Union européenne.
Ils sont plafonnés.
Je donne le chiffre parce que c’est assez important.
A 1074,3 milliards, auquel il faut ajouter 750 millions du plan de relance qui a été voté à l’issue de la crise du Covid.
C’est tout cet argent qui est ventilé par domaine pour financer les actions et le fonctionnement de l’Union européenne.
On disait tout à l’heure, on connaît bien la PAC, la politique agricole commune, il y a d’autres domaines.
Je vais en citer quelques-uns, l’Action extérieure de l’Europe, c’est pour aider au développement, l’aide humanitaire, la recherche, l’innovation, des programmes d’investissement, le célèbre programme de mobilité des étudiants dont tu parlais, Erasmus+, mais parlons des deux autres gros domaines qui animent le débat public et qui sont peut-être la face la plus visible de l’actualité européenne.
Je veux parler de la politique de migration, mais aussi, là ce n’est pas visible dans le débat public, mais dans le quotidien des gens, c’est ce qu’on appelle la politique européenne de cohésion.
Alors derrière ces mots, il y a ce qu’on pourrait appeler les grands travaux en fait.
Oui, et c’est ce qu’on connaît peut-être le moins, mais c’est ce qui est visible dans notre vie de tous les jours.
Je parle de la politique de cohésion.
En fait, comme on est un marché commun, comme on est une zone commune, l’idée, c’est d’aider certains pays ou certaines zones géographiques un peu plus isolées, par exemple en France, nos zones rurales, à se développer avec par exemple, je ne sais pas, à construire des réseaux ferrés ou construire des routes ou construire des pistes cyclables, par exemple pour la mobilité.
Et en fait, cette politique de cohésion, ça permet d’harmoniser un petit peu les choses au niveau européen.
Et ça, c’est ce qu’on voit concrètement dans la vie de tous les jours, même si on ne le perçoit pas forcément.
Ça peut être, voilà, je l’ai dit tout à l’heure, la construction d’une piste cyclable.
Ça peut être aider à la rénovation d’une forêt.
Ça peut être, il y a énormément de domaines.
Là, je sèche un peu, mais par exemple, la Dunkerque, ça permet de créer des transports, des réseaux de bus.
Ça permet de faire en sorte que les usines, elles polluent moins.
Donc voilà, c’est vraiment une très grosse partie du budget qui consiste à harmoniser les choses au niveau européen.
Alors évidemment, il y a des pays qui sont peut-être un petit peu moins développés que nous, qui bénéficient plus de cet argent, mais on en bénéficie en France pour harmoniser les choses et faire en sorte que les territoires un petit peu plus isolés soient un petit peu plus mis en avant.
Et puis, pour ce qui est de la politique migratoire, en fait, on a décidé de mettre en commun ce qu’on appelle les demandes d’asile.
Donc, en fait, quand il y a des personnes qui vont arriver de manière irrégulière pour demander l’asile, ça s’est traité au niveau européen.
Et là, il vient d’avoir un texte qui vient d’être voté et qui va faire en sorte qu’on construise aux frontières de l’Union européenne des centres qui vont ressembler en fait à des aéroports.
C’est-à-dire que vous allez dedans, la personne qui demande l’asile est reçue à l’intérieur, ce qui peut traiter un peu polémique parce qu’il y aura aussi des enfants.
Et en fait, c’est comme si elle n’était jamais entrée sur le territoire européen.
Ça consiste, c’est comme un aéroport.
Et là, on va traiter son dossier en fonction de sa nationalité.
Et donc voilà, le budget de l’Union européenne, en fait, il est mis en commun sur certains sujets.
Et sur d’autres sujets où les États préfèrent garder la main, là, ils vont vraiment agir état par état.
Il y a des sujets sur lesquels on harmonise les choses, en l’occurrence, la politique migratoire.
Même s’ils ne proposent pas directement les lois, les élus du Parlement européen, c’est un rôle qui est réservé à la Commission européenne.
Les eurodéputés doivent donner leur accord sur la majorité des lois européennes.
C’est bien là toute l’importance de leur pouvoir législatif.
Ce pouvoir législatif, c’est la partie un peu compliquée, mais facile à décrypter.
C’est ce qu’on appelle la co-décision.
En fait, ce sont les élus qui ont été choisis par les citoyens au Parlement européen, qui votent les lois, mais ils ne sont pas les seuls à les voter.
Il y a aussi les États qui sont réunis dans le Conseil de l’Union européenne.
Est-ce que c’est ça aussi qui donne, pour la journaliste que tu es, de la saveur à l’actualité européenne?
Oui, et c’est à la fois intéressant et c’est à la fois ce qui est un peu embêtant pour faire comprendre l’Union européenne.
Parce qu’en fait, quand il y a un texte, je ne sais pas, on va dire qu’on va faire en sorte qu’on soit plus écologique.
Donc ça, on le décide en 2020 par exemple.
Entre le moment où on dit qu’on va faire cette loi et le moment où elle est finalement adoptée, il va se passer en moyenne deux ans, deux ans et demi avec des revirements.
Ce qui fait que c’est un peu compliqué pour les gens à comprendre.
Parce qu’ils vont se dire, mais attends, mais ça, on ne l’avait pas déjà voté il y a deux ans?
Bah non, c’est parce qu’en fait, il y avait tout le travail législatif qui était en train de se faire en attendant.
Donc c’est vrai que ça, c’est un petit peu compliqué.
Il faut se dire qu’en fait, on est censé mettre 27 États d’accord.
Donc ça prend du temps.
Tout le monde a un petit peu sa carte à jouer, il faut négocier.
Et donc, peut-être que vous avez entendu parler de quelque chose il y a deux ans, mais finalement, ça n’aboutit que maintenant, après moult revirements.
Et donc c’est vrai que ça, c’est un petit peu compliqué à saisir.
Alors le Parlement européen, il est co-gélislateur, ça veut dire que la Commission européenne, elle va faire une proposition de loi et ensuite, elle va la soumettre au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne, comme tu l’as très bien dit.
Et le Conseil de l’Union européenne, c’est les ministres du sujet concerné.
Par exemple, si c’est une loi sur l’immigration, ce sera Gérald Darmanin qui va siéger dans ce Conseil avec les 26 autres ministres de l’Intérieur.
Et donc, ce texte, il arrive à la fois au Parlement et à la fois au Conseil de l’Union européenne.
Et chaque institution, c’est un petit peu comme l’Assemblée et le Sénat, va potasser sur le projet de loi en disant moi je rajouterai bien ça, moi j’enlèverai bien ça.
Et donc, tu as à la fois les députés européens que le peuple a élus et tu as à la fois les ministres des États membres sur les sujets concernés.
Parce qu’en fait, comme on est une association de pays, les pays ont toujours leurs mots à dire à tout moment.
Et en fait, ce que j’aime bien dire, c’est que le Parlement européen, souvent, il est un petit peu plus progressiste que les États membres eux-mêmes, même si ça, on ne le sait pas forcément.
Par exemple, sur les sujets écologiques, souvent le Parlement, il essaye d’aller un petit peu plus loin et les États membres, ils freinent un peu des cas de fer parce que c’est compliqué à faire accepter dans les pays, dans les différents pays.
Et puis, on n’est pas tous autant avancés.
Par exemple, les Polonais, ils ont encore beaucoup de centrales à charbon.
Nous, c’est vrai qu’on ne se rend pas compte, on n’a pas vraiment de centrales à charbon sur notre territoire.
On a misé sur le nucléaire et voilà, il faut mettre tout le monde d’accord.
Pourquoi ça prend du temps?
C’est parce que le Parlement, il doit faire ses modifications et les ministres, ils doivent faire leurs modifications aussi chacun de leur côté.
Et ensuite, ils se réunissent et ils se disent, bon, ben, toi, t’as changé quoi?
À toi, t’as changé quoi?
Et là, ils doivent arriver, donc, renégocier un texte commun.
Donc ça, ça prend du temps.
Et donc, c’est la raison pour laquelle, ben voilà, voter une loi au niveau européen, ben ça prend vraiment beaucoup de temps.
Mais vous aurez remarqué que les États membres, ils ont toujours leurs mots à dire.
Et c’est vrai que quand on dit Bruxelles impose quelque chose, ben c’est pas vraiment vrai parce que vraiment, tout au long du processus, les ministres, les chefs d’État, ils ont toujours leurs mots à dire.
Oui, d’autant que même les parlementaires ont presque le dernier mot sur certains sujets.
Ben oui, parce qu’une fois qu’ils sont arrivés à ce texte commun entre le Parlement et les ministres, ils doivent chacun revenir dans leur institution pour faire voter cet accord, en disant est-ce que vous êtes d’accord ou pas?
Et si les institutions disent non, là vous avez fait trop de concessions aux États membres ou là vous avez fait trop de concessions au Parlement, on se remet autour de la table et on re-bosse le dossier.
Donc voilà, c’est vraiment…
Le Parlement, il a quand même vachement son mot à dire.
Ce n’était pas le cas au tout début.
Au tout début, c’était juste bon ben allez, on va faire une institution avec des gens qui vont élire des députés.
Mais au fur et à mesure des années, il a vraiment gagné du pouvoir.
Alors si je dis Roberta Metsola, pas sûr que ce nom parle à beaucoup de monde, à moi non plus.
D’ailleurs, je le dis franchement, mais c’est le nom de la présidente sortante du Parlement européen, de nationalité malte.
Audray, selon toi, pourquoi l’action et les acteurs du Parlement européen sont-ils si peu visibles dans le débat public et l’espace médiatique?
Pourquoi, d’après toi?
Parce que je pense que le premier réflexe, c’est de se dire, oh là là, c’est loin et c’est compliqué.
Et en plus, en étant journaliste pour la télévision, ça, je peux me permettre de lancer une petite pique.
Ce n’est pas très facile à mettre en image les institutions européennes, parce que quand vous allez faire une loi, on n’a pas trop d’image.
Ensuite, on filme des gens qui rentrent dans des bâtiments vitrés.
C’est pas très sexy.
L’autre sujet, je pense que je dirais, c’est qu’en fait, on n’a pas de président de l’Union européenne.
On a des chefs de différentes institutions.
Donc je pense que les gens, ils s’identifient à peu près Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, pour des bonnes ou des mauvaises raisons.
Mais je pense qu’ils l’ont en tête.
Roberta Metsola, elle a été désignée élue il y a deux ans et demi, parce qu’en fait, c’est une présidence un peu tournante.
C’est assez compliqué, mais en général, on essaye de s’arranger entre différents partis européens pour majoritaires au Parlement, pour prendre cette présidence.
Donc voilà, deux ans et demi, c’est quand même assez court.
Et puis, il y a aussi un président du Conseil européen qui s’appelle Charles Michel.
Donc voilà, il y a, on va dire, trois têtes, plus tous les chefs d’État, parce qu’Emmanuel Macron, on l’a beaucoup vu, beaucoup entendu.
Donc c’est peut-être un peu compliqué pour les gens de se dire, oh là là, attends, c’est qui ça déjà?
Donc voilà, il y a aussi un travail à faire au niveau des journalistes.
Mais c’est compliqué à mettre en image l’Union européenne quand même.
Tu disais le mot, c’est pas très sexy.
C’est vrai qu’on entend souvent dans les coulisses, dans les rédactions, sexier au sens attractif.
Comment rendre attractif ces sujets?
Alors tu t’y emploies chaque semaine dans ton podcast.
On va s’aider à quelques enjeux de la prochaine mandature de ce Parlement européen.
Les députés siègeront pour cinq ans et nous sommes quand même, on peut dire, à une période charniaire de l’histoire du continent européen.
Tu vas me dire, si je me trompe ou pas, mais parmi les sujets à suivre, tu le disais, il y aura la transition écologique, aussi son financement, la perspective de trouver aussi peut-être des ressources propres à l’Union européenne et non pas seulement des transferts d’argent des États vers l’Union européenne.
Je voudrais parler un instant de la politique de défense européenne avec la guerre aux portes de l’Union européenne, mais sur le continent européen.
Est-ce que ça, c’est un sujet qui compte à considérer pour les électeurs pendant cette élection de maintenant?
Oui, c’est un très gros sujet parce que pour l’instant, il n’y a pas vraiment de défense européenne, même si avec l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie, il y a eu des choses qui ont été mises en place, notamment on a acheté des armes en commun.
Et ça, tu aurais dit ça à quelqu’un qui traite les sujets européens il y a 5-6 ans, il t’aurait dit mais jamais, jamais on achète des armes létales en commun.
Les sujets de l’armée, c’est propre à chaque pays et on ne va pas.
L’Union européenne, ce n’est pas sa place.
Il s’avère qu’avec l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie, les choses ont changé.
Et on parle de plus en plus d’essayer de développer.
Alors, ça ne se fera pas du jour au lendemain parce que c’est très compliqué.
Il faut créer des usines, il faut monter en puissance, mais d’essayer de développer cette défense européenne et d’autant plus parce qu’aux États-Unis, il y a une élection majeure qui va se revoir à la fin de l’année avec potentiellement le retour de Donald Trump.
Je ne sais pas si vous l’avez entendu, mais il a dit que, en tout cas, lui, ce n’est pas un grand fan de l’OTAN.
Et il a dit que les pays qui ne payaient pas vraiment devraient se dégrouiller par eux-mêmes.
Donc ça, ça a un petit peu fait un déclic chez les acteurs européens qui se sont dit, bon, il faudrait peut-être qu’on commence à penser en commun ce sujet de défense et d’armement européen.
Ça, c’est un gros sujet.
Le deuxième gros sujet, c’est l’écologie.
Parce que pour l’instant, on a mis beaucoup de mesures en place pour réduire notre production de carbone.
Et l’objectif, c’est qu’on soit le tout premier continent à ne plus émettre de carbone d’ici 2050.
Pour l’instant, on a posé des règles.
Mais maintenant, il faut financer les choses, il faut financer les changements, il faut aider les gens à produire moins de carbone.
Donc, je ne sais pas, il faut aider les gens à acheter des voitures électriques, il faut aider les gens à installer des pompes à chaleur.
Pour l’instant, on a posé les règles du jeu, mais on n’a pas encore ce financement.
Et je ne sais pas si vous en avez entendu parler, mais avec la crise des agriculteurs, on a beaucoup critiqué ces règles du jeu.
Et là, l’idée, c’est de se dire, OK, est-ce qu’on arrête tout en cours de chemin?
Ou est-ce qu’on continue en se donnant les moyens de devenir neutre en carbone et en aidant les gens?
Donc là, c’est vraiment un choix qui va devoir être fait.
Et ça, ça va être assez important à suivre.
Un autre sujet hyper important, c’est que dans plusieurs pays européens, on observe, et même en France, une montée des partis dits populistes et qui sont souvent eurosceptiques.
Donc ça veut dire que là, au Parlement européen, si les sondages se révèlent vrais, il va y avoir comme une vague de partis anti-européens qui vont arriver au Parlement européen.
Et l’idée, c’est de savoir qu’est-ce qu’ils vont faire, qu’est-ce qu’il va se passer?
Est-ce que les partis plus européens vont travailler avec eux?
Est-ce que ça va faire des reculs ou pas?
Donc voilà, il y a vraiment un enjeu au niveau de ces élections, de savoir si on va plus loin au niveau européen.
Est-ce qu’on fait une défense européenne pour être plus forts ensemble?
Est-ce qu’on se met ensemble sur des sujets écologiques pour, enfin voilà, il y a quand même une transition climatique, un changement climatique qui est en train de se faire.
Est-ce qu’on le fait ensemble ou est-ce qu’on le fait chacun dans un autre coin?
Pas vraiment.
Et est-ce qu’on veut plus d’Europe ou est-ce qu’on veut moins d’Europe?
Et là vraiment, ces élections, elles sont un peu charniaires là-dessus.
C’est est-ce qu’on va plus loin ensemble ou est-ce qu’on fait marche arrière?
Alors je le disais, tu es la créatrice du podcast Trait d’Union, bien nommé podcast, tu y prends le parti de vulgariser les enjeux et les acteurs de la vie de l’Union européenne.
Tu entends démontrer que c’est important à suivre, mais que ce n’est pas si complexe que ça.
On vient de l’entendre grâce à toi.
En effet, ce n’est pas si complexe que ça.
Cette motivation-là rencontre un écho auprès de tes auditeurs.
Tu commences à nouer un fil avec eux autour de la vulgarisation.
Et je veux dire, ne pas t’adresser qu’à des spécialistes.
C’est vrai qu’au début, les premières personnes qui écoutaient, c’étaient des gens des institutions.
Je le voyais dans les messages qu’ils m’écrivent et dans les retours que je pouvais avoir.
Ça commence à se développer un peu finalement avec les élections européennes, parce que je pense qu’il y a des gens qui ont envie de s’y intéresser.
Et c’est vraiment ça l’objectif.
Moi, je n’ai pas envie de m’adresser à des gens qui savent.
En plus, ça ne doit pas les intéresser vraiment, parce que clairement, c’est ce qu’ils font dans leur vie tous les jours.
Donc, ils n’ont pas besoin d’en apprendre plus.
Mais c’est vrai que petit à petit, je commence à m’adresser par le bouche-à-oreille et par le fait que le podcast, on le connaît un petit peu plus.
Aux gens qui ont envie d’en savoir plus, c’est vraiment vraiment la site que je recherche.
C’est de me dire, comme moi, peut-être il y a quelques années, en fait, ça peut paraître un peu flippant.
Mais non, vraiment, si on s’y intéresse un tout petit peu, c’est comme la politique française, en fait.
Au début, on est là, waouh, l’Assemblée, le Sénat, la navette parlementaire.
Mais quand on commence à s’y intéresser un peu, on comprend bien les choses.
Et en fait, c’est hyper important parce qu’on va voter.
Et si on ne vote pas, il y a d’autres gens qui, eux, ont de vrais intérêts à aller voter et qui défendent certains partis, qui iront voter.
Donc en fait, je pense que ça, c’est hyper important.
C’est de savoir un peu de quoi on parle pour avoir un vote éclairé et surtout pour aller voter.
C’est hyper important d’aller voter.
Est-ce que tu peux nous donner quelques exemples d’épisodes et de formats?
Tu traites l’Europe à travers des histoires, à travers des gens, à travers leurs avis, leurs expertises.
C’est très humain, finalement, tout ça.
Parce qu’en fait, les institutions, c’est tellement ennuyeux que je me suis dit on va se baser sur l’humain.
Donc il y a un épisode vraiment qui me tient, deux épisodes qui me tiennent à cœur.
Le premier, c’est le commandant Massoud qui était venu visiter le Parlement européen.
C’était dans les années 2000 et c’était juste avant son assassinat.
Ça, j’ai trouvé ça hyper intéressant parce qu’en fait, à cette époque, c’était un peu un paria.
Et la présidente du Parlement, Nicole Fontaine, elle avait un peu été très bien conseillée pour le coup.
Et elle avait un peu senti le vent et elle l’avait invité au moment où, vraiment, sur la scène internationale, personne comptait sur lui.
Le deuxième épisode, c’est sur Louise Weiss.
C’est une européenne féministe, visionnaire, qui s’est battue pour le droit de vote des femmes en France, mais qui s’est aussi battue pour ce qui est devenu l’Union européenne maintenant.
Et c’était vraiment une nana badass, je l’ai d’ailleurs dit dans mon titre.
Et puis après, il y a des épisodes que j’aime bien aussi, ceux qui sont un peu les plus didactiques.
Voilà, qu’est-ce qu’un Trilogue, qu’est-ce que la Commission européenne, qu’est-ce que le Green Deal, parce qu’en fait, on parle de ces mots et ça peut être hyper inquiétant.
Et en fait, quand on l’explique assez simplement, ça passe tout seul.
Et un des derniers épisodes que j’ai fait, c’est sur la Géorgie.
Parce que même si c’est un pays qui paraît assez loin, c’est un pays du Caucase, ben voilà, eux, ils sont en train de faire un shift, d’abandonner finalement l’influence russe au profit de l’influence européenne.
Alors il y a plein de sujets, tu animes ce podcast depuis 2021.
Je souligne que tu as reçu le prix du citoyen européen en France, un prix décerné par le Parlement européen.
Justement pour ton action d’information avec le podcast Trait d’Union.
Tu es journaliste, je le disais.
As-tu quelques recommandations à nous faire pour mieux s’informer sur l’Union européenne en complément évidemment de ton podcast?
Oui, alors il y a une chaîne Twitch qui est animée par Quentin, qui s’appelle MEP Assistant.
En fait, c’est Member of the European Parliament, ce que des fois, il fait en anglais, mais des fois en français.
Donc ça, c’est hyper intéressant parce que lui aussi, c’est un vulgarisateur et il est vraiment passionnant à suivre.
Je vous recommande vraiment sa chaîne Twitch.
Il a aussi un compte Twitter sur lequel là, jusqu’aux élections, il raconte une anecdote sur l’Union européenne chaque jour.
C’est hyper intéressant à suivre.
Et la deuxième recommandation, c’est une BD qui s’appelle La tour de Babel de Kokopello.
Et en fait, en BD, il essaye d’expliquer les institutions européennes.
Il a suivi pendant toute une année, ou peut-être même un petit peu plus, les différents acteurs européens.
Il raconte plein d’anecdotes, il raconte plein d’histoires.
En plus, c’est des images, donc vous n’avez aucune excuse.
On entend le sourire dans ta voix.
Donc Audrey Vuetaz, fondatrice de Trait d’Union, un podcast qui est accessible gratuitement dans toutes les applis d’écoute et sur YouTube.
Alors, on ne peut pas donner à ton podcast autant d’étoiles qu’il y en a sur le drapeau européen.
Mais je vous encourage à aller en offrir un maximum.
Je crois que c’est cinq.
Et sur le drapeau européen, c’est combien?
12
OK, alors cinq étoiles pour ton podcast !
Et au passage, si vous voulez mettre cinq étoiles au podcast Soluble(s), juste avant, c’est toujours apprécié.
On te retrouve sur les réseaux sociaux ?
Ouais, sur Twitter et sur Insta le plus souvent.
Voilà, c’est la fin de cet épisode.
Si vous l’avez aimé, notez-le, partagez-le et parlez-en autour de vous.
Vous pouvez aussi nous retrouver sur notre site internet, csoluble.media
À bientôt.
POUR ALLER PLUS LOIN
- Écouter le podcast Trait d’Union
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Voir aussi : elections.europa.eu
TIMECODES
00:00 Introduction
01:50 Le parcours d’Audrey Vuetaz
05:17 Les élections européennes en un seul tour
07:12 Les eurodéputés ne siègent pas par nationalité
09:36 Budget et contrôle de la commission européenne
12:47 Dans notre quotidien, la politique européenne de cohésion
14:40 Asile et migration et le Parlement européen
15:38 Quel pouvoir législatif pour le Parlement européen ?
20:54 La médiatisation de la politique européenne
23:15 La question d’une défense européenne commune
24:37 Les choix pour financer la transition écologique
25:37 Les partis populistes et eurosceptiques
26:42 Le podcast Trait d’Union rend accessible les enjeux et les coulisses de l’Union européenne
31:21 Merci Audrey Vuetaz !
Fin
Propos recueillis par Simon Icard.
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Ecouter aussi
Agir pour le Fonds Clémentine Vergnaud contre le Cholangiocarcinome [Podcasthon]