[TRANSCRIPTION] Des solutions pour avoir de la répartie écologique – Avec Margot Jacq
La bataille contre le réchauffement climatique passe aussi par les mots. Des personnes propagent des thèses climatosceptiques ou des idées “éco-dénialistes”, ces thèmes peuvent surgir lors d’un repas de famille, à la machine à café de l’entreprise, sur les réseaux sociaux ou dans le champ politique.
Margot Jacq, 26 ans, a voulu “s’outiller” pour avoir de la répartie écologique et mieux faire face à ce type de discours, car elle pense que pour agir face à l’urgence écologique, il faut “au préalable en être convaincu”.
Et sur ce point, on observe que la part de Français remettant en cause l’origine humaine du réchauffement climatique actuel est en augmentation selon une récente étude.
Soluble(s) reçoit l’auteure du “Petit manuel de répartie écologique”, un livre très concret qui se présente sous la forme d’un petit guide qui propose 35 réponses pour déconstruire des discours anti-écologiques que l’on entend fréquemment… et qui peuvent mener à l’inaction, selon elle.
Margot Jacq, qui travaille en collectivité locale et qui est par ailleurs engagée pour la transition écologique, a proposé cet ouvrage dans l’objectif de “décortiquer certaines idées reçues, apporter des faits scientifiques et proposer des alternatives au modèle actuel pour ouvrir le champ des possibles sur un monde désirable, plus juste et plus respectueux du vivant”.
Transcription (automatisée)
Article source : Des solutions pour avoir de la répartie écologique – Avec Margot Jacq
Bienvenue dans un nouvel épisode de Soluble(s).
Aujourd’hui, je m’intéresse au dialogue entre les gens sur le thème de l’écologie.
Je vais en parler avec quelqu’un qui ne manque pas de répartie et qui partage ses solutions pour en avoir, si l’on en manque.
Bonjour Margot Jacq.
Bonjour.
Tu es l’auteur du petit manuel de répartie écologique.
C’est un livre très concret qui se présente sous la forme d’un petit guide qui propose 35 réponses pour déconstruire des discours anti-écologiques, des discours que l’on peut entendre fréquemment et qui parfois mènent à l’inaction selon toi.
Alors on va explorer certaines de ces idées et tenter de s’outiller pour celles et ceux qui le souhaitent.
Et je le dis aux autres, restez avec nous, car vous allez apprendre des choses, j’en suis sûr.
Vous pouvez vous questionner sur des phrases qu’on prononce ou qu’on entend tous.
Elles sont présentes dans le débat public.
Mais d’abord, Margot, on a envie de mieux te connaître dans ta vie professionnelle.
Tu agis sur les sujets d’environnement, tu travailles en collectivité locale.
Qu’est-ce qui t’a rendu sensible à la question de l’environnement et de l’écologie, justement?
Je pense qu’il y a pas mal de choses qui sont dues à l’enfance.
J’avais notamment une mère assez proactive sur ces questions-là.
Et puis, je pense qu’un peu plus tardivement, autour de 18, 19, 20 ans, j’ai vraiment développé un amour pour la randonnée, pour la nature en général.
Et je pense que c’est aussi cet émerveillement qui a fait que je me suis intéressée à ces questions.
Et puis, j’ai aussi fait un stage quand j’avais 19, 20 ans sur la question de la pollution plastique, après avoir vu énormément de documentaires qui m’avaient assez choquée, assez pris au trip.
Et je pense qu’avoir lu des rapports, regarder des documentaires, ça a aussi fait tilt chez moi.
Donc, c’est à la fois la question de l’émerveillement face à la beauté de la nature, et puis un côté aussi rationnel avec des chiffres qui m’ont choquée.
Je me suis dit, bon, là, il faut agir.
Il faut agir, c’est merveilleux, mais aussi comprendre.
Et j’en viens donc à ton petit manuel de répartie écologique.
Il est paru aux éditions Les liens qui libèrent.
Je lui disais, on va explorer une petite partie, mais dis-nous, s’il te plaît, pourquoi tu as eu envie, et même, je crois, besoin de l’écrire.
Est-ce que cela vient de ton expérience, de ta propre expérience?
Il y a eu un moment un peu déclencheur, du coup, dans l’idée de ce livre.
C’était il y a environ un an, en fait, je discutais avec un proche qui m’a dit qu’il ne croyait pas à la finitude des ressources, comme si les ressources étaient illimitées.
Et en fait, j’étais un peu estomaquée, je ne savais pas trop quoi répondre, alors que pour moi, ça me semblait une évidence qu’évidemment, les ressources étaient finies.
Et à partir de ce moment-là, je me suis dit qu’il fallait absolument que je m’outille verbalement, intellectuellement, pour sortir des chiffres, des données clés au moment opportun, qui puissent me servir dans mon argumentation.
Donc, ça partait vraiment d’un besoin personnel.
Et puis, par ailleurs, je me suis rendu compte que je n’étais absolument pas la seule à être parfois démunie face à certaines personnes, à certains faits, à certaines opinions, surtout face à des opinions qui ne découlent absolument pas de choses scientifiques.
Et donc, j’ai voulu écrire ce livre pour avoir quelque chose d’assez concis, d’assez court, de percutant et qui reste sur un ton un peu léger pour pas non plus stigmatiser.
Et essayer d’embarquer au maximum avec soi et aller collectivement vers l’action.
Avec ce manuel, tu veux déconstruire certaines idées reçues ou certains arguments anti écologiques.
Et je te cite : “parler au cœur et à la raison des gens”.
Tu as travaillé sur quelle base?
Tu cites souvent des études scientifiques?
Oui, il y a un grand mic-mac de sources, mais j’ai à la fois des sources scientifiques, des rapports d’ONG, mais aussi des podcasts.
Je suis une énorme fan de podcasts aussi.
Je cite par exemple la Chaleur humaine ou d’autres podcasts de ce type, vraiment axés sur la décarbonation et la transition écologique, la biodiversité.
Et puis des articles de presse.
Je cite le Monde par exemple, et c’est assez varié en termes de sources.
Pour parler à tous, c’est ce que je dis, c’est au cœur et à la raison.
Aborder des chiffres pour parler à ceux qui sont vraiment très rationnels, qui ont besoin de sérieux.
Et puis d’un autre côté, parler au cœur, montrer qu’en fait, un autre monde est possible, d’un autre monde est désirable.
Et ce monde, il est à la fois plus juste socialement, mais il est aussi plus beau, plus respectueux du vivant.
Alors, ça arrive à engager, mais rationnel.
Les faits sont vérifiés, il y a une bibliographie à la fin.
Alors, on va avancer un petit peu sur le fond du sujet, c’est-à-dire les petites phrases, les phrases que tu as entendues ou que tu as reformulées pour mieux pouvoir y répondre.
Alors, je comprends la lecture de ton petit manuel, que tu attires l’attention sur le fait que ce ne sont pas seulement les climato-sceptiques qui donnent de la voix avec un discours opposé aux objectifs écologiques.
Mais cela se manifeste aussi de diverses façons.
Et souvent, il s’agit de vouloir relativiser ou d’arriver à la conclusion que l’on peut remettre à plus tard des prises de décision.
Tu appelles d’ailleurs les tenons de ce type de discours.
Non pas donc des climato-sceptiques, mais des nouveaux sceptiques.
Mais qui sont-ils que te disent-ils?
Les climato-sceptiques, en fait, aujourd’hui, sont relativement rares.
Alors, rares tout à l’heure aussi, parce que c’est à peu près 7% de la population française qui ne croit pas.
À l’existence même d’un changement climatique.
Mais aujourd’hui, finalement, on a plutôt une sorte de mouvance qui, comme tu le disais, atténue les causes et les conséquences du changement climatique.
Ceux qui se disent mais finalement, est-ce que c’est si grave?
Et donc ça, c’est assez pervers, parce que c’est plus subtil.
Et donc moi, je les appelle aussi les éco-dénialistes, ceux qui sont dans le déni, qui se disent mais finalement, 3 degrés de plus, est-ce que c’est vraiment grave?
En termes de cause aussi, oh mais la France, c’est que 1% des émissions qu’elle a fait de serre, donc finalement, que les Chinois commencent, parce que c’est eux qui polluent beaucoup.
Et donc, ça pose des vraies questions en termes de faits scientifiques.
En fait, c’est des personnes qui ne suivent absolument pas la science, donc qui ne sont pas du tout dans la rationalité pour le moment.
Oui, parce qu’il y a les personnes, depuis toute l’époque, qui contestent l’origine, enfin l’existence même du changement climatique, mais il y a aussi celles et ceux qui contestent l’origine humaine.
C’est l’origine humaine du changement climatique que l’on connaît actuellement.
Et c’est aussi sur ça que des évolutions ont lieu dans les discours publics.
C’est ça.
En fait, il y a à peu près 37 % de la population qui remet en question la cause anthropique du changement climatique.
Donc ça, c’est quand même problématique.
Ça remet en question notre responsabilité et du coup, ça nous dédouane finalement d’agir concrètement.
Voyons ensemble quelles sont les petites phrases qui reviennent le plus soupon et sur lesquelles tu t’as dit qu’il y a un défi auquel répondre avec de la matière et donc d’autres arguments.
Alors parlons, je regarde, du climat et de météo.
Il y a une confusion que l’on peut faire ou entendre souvent.
C’est la différence qu’il existe entre le climat et la météo.
On retrouve cette confusion dans les répliques de ce que tu appelles donc ces nouveaux sceptiques.
Ça se joue autour de la perspective de la hausse, de la température moyenne, de la planète à plus de plus 3 ou plus 4 degrés, selon les scénarios d’avenir d’ici à 2100.
Et selon les actions entreprises par les humains.
Ça, c’est un sujet du quotidien, c’est un sujet concret qu’on entend tous.
Climat et météo, pourquoi c’est important de se situer, de situer la différence entre les deux termes?
On entend régulièrement des personnes qui me disent 3 degrés de plus, juste qu’il va faire plus chaud, ça va être plus agréable.
Et c’est vraiment là qu’il faut faire la différence entre le climat et la météo.
Le climat, c’est une analyse des variables atmosphériques sur des dizaines, voire des centaines d’années.
Et la météo, à l’inverse, prévoit le temps qu’il va faire à l’échelle d’une semaine.
Donc, c’est absolument pas la même chose.
Et trois degrés de différence sur cent ans, c’est en fait une moyenne.
C’est trois degrés en moyenne dans le monde.
Et ce dont on se rend compte, c’est qu’aujourd’hui, le monde s’est à peu près réchauffé de 1, 1 degré depuis la période pré-industrielle, donc 1850.
Mais on se rend compte que l’Europe est le continent qui se réchauffe le plus vite.
En Europe, on s’est déjà réchauffé de plus de deux degrés par rapport à la période pré-industrielle.
Et trois degrés de plus, c’est en fait des conséquences sur le paysage qui sont énormes.
Une élévation du niveau des mers, des pans entiers, notamment en France, qui pourraient être rasés, je pense, à la Camargue, à la région de Dunkerque, de Bordeaux.
Et puis, c’est des mégafeux qui se développent.
C’est des épisodes de précipitations, de grêles intenses qui font souffrir en priorité les agriculteurs, parce que ce sont eux les premières victimes du changement climatique qui le vérifient eux-mêmes, les mains dans la terre.
C’est vraiment important de montrer que ces effets sont déjà concrets, ils sont déjà actuels.
La dernière fois, j’étais dans une interview et on me disait mais finalement c’est super loin.
En fait, non, on voit ce qui s’est passé il y a quelques semaines avec les inondations énormes dans le Pas-de-Calais, les mégafeux l’été dernier.
En fait, on y est déjà.
Les conséquences de cette élévation de la température moyenne ne sont pas que sur les individus eux-mêmes, évidemment, mais sur l’ensemble des écosystèmes de la planète.
Alors dans le champ du débat politique, il y a quelques phrases qui apparaissent comme des marqueurs ou sont même une manière parfois de fermer le banc d’une discussion, d’un débat.
Je retiens deux, si tu veux bien.
Tu vas nous dire ce que tu en penses.
D’abord, il y a une phrase que tous les auditeurs français de ce podcast peuvent avoir en tête et c’est la notion dite d’écologie punitive.
Elle avait été popularisée par Ségolène Royal, la candidate du Parti socialiste à l’élection présidentielle en France, mais elle est utilisée quand même dans tous les bords de l’échiquier politique.
Quel réparti adoptes-tu face à la notion d’écologie punitive?
En fait, moi, j’aime bien rappeler que déjà de un, on vit dans un monde qui est déjà liberticide.
Et en fait, c’est même le fondement de notre démocratie.
C’est-à-dire que ma liberté, elle s’arrête là où commence celle des autres.
C’est-à-dire que je n’ai pas le droit de me balader dans la rue avec un fusil d’assaut.
Ça vient contraindre ma liberté.
Mais c’est pour garantir la sécurité de tous et le bien-vivre ensemble.
Donc, ça, c’est important de rappeler ce fondement du contrat social.
C’est-à-dire que l’intérêt général prime sur les libertés individuelles en démocratie.
Faisons aussi le parallèle avec l’éducation, qui est obligatoire jusqu’à 16 ans en France.
Est-ce qu’on parle pour autant d’éducation punitive?
En fait, non.
C’est pour l’intérêt général.
Une population éduquée va dans le sens de l’intérêt général.
On peut prendre aussi d’autres exemples en matière de santé.
Moi, j’aime bien lier à chaque fois santé et écologie, parce qu’en fait, pour moi, c’est la même chose.
C’est une santé globale, la santé des écosystèmes, la santé des gens.
En matière de santé publique, par exemple, on a interdit le fait de fumer en milieu clos.
On a interdit de construire des bâtiments avec de l’amiante.
Évidemment que ça a peut-être fait perdre des emplois, mais en fait, c’était au profit de notre santé collective.
Donc ça, c’est important de faire le parallèle avec ça, parce que quand on interdit des SUV à partir d’une certaine taille, par exemple en milieu urbain, quand on taxe certains produits qui sont néfastes pour l’environnement, en fait, on le fait pour nous tous, pour nous globalement.
Après, ça ne veut pas dire que l’écologie punitive n’existe pas.
On l’a vu avec la crise des gilets jaunes.
Quand les mesures écologiques ne sont pas accompagnées de mesures sociales, finalement, ça a créé des soulèvements populaires, parce que finalement, ces mesures sont considérées comme injustes.
Donc il faut vraiment que la justice sociale soit la condition sine qua non, à la réussite de la transition écologique.
Et c’est même une nécessité d’efficacité.
Parce que si on tape en premier sur les plus précaires, ce sont ceux qui ont l’empreinte carbone la plus basse qui sont impactés.
Donc c’est même pas efficace de taper premièrement sur les plus précaires.
Une autre phrase qui a marqué la vie politique française récemment, c’est celle du président Emmanuel Macron lors de ses vœux aux Français en 2023.
Il revenait sur les catastrophes climatiques de l’année passée et déclarait qu’il aurait pu prédire la crise climatique.
Alors là dans ton livre, on ne va pas tout dévoiler, mais tu as décidé de lui répondre, d’écrire une réplique.
C’est près que cette petite phrase a fait réagir de nombreux scientifiques.
Bien sûr, ça a fait très réagir parce qu’on se dit, comment c’est possible qu’une telle phrase ait pu passer dans un discours qui a sûrement été relu par des dizaines de conseillers.
Enfin, c’est quand même le discours du Nouvel An et on a une aberration comme ça.
Donc, je ne me l’explique pas.
Je ne sais pas, peut-être que c’est une manière de se dédouaner, de se dire finalement, ça nous arrive comme ça, donc on est un peu démunis, je ne sais pas exactement.
Mais ce qu’on peut évidemment rappeler, c’est que tout ça, enfin le changement climatique, on connaît ses effets, ses conséquences depuis des dizaines d’années, c’est depuis les années 70 avec notamment le Club de Rome qui a montré que si on continuait sur cette trajectoire avec la finitude des ressources, finalement on allait complètement dépasser les limites planétaires.
On peut rappeler aussi le rapport Charney en 1979 qui est paru et qui est très intéressant, qui n’est pas beaucoup cité, mais qui montre que si on attend les premiers effets du changement climatique, de vivre les premiers effets du changement climatique, finalement sera trop tard pour en éviter les pires conséquences.
Alors, ça ne veut pas dire que tout est foutu, ça veut juste dire que pour les pires conséquences, il y a déjà des choses qui sont irrémédiables, des choses contre lesquelles on ne va pas pouvoir lutter.
Par contre, c’est toujours possible d’atténuer ce changement climatique.
On pourrait citer mille autres rapports, mais c’est vrai que cette phrase a quand même été une sorte d’électrochoc pour pas mal de personnes.
Alors, en ce moment, le président s’est senti obligé de préciser cette phrase deux semaines plus tard dans une autre vidéo.
Il a voulu expliquer aux citoyens que pour lui, c’était au fond l’idée que ça n’allait pas encore assez vite, et qu’il fallait aller encore plus vite que prévu.
Chacun jugera, mais c’est vrai que cette phrase, mais en exergue cette notion d’urgence climatique, mais aussi les nombreuses alertes qui ont été effectuées depuis les années 70 même.
Alors, allons sur les petits gestes écolos.
Certaines personnes ont du mal à se situer entre le poids de leurs actions individuelles en faveur de l’environnement, l’action collective, l’action politique, l’action des pouvoirs publics, au point même que tu dis que cela favorise certains discours d’immobilisme.
Explique-nous pourquoi il y a une telle perception chez certaines personnes de décalage entre finalement son action individuelle et la réalité de son efficacité.
Parfois on a l’impression que ces petits gestes finalement c’est une goutte d’eau dans un océan et que face aux multinationales, je pense à Total par exemple ou là aux géants de la grande distribution, on n’a pas finalement de pouvoir.
Alors évidemment que nos petits éco-gestes ils sont imbriqués dans des structures qui sont géographiques, qui sont sociales, qui sont économiques.
Par exemple, ce n’est pas possible d’aller faire ses courses en vélo quand on est en milieu rural et qu’on n’a pas forcément les infrastructures pour.
Ce n’est pas possible d’acheter que bio, qu’en vrac quand on a un tout petit budget, évidemment, parce que toutes ces structures finalement elles nous contraignent.
Mais en fait ça ne doit quand même pas nous décourager à faire certaines actions, parce que nos actions c’est aussi la condition à ce que les structures, à ce que le politique bouge.
Moi j’aime bien rappeler l’image du triangle de l’inaction.
Ça consiste à dire que les citoyens disent ah ben en fait ce n’est pas à nous de bouger, c’est aux entreprises, les entreprises qui disent ben non, mais on attend que…
Enfin en fait on a une demande citoyenne donc on ne fait que répondre à la demande.
Et l’État qui dit ben en fait c’est aux grandes entreprises de bouger.
Et en fait si on reste dans ce triangle de l’inaction, on ne va pas bouger.
Il faut essayer de sortir de ça pour aller vers un triangle de la coopération où chacun fait sa part entre guillemets.
Donc pour ça je m’appuie sur une étude qui s’appelle faire sa part justement du Shift Project, le Think Tank, qui explique que 25% de l’effort à fournir pour atteindre nos objectifs climatiques, ils sont de l’ordre individuel.
Alors attention, ce n’est pas juste acheter une gourde et récupérer l’eau de pluie.
Ce n’est pas ça les petits gestes individuels.
Il faut plutôt aller vers des gestes héroïques, c’est-à-dire arrêter l’avion, ou alors réduire drastiquement l’usage de l’avion, arrêter ou réduire drastiquement sa consommation de viande, c’est ça en fait les gestes qui comptent véritablement.
Ça, c’est 25% de l’effort à fournir et les 75% restants, ils sont de l’ordre collectif, de l’ordre des structures, c’est-à-dire que ce sont les entreprises, ce sont les États qui doivent vraiment jouer comme autant de levier à l’action pour atteindre nos objectifs climatiques qui sont très ambitieux et qu’on est en train de dépasser petit à petit.
Donc voilà, il faut vraiment que ce soit un effort collectif et n’oublions pas qu’aussi, on a un pouvoir individuel d’influence.
On n’est pas juste un citoyen, on est aussi un travailleur, une travailleuse, on est parents, on peut être amis, on est aussi dans des logiques familiales et donc notre action peut avoir des répercussions finalement assez rapides.
Et moi, j’aime bien rappeler que pendant le Covid, quand on était porteur du virus, on contaminait en moyenne trois personnes chacun.
Mais si on applique cette même chose à l’écologie, si on contamine l’écologie entre guillemets trois personnes chacun, on peut avoir une exponentielle de manière assez rapide.
Viraliser l’écologie et rendre héroïques les petits gestes.
Alors on l’entend, tu as tenté de catégoriser les types de répliques par profil de personnes au regard de leur caractère anti écologique.
Alors tu précises que c’est une construction intellectuelle, mais on a cité donc les nouveaux sceptiques, les immobilistes.
Tu entends aussi les répliquer à ceux que tu appelles les économico-anxieux.
Alors là, Kézako.
Alors, donc les économico-anxieux, c’était un petit parallèle aux éco-anxieux.
Les éco-anxieux, c’est de manière générale des personnes qui sont très angoissées face aux crises climatiques.
Et j’ai pris le contre-pied avec les économico-anxieux.
Donc ce sont des personnes qui ont très peur de la chute du PIB, de l’accroissement de la dette.
Peut-être à juste titre, mais c’est aussi des constructions en fait.
Et ce que j’ai voulu montrer, c’est que l’économie, parfois, elle peut faire peur quand on est foncièrement écolo et qu’on se prend des répliques comme ça très sérieuses, entre guillemets, sur la dette, le PIB et machin.
Et l’idée, c’était de déconstruire aussi cette vision du monde qui est fondée sur l’accumulation, l’accroissement des richesses sans se poser forcément la question du bien-être.
Parce que le PIB est aveugle aux questions de bien-être.
Par exemple, si on creuse un trou et qu’on demande à une entreprise de le reboucher, en fait, on crée de la valeur ajoutée en termes économiques, en termes de PIB.
Alors que foncièrement, on a juste rebouché un trou.
Donc, je trouvais ça important aussi de se muscler sur les questions économiques.
Oui, parce qu’il y a encore un débat sur ça.
Mais dans tous les cas, il faut un changement de modèle pour atteindre les objectifs climatiques de l’ensemble de la planète.
Et cela passe par une réforme des modèles économiques.
Et c’est vrai que dans la notion de décroissance, tu commençais à le dire.
Il y a la notion d’une perte.
Est-ce que c’est ça qui angoisse donc certaines personnes au point même où que du coup, ils se ferment à toute idée d’évolution du système économique?
Oui, je pense qu’il y a en effet une crainte.
Il y a un côté un peu régression peut-être dans ce terme.
Peut-être que parler de post-croissance, ça fera plus rêver parce que l’idée, c’est aussi d’embarquer collectivement vers un horizon qui soit meilleur.
Mais il faut quand même rappeler que la croissance a énormément de défauts d’angle mort et qu’aujourd’hui, on est dans des sociétés.
En France, on est dans une société riche et l’objectif pour aller vers du mieux, ce n’est pas le plus.
Sinon, on se rend compte qu’on peut aller vers un modèle de société à l’américaine où il y a à peu près 3% de PIB de croissance aux États-Unis, mais une diminution de l’espérance de vie.
Donc là, ça montre toute l’absurdité d’un système qui accumule et pourtant, on perd de l’espérance de vie, ce qui devrait pourtant être un indicateur phare de bien-être.
Donc aujourd’hui, nos sociétés occidentales, elles sont plus menacées par l’augmentation des inégalités et par les crises écologiques que par un manque de richesse.
En fait, le vrai problème, c’est l’inégalité et le manque de répartition de ces richesses.
On n’a jamais été aussi riche en France et pourtant, on a des inégalités qui se creusent.
Tes lecteurs, verront que tu parles aussi à ceux que tu appelles les optimistes candidats.
Mais parlons de ceux qui sont souvent catégorisés dans la catégorie des personnes qui croient dans un mirage, c’est-à-dire la réponse technologique à tous les problèmes.
On les appelle les technosolutionnistes.
Sur quels types de solutions on peut repérer des discours excessifs en termes de recours à la technologie pour résoudre le problème climatique?
Les technosolutionnistes, ce sont par exemple des personnes qui vont vous dire Ah, n’aie t’inquiète, on va inventer des avions à l’hydrogène vert, pas de souci, on va inventer des aspirateurs géants de CO2, on peut continuer à émettre puisqu’on va aspirer tout ça.
C’est vraiment des logiques inspirées de science-fiction qui ne sont absolument pas basées sur des modèles scientifiques.
Ça ne veut pas dire qu’il faut arrêter toute recherche et développement dans ces secteurs.
Il y a des émissions qui seront incompressibles, je pense, au secteur de la métallurgie.
Enfin, on a des grosses industries qu’on va devoir pérenniser et qui nécessiteront des avancées technologiques.
Donc, il ne s’agit pas de mettre de côté toute technologie, toute avancée technologique, mais bien de réfléchir plutôt à nos besoins, à nos usages, et d’arrêter d’avoir en ligne de mire l’innovation et le progrès comme étant l’horizon absolument nécessaire pour l’humanité.
En fait, la question de progrès, il faut aussi qu’on la questionne.
Et l’exemple que je prends dans le livre, mais on pourrait en avoir plein d’autres, c’est le frigo connecté.
Est-ce que c’est un progrès pour l’humanité d’avoir des frigos connectés qui consomment toujours plus de ressources, qui vont utiliser toujours plus de métaux rares?
Et en fait, on a des solutions dites low-tech, je reprends le terme de Philippe Buix.
Prenons, je ne sais pas, l’exemple d’un couteau, il y a des couteaux électriques.
Pour autant, on a des couteaux manuels qui fonctionnent très bien.
Donc choisirons quand même toujours la solution low-tech par rapport au high-tech qui sont moins consommatrices et qui fonctionnent finalement très bien.
Alors même si ton livre se désigne comme un manuel, il ne fait pas la leçon aux gens.
Il faut dire que nous sommes nombreux à pouvoir se reconnaître dans la catégorie des gens qui se trouvent parfois en dissonance cognitive.
C’est quoi la dissonance cognitive ?
Est-ce que tu peux nous donner des exemples dans la vie de tous les jours?
La dissonance cognitive, c’est le fait d’agir pas totalement en accord avec ses valeurs.
Par exemple, je trouve que le changement climatique, c’est scandaleux.
Et pourtant, toutes les vacances, je les passe à l’autre bout du monde.
Voilà, c’est ce genre de différence.
Après, je ne voulais pas mettre tout le monde dans le même panier, c’est-à-dire qu’il y a un panel de dissonance cognitive absolument énorme.
On est tous pris dans des logiques, comme je disais tout à l’heure, structurelles qui nous oublient finalement avoir des dissonances cognitives.
Moi, je n’achète pas tout en vrac parce que concrètement, ça me coûte trop cher.
Et pourtant, je connais le problème du plastique dans les océans.
Mais ne mettons pas tout le monde dans le même panier.
D’un côté, on a Jeff Bezos qui arrive à la COP, la conférence des partis en jet privé pour se lamenter sur le changement climatique, donc la grosse dissonance cognitive.
Et puis d’un autre côté, des familles avec trois enfants qui font leurs courses en voiture parce que pas d’alternative.
Donc voilà, il y a tout un panel de dissonance cognitive qu’il faut essayer de réduire.
Et pour les réduire, moi, je pense que c’est fondamental de prendre du plaisir dans des choses qui ne sont pas néfastes pour l’environnement.
À partir du moment où on prend plaisir, par exemple, à voyager en train, à faire du covoiturage, à recréer des liens, en fait, parce que finalement des solutions comme ça qui sont plus fondées sur la lenteur, sur prendre le temps, c’est aussi des découvertes, c’est aussi des rencontres.
Et par ce biais-là, on peut prendre du plaisir et donc ne pas être frustré de ne pas prendre l’avion ou de ne pas prendre sa voiture individuelle, par exemple.
Alors, je me dis en t’écoutant et en ayant lu le livre que c’est aussi une invitation au dialogue et pas forcément à vouloir convaincre à tout prix.
Le dialogue, c’est essentiel dans une société.
Alors, comment améliorer le dialogue autour des sujets écologiques?
Selon toi, tu viens de nous donner une indication.
Est-ce qu’il faut changer la façon d’en parler tout simplement?
Au début, dans les médias, dans la littérature, est-ce qu’il faut ces fameux nouveaux récits?
Oui, c’est une vaste question.
Je pense qu’en effet, dialoguer, c’est hyper important.
Alors, c’est parfois plus facile à dire qu’à faire réellement, parce que parfois, on se heurte à des vrais murs et la personne en face n’est peut-être pas ouverte au dialogue aussi.
Mais je pense que c’est extrêmement important de recréer des ponts entre des sphères qui, voilà, peut-être ne se parlent plus ou pas assez.
Et il y a aussi un travail journalistique, je pense, qui est important, d’opposer différentes sphères.
Là, pendant la crise agricole, on a vu que la sphère écologiste était assez caricaturée, opposée aux agriculteurs, alors que dans les faits, ce n’est pas forcément le cas.
Et donc, on a des sortes de clichés qui sont repris, repris, alimentés.
Et ensuite, on a du mal à se défaire de tout ça.
Alors que concrètement, ce que demandent les agriculteurs, c’est un revenu décent.
Et dans les sphères écologistes, par exemple, il y a de nouvelles idées qui émergent.
Il y a des AMAP, pour le coup, qui ne sont pas nouvelles, mais qui proposent un revenu décent aux agriculteurs, tout en garantissant des produits de qualité, notamment bio, sans intermédiaire, sans grande distribution.
On a des propositions comme la Sécurité sociale de l’alimentation, qui créent vraiment des ponts entre des citadins, et pas que des citadins, d’ailleurs, et des agriculteurs.
Je pense que renouer le dialogue, ça passe aussi par le faire ensemble, pas juste par des grands discours, mais par recréer du lien, vraiment par des projets collectifs.
Et pour se questionner, sur toutes ces phrases que l’on entend, que l’on pense ou que l’on peut dire soi-même, petit manuel de répartie écologique.
Donc, Margot Jacq, c’est aux éditions les liens qui libèrent.
Margot, on te retrouve aussi facilement sur les réseaux sociaux?
Margot, merci d’être passée dans cette émission.
Voilà, c’est la fin de cet épisode.
Si vous l’avez aimé, notez-le, partagez-le et parlez-en autour de vous.
Vous pouvez aussi nous retrouver sur notre site internet, csoluble.media
À bientôt.
POUR ALLER PLUS LOIN
- Lire “Petit manuel de répartie écologique” par Margot Jacq – Editions Les liens qui libèrent
- Suivre Margot Jacq sur Linkedin.
TIMECODES
00:00 Introduction
01:26 Le parcours de Margot Jacq
02:45 Un moment déclencheur pour écrire son livre
04:09 Des sources scientifiques et vérifiées pour parler “au cœur et à la raison”
05:48 Les nouveaux sceptiques face au changement climatique
08:17 + 3 degrés, la confusion entre Climat et météo
11:01 L’écologie punitive, vraiment ?
13:45 “Qui aurait pu prédire la crise climatique ?” Emmanuel Macron (31 décembre 2022)
16:25 Les petits gestes écologiques et leur utilité
19:52 Qui sont les éco(nomico)anxieux selon Margot Jacq ?
23:32 Les techno-solutionnistes
25:32 La dissonance cognitive
27:40 L’écologie et le dialogue entre les gens
29:11 Merci à Margot Jacq !
Fin
Propos recueillis par Simon Icard.
_
Ecouter aussi
Des solutions pour régénérer le cycle de l’eau avec Charlène Descollonges
Calculer son empreinte carbone individuelle pour agir dès demain
ETRE: le réseau d’écoles des métiers de la transition écologique
“Sur la terre”, le podcast qui explore les solutions aux quatre coins du monde (par l’AFP)
“Chaleur humaine”, le podcast du Monde qui nous rafraîchit les idées – Avec Nabil Wakim
Vous préférez garder le contact avec Soluble(s) grâce à Google Actualités ?
C’est possible >> SUIVRE <<