[TRANSCRIPTION] Un revenu minimum pour les étudiants de Petit-Quevilly
Avec un coût moyen de la rentrée universitaire estimé à 3 157 euros en 2024, selon la FAGE, de nombreux étudiants peinent à boucler leurs fins de mois. Face à cette réalité, certaines collectivités territoriales se mobilisent pour apporter des solutions concrètes.
C’est le cas de Petit-Quevilly, en Normandie, qui a mis en place un Revenu Minimum Étudiant (RME) dès la rentrée 2024.
Pour Soluble(s), Charlotte Goujon, maire de la ville, détaille, cette initiative qui vise à soutenir les jeunes dans leurs parcours universitaires et à réduire les inégalité s d’accès aux études supérieures.
Transcription (automatisée)
Article original : Un revenu minimum pour les étudiants de Petit-Quevilly
– Bienvenue dans un nouvel épisode de Solube(s). Aujourd’hui, je m’intéresse au coût de la vie étudiante et un coup de pousse financier proposé par une commune située en Normandie.
– Bonjour, Charlotte Goujon.
– Bonjour.
– Tu es la maire du Petit-Quevilly, une commune de près de 23 000 habitants limitrophe de Rouen.
C’est la capitale de la région Normandie.
On va parler de la mise en place, depuis la rentrée 2024, du revenu minimum étudiant que ta ville a décidé de proposer à certains de ses jeunes habitants.
Tu nous diras pourquoi cette aide financière est devenue nécessaire, selon toi.
Quels sont ses critères, ses contreparties, car son versement engage les bénéficiaires qui sont âgés de moins de 25 ans.
Mais d’abord, au début de chaque épisode, je demande à l’invitée de nous dire quelques mots de son parcours.
Alors, j’ajoute aussi pour l’élue que tu es une petite question sur ta ville.
Peux-tu nous parler un peu du Petit-Quevilly en Seine-Maritime, c’est en banlieue de Rouen ?
– Oui, c’est ça. Donc, moi, je suis née et j’ai grandi dans la métropole Rouenaise.
J’ai 41 ans, je suis mère de famille, et je suis élue maire de Petit-Quevilly depuis juillet 2019.
C’est une situation un peu particulière, parce que les élections municipales les dernières ont eu lieu en 2020, mais le maire qui m’a précédé, en fait, a démissionné pour de nouvelles activités professionnelles.
Et donc, j’ai pris sa suite quelque temps avant les élections de 2020.
Pour parler du Petit-Quevilly, on est vraiment voisins de Rouen, c’est-à-dire qu’on est au cœur de la métropole.
C’est une cité, une ville populaire, diverse, on est vraiment représentatifs de ce que peut être la société avec des personnes de différentes origines sociales, de différentes nationalités, donc un beau mélange et un beau vivre ensemble.
Mais on a aussi des difficultés sociales, puisque le revenu médian est toujours de 18 400 euros, mais c’est plutôt bas.
Par rapport aux communes de même strate, même à la moyenne nationale, et donc face à ces situations sociales difficiles, on a pris quelques engagements, et notamment ce revenu minimum étudiant, qui nous réunit aujourd’hui.
– Et en effet, je le disais, cette ville, le Petit-Quevilly a donc pris l’initiative de créer ce RME, on va l’appeler comme ça, parfois dans cet épisode, le revenu minimum étudiant. Alors peux-tu nous expliquer pourquoi avoir fait ce choix en tant que municipalité, ce n’était pas obligatoire ?
– Non, ce n’est pas obligatoire. Alors moi, je fais partie d’une famille politique qui porte plutôt ce sujet-là depuis maintenant de nombreuses années, et notamment depuis l’élection présidentielle de 2017 où il y avait une proposition qui avait été portée pour un candidat à ce moment-là, que je soutenais.
Et finalement, la crise du Covid de 2020 a vu exploser aux yeux de tous, parce qu’elle était préexistante, mais on va dire qu’elle expose aux yeux de tous la situation des étudiants, et notamment leur précarité.
Donc, à ce moment-là, en fait, on a décidé de mettre en place des aides d’urgence, à la fois pour aider les étudiants à pouvoir faire l’acquisition de matériel informatique, et aussi pour pouvoir régler des factures d’énergie, de transport en commun, d’abonnement à internet. Donc, ces deux aides ont été décidées très vite après le Covid.
Et finalement, l’inflation ayant suivi la crise du Covid de 2020 a rendu de plus en plus difficile la situation des étudiants. On a vu, partout en France, et à Petit-Quevilly aussi, des longs films d’attente d’étudiants qui se rendaient à des distributions alimentaires.
Et nous, sur le Petit-Quevilly, il y a une association qui s’est installée, il y a maintenant un an et demi, qui s’appelle Cop1, solidarité, et qui fait une distribution alimentaire tous les 15 jours.
Et en discutant avec l’association, voilà, on a fait le constat qu’il y avait à peu près 150 étudiants qui étaient inscrits à ces distributions alimentaires et…
Et puis, l’ensemble des études qui ont pu sortir récemment l’IFOP ou bien des associations, des syndicats étudiants, qui montrent de fait une augmentation du prix de la vie pour les étudiants et donc on s’est dit qu’il fallait qu’on fasse quelque chose pour que la question des moyens, des finances ne soit pas un sujet pour les étudiants qui hésiteraient à poursuivre après le BAC.
– Alors, pour avoir un ordre d’idée sur les coûts de la vie de la étudiante, alors c’est une moyenne nationale, on peut se référer en effet à l’étude de certaines associations étudiantes, prenons celle du syndicat étudiant la FAGE, selon qui l’année en cours, l’année étudiante 2024-2025, va coûter plus de 2,8% plus cher que l’année précédente.
Et en moyenne toujours, le budget pour un étudiant non boursier s’élève à 3157 euros. À qui s’adresse le revenu minimum étudiant du Petit-Quevilly, il peut être perçu par un étudiant en plus évidemment de sa bourse nationale ?
– Il peut être perçu en plus de sa bourse nationale, on a aussi une bourse communale, c’est un « one shot » en début d’année, d’un montant qui peut atteindre 250 euros (de mémoire).
Donc, ça peut être ça, tout ça cumulatif, mais évidemment il y a certain nombre de critères à respecter pour pouvoir avoir ce revenu minimum étudiant et notamment la question des ressources.
Et surtout, notre calcul, ç’a été le reste à vivre aux gens d’allier, c’est à partir de ce reste à vivre aux gens d’allier, on a calculé et estimé notre revenu minimum étudiant.
– C’est revenu minimum qui peut atteindre jusqu’à 100 euros par mois pendant 10 mois, donc tu te disais que vous avez porté votre attention sur le reste à vivre concrètement, c’est une fois qu’on l’a payé, ses factures obligatoires, c’est ce qu’il reste.
Pour faire ses courses alimentaires, notamment…
– Voilà, c’est ça, c’est une fois, donc on a additionné les ressources et soustrait toutes les dépenses. Assurances, mutuelles, transports en commun, loyer, factures diverses d’énergie.
Une fois qu’on a soustrait l’ensemble de ces dépenses obligatoires, ce qu’il reste, pour pouvoir manger, pour pouvoir éventuellement sortir.
Et on sait que beaucoup d’étudiants doivent avoir des petits boulots, voire plusieurs petits boulots et qui peuvent parfois mettre à mal ou remettre en question l’assiduité ou leur disponibilité, y compris la disponibilité de l’esprit.
Pour se concentrer sur ces études et même si on ne va pas révolutionner des choses avec 100 € par mois, c’est un petit coup de pousse qui peut pas faire une différence.
– Vous avez décidé de demander aux bénéficiaires étudiants, de ce RME, de s’engager dans la vie de la commune, c’est un engagement citoyen ?
– Oui, c’est ça, c’était de se dire, on les accompagne et on échange, on envie de les associer avec nous dans la vie de la commune, dans la vie de la cité, dans la vie citoyenne.
Chaque projet, en fait, ce qu’on se construira avec l’étudiant, enfin peut-être de ses appétences, de ses compétences, et puis de sa disponibilité.
Parce que évidemment, si on fait des études à l’autre bout de la France, on a peut-être moins de disponibilité que si on fait ces études sur le territoire de la métropole de Rouen.
Et ça peut être, nous accompagner sur les événements, les animations que nous, on peut avoir tout au long de l’année en Gilles, la fête au moment de Noël, la fête à la fin de l’année, au printemps.
Mais ça peut être aussi passé un après-midi avec les personnes âgées de la résidence autonomie, à faire des jeux de société ou aller au centre de loisirs, rencontrés des jeunes et les enfants, aller au collège pour essayer de présenter aussi.
Et aussi aux jeunes de la ville, l’ensemble des parcours étudiants et professionnels qu’on peut avoir quand on habite à Petit-Quevilly.
– Alors, tu le disais, on parle parfois de précarité étudiante, en effet, et c’est souvent montré comme un facteur d’échec académique, comme on dit, d’échec scolaire dans ses études.
En tout cas, ça occupe l’esprit comme tu disais.
Sur les chiffres, il y a 41% des étudiants qui disent avoir besoin de travailler à côté de leurs études.
Et parmi ceux-là, ils sont 35% à travailler plus de 12 heures par semaine.
C’est en effet, on imagine, sur ce créneau de temps qu’il faut espérer libérer un peu de temps de « non-travail » pour se consacrer plus à ses études ?
Il est un peu tôt évidemment pour évaluer l’impact de cette mesure, qui entre, qui entre en service cette rentrée de 2024.
Mais quels sont les principaux bénéfices attendus de ce dispositif ? Comment la ville va mesurer son impact parce que l’intérêt c’est que l’on peut en bénéficier d’année en année ?
– Oui, c’est ça, il faut jusqu’à 25 ans être inscrit en études supérieures, évidemment habiter Petit-Quevilly et avoir une continuité dans ses études.
Quand je dis continuité, évidemment, un redoublement, une réorientation, ça arrive à tout le monde, ça m’est arrivé à moi aussi.
Après, ma première année de FAC, j’ai décidé que finalement, l’orientation que j’avais choisie n’était pas celle qui me convenait le mieux.
Mais l’idée, c’est de se dire, voilà, il ne faut pas non plus changer chaque année d’orientation et construire un parcours qui soit stable.
Les attendus, donc là, on est au tout début du dispositif et c’est vrai qu’on, dans les documents, demandés pour le débon du dossier, il y a notamment de certificat d’inscription.
Que tous les étudiants n’avaient pas encore, au tout début du mois de septembre, donc là, on commence à avoir des dossiers complets.
On a, la semaine dernière, notamment une première étudiante qui peut bénéficier de ce revenu minimum étudiant au taux le plus haut, donc à 100 euros par mois.
L’idée, après, c’est évidemment, comme tout ça est mis en place par la ville, mais par le centre communal d’action sociale de la ville.
C’est de faire le point aussi avec les étudiants sur ce temps potentiellement libéré, cette respiration qu’i va ou pas avoir par rapport à un petit boulot tout le temps d’année, par rapport à une facture ou l’abonnement de transport en commun pour le montant le plus bas, c’est 30 euros par mois.
Et 30 euros par mois, ça correspond à un petit peu plus que l’abonnement mensuel de transport en commun sur la métropole de Rouen, donc ça peut permettre ne serait-ce que de se dire :
Ce sujet-là, des transports en commun ne doivent pas être un sujet et je vais pouvoir circuler librement sans me poser de questions.
– Alors, on dézoome un petit peu de cette ville du Petit-Quevilly, dont tu es la maire, je me demande si c’est revenu minimum étudiant est appelé à se dupliquer dans d’autres communes ?
Aujourd’hui en France, on en dénombre une quinzaine de communes qui ont un dispositif de ce type, alors il n’y a pas toujours des contreparties, et les montants peuvent être différents.
On peut citer, par exemple, Berre-l’Étang, Chenôve, encore Grande-Synthe, la particularité, en voyant la liste, c’est que ce sont toutes des petites villes ou des villes moyennes.
Sur la base de l’expérience de cette mise en place, au Petit-Quevilly, quels seraient, selon toi, les freins et les leviers pour une généralisation de ce type d’initiative en France, alors en je parle de généralisation par les municipalités, on pense immédiatement à son coût pour les finances publiques ?
– Oui, c’est ça, ça va forcément dépendre, comme tu l’as dit, de la taille de la commune, plus on est une grosse commune plus, potentiellement on va avoir d’étudiants et ça peut avoir un impact sur le budget qui est n’ont négligeable et à l’heure où on a parlé tout au long de cette année 2023-2024 de la situation des finances publiques, des collectivités territoriales et notamment des municipalités, qui elles aussi subissent l’inflation, l’augmentation du coût de l’énergie, l’augmentation des matières premières par exemple pour accueillir les repas des élèves dans les cantines, et avec la suppression d’une des ressources qui était une des ressources principales des communes, c’est la suppression de la taxe d’habitation.
Et bien, voilà, les budgets des communes sont un peu tendus et on a la chance sur le Petit-Quevilly d’avoir, enfin la chance, c’est le résultat quand même d’un travail, de langues années de travail, de sérieux, vis-à-vis de la maîtrise du budget, de la maîtrise des dépenses et aussi surtout d’un investissement important dans la rénovation des bâtiments qui nous a permis aujourd’hui d’avoir, une maîtrise de l’impact de l’augmentation du coût de l’énergie donc,
ce qui fait qu’aujourd’hui, financièrement, on peut le faire sur le Petit-Quevilly, mais je pense que ce n’est pas le cas de toutes les communes, et je pense, je l’ai évoqué en introduction, que ce sujet devrait aussi être pris en mains par l’État parce que, selon qu’on habite une commune qui le met ou pas en place, on a la chance ou pas de pouvoir potentiellement en bénéficier
et pour travailler sur l’égalité entre les citoyens, il faudrait que l’État évidemment se saisisse du sujet.
– Oui, parce que, pour précision, les auditeurs français qui nous écoutent le savent, mais peut-être pas tous dans la francophonie, en France, les revenus minimum, les revenus sociaux minimum, commencent à partir de l’âge de 25 ans, c’est donc dans cette tranche d’âge de 18 à 25 ans qu’il y a au plan national, un vide qui est compensé que par des bourses d’étudiants ou le travail, évidemment, par ces jeunes personnes.
Charlotte Goujon, maire de Petit-Quevilly, vice-présidente de la métropole Rouen Normandie.
Je mets dans la description de cet épisode le lien de la page Internet consacrée au revenu minimum étudiant sur le site de ta ville.
On va suivre l’évolution de ce dispositif est notamment dans la newsletter de ce podcast qui est disponible sur LinkedIn.
Charlotte, merci d’être passée dans cette émission.
– Merci à toi.
– Voilà, c’est la fin de cet épisode.
Si vous l’avez aimé, notez-le, partagez-le et parlez-en autour de vous.
Vous pouvez aussi nous retrouver sur notre site Internet.
www.csoluble.media,
À bientôt 😉
POUR ALLER PLUS LOIN
- La page dédiée sur le site de la ville de Petit-Quevilly
TIMECODES
00:00 Introduction
01:07 Le parcours de Charlotte Goujon
02:45 Pourquoi la ville de Petit-Quevilly lance le Revenu Minimum Étudiant (RME)
05:02 La cherté de la vie étudiante
05:59 Les conditions à respecter & les bénéfices attendus
12:42 Une duplication ailleurs en France ?
14:58 Merci à Charlotte Goujon!
Fin
Propos recueillis par Simon Icard.
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