Le réchauffement climatique, alimenté par les activités humaines, intensifie la fréquence et la gravité des catastrophes en France, des canicules aux inondations, en passant par les tempêtes et les feux de forêt. La France est-elle prête à faire face à ces urgences climatiques ? Pour Soluble(s), Jérémie Chaligné, responsable du pôle Éducation à la résilience pour la Croix-Rouge française, partage des solutions concrètes pour renforcer la résilience individuelle et collective.
Écouter plus tard

Photo : Canva.
Transcription (Automatisée)
>> Lire l’article source : Canicules, inondations, tempêtes, feux de forêt : comment s’y préparer – Avec la Croix-Rouge
– Simon Icard : Bienvenue dans un nouvel épisode de Soluble(s). Aujourd’hui, je veux savoir comment nous pouvons mieux nous préparer aux crises climatiques. La Croix-Rouge française sonne l’alerte à l’heure où le réchauffement de notre climat amplifie les dangers. Mais pas de panique, des solutions sont là.
Bonjour Jérémie Chaligné.
– Jérémie Chaligné : Bonjour Simon, merci pour l’invitation.
– Avec plaisir, tu es responsable du pôle Éducation à la résilience pour la Croix-Rouge. Tu aides les Français à se préparer aux catastrophes climatiques : des canicules, inondations, tempêtes, cyclones et autres feux de forêt. On va voir pourquoi il est urgent d’être mieux préparé pour affronter ces risques qui sont inévitables. On va être très concrets, tu nous aideras notamment à remplir notre sac d’urgence, un véritable kit que nous devrions tous avoir à portée de main dans nos maisons pour couvrir les besoins vitaux de chaque personne, chaque famille. Mais d’abord, on veut en savoir plus sur toi, sur ton parcours. Qu’est-ce qui t’a conduit à t’engager sur ce terrain ?
Le parcours d’un engagement face au changement climatique
– Alors moi, j’ai un parcours un peu singulier, comme beaucoup. Je suis ingénieur agronome de formation. Et donc très tôt, j’ai été aussi sensibilisé aux effets notamment du changement climatique, j’ai beaucoup été impliqué en matière d’éducation, notamment des jeunes sur des thématiques de science, d’égalité, de citoyenneté. Et donc je suis arrivé à la Croix-Rouge en 2020, il y a cinq ans maintenant, et j’ai été au départ en charge du bénévolat, puis en charge du bénévolat et de la jeunesse, et depuis trois ans du coup sur ces sujets d’éducation, de sensibilisation, de prévention auprès de l’ensemble de la population et notamment aussi auprès des jeunes, pour qui c’est particulièrement important.
L’intensification des catastrophes climatiques en France
– Alors, je suis sûr qu’on est donc avec la bonne personne pour tout savoir, tout comprendre. Alors quelques informations d’abord en métropole et dans les Outre-mer, les catastrophes climatiques ont tendance à s’intensifier sous l’effet du réchauffement climatique. Dans un rapport publié en 2024, la Croix-Rouge française souligne que 50 millions de Français ont été touchés par des vagues de chaleur l’année 2023. Il y a aussi évidemment d’autres risques, d’un côté le mercure qui s’affole, de l’autre l’eau qui peut déborder avec des crues, des inondations. Deux tiers des Français sont exposés aux risques d’inondations et de mouvements de terrain. Jérémy, pour bien comprendre la suite de cet épisode, peux-tu nous dire concrètement de quoi parle-t-on quand on évoque des événements climatiques extrêmes dans le cas de la France ?
– Effectivement, comme je le disais, ces crises d’origine climatique, aujourd’hui on voit qu’elles s’intensifient, on voit aussi que leur fréquence augmente. Ce qu’on observe, c’est que ces crises, elles s’alimentent, elles se diversifient, elles se multiplient. Et en cela, c’est vraiment l’ensemble de la population française aujourd’hui qui est concernée par les effets du changement climatique. Il faut savoir aussi que la France est un des pays qui se réchauffe le plus rapidement au monde. Comme tu l’as mentionné, les risques qui sont les plus prégnants aujourd’hui, ça va être les inondations, les canicules, les vagues de chaleur, les sujets de sécheresse. 93 départements concernés en 2023, ce qui a aussi induit une hausse des feux de forêt. Des tempêtes, des cyclones, notamment sur des territoires ultramarins.
Le défi de la préparation face aux risques croissants
– Oui, il est établi par la communauté scientifique que la température moyenne de la planète va hélas continuer de s’élever tout au long de notre siècle, malgré des efforts indispensables qui sont actuellement réalisés pour contenir ce réchauffement à l’horizon de 2100. Je le disais dans l’introduction, la Croix-Rouge française alerte et constate que l’exposition des Français aux risques climatiques augmente, on vient de le dire, mais cette exposition augmente plus, plus vite que leur niveau de préparation qui, lui, reste bien trop faible. Alors, comment expliques-tu cette situation d’impréparation ?
– Alors, il y a un travail des pouvoirs publics qui est fait depuis au moins une bonne vingtaine d’années sur ce qu’on appelle les gestes qui sauvent, la formation en premier secours. Pour autant, on a peut-être un peu de retard par rapport à d’autres voisins européens, notamment sur vraiment ce que nous, au niveau de la Croix-Rouge française, on appelle aussi les comportements qui sauvent. Tous les savoirs et comportements qui permettent de réduire les risques en s’y préparant. Et donc, ça, c’est notamment face aux crises, aux catastrophes d’origine climatique. Donc, là-dessus, on a vraiment un besoin de renforcer la sensibilisation, la formation, la préparation de l’ensemble des acteurs et de la population face à ces situations-là.
Le Catakit : votre sac d’urgence indispensable
– Oui, parce qu’il y a des plans de gestion des catastrophes en tout genre, évidemment, mais on va voir que ça va de… les échelles d’action vont de l’individuel jusqu’au collectif. On va plonger en détail dans ce sujet et voir d’abord ce que peuvent faire les citoyens pour bien se préparer. On va évoquer, tu le disais, les gestes qui sauvent, mais il y a aussi la prévention d’une situation qui peut dégénérer en attendant l’arrivée des secours. Quand on est parfois bloqué dans une maison inondée ou en proie à un événement climatique extrême, face à cela, tu recommandes de préparer un sac d’urgence en cas d’urgence. C’est-à-dire, quand tu es en situation d’évacuation à venir. De quoi s’agit-il ? Est-ce que ça s’appelle le Catakit ?
– Oui, c’est ça. Donc, au niveau de la Croix-Rouge française, on l’appelle le Catakit. Mais donc, effectivement, c’est un sac d’urgence qui permet de pouvoir être autonome, soi et sa famille, pendant 48 à 72 heures, si éventuellement les secours sont dépassés. Donc, ils peuvent tarder à arriver aussi pour les familles. Concrètement, aujourd’hui, en fait, ce Catakit, il va se composer d’un tas d’items, mais qui vont répondre à cinq besoins fondamentaux en situation d’urgence. Ces cinq besoins par ordre de priorité, ça va être le premier de se soigner, ensuite de pouvoir se mettre à l’abri, ensuite se signaler auprès des secours, et ensuite, effectivement, s’hydrater et s’alimenter. Et donc, il va pouvoir y avoir, par exemple, on a, nous, une lampe à manivelle, à dynamo, qui va aussi faire radio et signal d’alerte. Une banderole SOS, ça peut être une bougie qui va durer pendant 40 heures, ça va être des couvertures de survie, ça va être, bien sûr, une trousse de secours. On va aussi pouvoir y mettre des denrées alimentaires, des copies de ses papiers d’identité ou de ses clés, par exemple. Et voilà, pas mal d’autres choses encore, mais déjà quelques exemples.
– Oui, un sac très complet. Alors, je mets dans la description de l’épisode tous les détails. On comprend qu’au-delà de l’eau, des aliments et des couvertures, des couvertures de survie, il y a aussi à intégrer les coupures d’électricité. Tu le disais, des lampes à manivelle, des radios sans piles. On voit à chaque catastrophe que les réseaux sont vulnérables aussi.
– Oui, tout à fait. Et ça, c’est extrêmement important à prendre en considération. C’est-à-dire que même si ma maison n’est pas proche du lit de la rivière qui potentiellement va déborder et qu’elle est en hauteur, pour autant, si les réseaux d’eau, si les réseaux d’électricité sont coupés, derrière, on peut… On peut avoir en cascade des effets qui nous rendent très vulnérables. Et sur l’hydratation, sur des médicaments qu’on prend parce qu’on a des maladies chroniques, par exemple, c’est extrêmement là-dessus important de pouvoir être préparé et justement pouvoir être autonome pendant un jour, deux jours, voire même trois jours en cas de très, très grande catastrophe.
– Ce sac d’urgence s’appelle le Catakit dans le vocabulaire de la Croix-Rouge. L’Union européenne recommande un sac d’urgence similaire qu’elle appelle un sac de résilience. Et d’après vos chiffres, vos constatations, seules 10% des Français ont ce réflexe de confectionner ce sac d’urgence. Que dirais-tu à des personnes qui nous écoutent et qui se demanderaient si cela est vraiment utile et accessible, même avec un petit budget ?
– La première chose, en fait, c’est que l’acte déjà de construire, de composer son Catakit est un premier acte, en fait, de préparation. Parce que quand on va le composer, on va se questionner aussi à quel risque est-ce que je suis exposé. Est-ce que c’est plutôt l’inondation ? Est-ce que c’est plutôt le feu de forêt ? Est-ce que c’est plutôt un mouvement de terrain ? Et à ce moment-là, il faut personnaliser aussi la composition de son Catakit au regard, bien sûr, des risques auxquels on est exposé, mais aussi au regard de la composition de mon noyau familial, de là où j’habite. Et donc, effectivement, est-ce qu’il faut ces médicaments pour des maladies chroniques ? Est-ce que chez moi, il faut absolument que je sache où sont les entrées pour couper le gaz, pour couper l’électricité ? Est-ce que mes enfants sont bien au courant aussi d’où sont situés derrière ces robinets de coupure ? Donc, en fait, tout ça, ça va permettre quand même de diminuer aussi l’anxiété et de se sentir prêt. Si ça n’arrive pas, tant mieux. Mais le jour où ça arrive, c’est pas dans l’immédiateté. On est en capacité, derrière, sous situation de stress, de pouvoir identifier derrière ce qui est absolument nécessaire. Donc, ça sauve des vies, réellement. Ça sauve des vies.
S’adapter aux risques spécifiques : canicule, incendies, inondations
– C’est tout le cœur de cet épisode, de bien se préparer, de bien comprendre pourquoi c’est important. En France, on fait face à des catastrophes variées. La canicule est ce risque le plus prégnant. Dans ce rapport que j’ai cité et qui fait référence à l’année 2023 : 42 jours de canicule, des inondations aussi à répétition. On se souvient des vagues d’inondations dans le Pas-de-Calais, fin 2023, début 2024, des tempêtes en métropole, des cyclones outre-mer, des feux de forêt. La culture du risque varie selon la géographie, par définition. En métropole, les habitants sont moins sensibilisés aux risques cycloniques. Et inversement, selon les territoires, dirais-tu que nous devons tous nous réinterroger sur notre propre rapport au risque ?
– C’est fondamental. C’est fondamental parce que c’est par rapport à ce qu’on disait au début aussi, ces crises-là, elles se multiplient, elles s’alimentent, elles se diversifient. Donc, on est potentiellement tous et toutes exposés. Et ce n’est pas parce que dans mon département, dans ma région, il n’y a jamais eu de feux de forêt ces 30 dernières années qu’il n’y en aura pas les 30 prochaines. Donc là-dessus, encore une fois, il ne faut pas avoir une perception anxiogène de la situation, mais il faut vraiment voir ces actions de préparation comme quelque chose qui permet de limiter l’anxiété et de se sentir prêt à être prêt. C’est une phrase, souvent qu’on dit à la Croix-Rouge française, « préparez-vous à être prêts ». On va prendre quelques risques qui sont de saison. Cet épisode passe au mois de juin. Peux-tu nous rappeler ce qu’il est primordial de mettre en place individuellement, collectivement, face aux risques liés à l’été, à la chaleur et aux feux de forêt ?
– Face aux vagues de chaleur, déjà, c’est de toujours pouvoir s’hydrater énormément, toujours avoir, bien sûr, de l’eau, rester le moins possible au soleil et dans des zones ombragées avec des vêtements qui sont extrêmement amples. Derrière, pas de vêtements serrés, faire très attention sur nos habitudes aussi de pratiques sportives. Idéalement, ne pas les avoir entre 11h et 16h, aux heures plutôt matinales ou en fin de journée. C’est limiter toute activité qui peut être prenante. Identifier aussi dans notre entourage les personnes potentiellement vulnérables. Ça peut être, bien entendu, les personnes âgées, qu’elles soient isolées ou pas. Ça peut aussi être les enfants, les nourrissons, les femmes enceintes, les personnes qui auraient des maladies chroniques aussi. Connaître, voilà, un petit peu ces poches de vulnérabilité pour pouvoir leur venir en aide. Toujours, quand on a des doutes, contacter son médecin généraliste aussi en cas de douleurs qui sont singulières, qu’on n’a pas l’habitude d’avoir. Et voilà, un petit peu sur les messages clés qu’on peut garder sur les vagues de chaleur.
– Oui, et puis, il y a ce risque d’incendie. Alors, on ne va pas plonger dans le détail, mais parlons du risque d’incendie. Lorsqu’on est dans sa maison, le risque d’incendie extérieur, de feu de forêt, faut-il s’abriter à tout prix dans sa maison face à un incendie, une situation d’urgence immédiate ? Donc, déjà, bien connaître le numéro d’urgence des pompiers, le 18, ça, c’est indispensable. Ensuite, derrière, toujours s’informer de ce qui se passe sur des sources qui soient fiables, les pompiers, la gendarmerie, les services de l’État, la radio, etc. Vraiment s’informer là-dessus. On peut tout à fait aussi, derrière, toujours ouvrir le portail de sa maison si jamais les secours ont besoin de pouvoir venir. On peut arroser les abords de sa maison aussi pour essayer de limiter un petit peu les effets du feu qui arriverait dans la maison. Couper le gaz, fermer les bouteilles de gaz et s’enfermer chez soi en attendant les consignes. Ce qui est vraiment le plus important, peut-être, c’est de savoir bien s’informer et d’écouter les consignes. Ne pas partir à tout va, chercher ses enfants à l’école, vouloir s’enfuir alors qu’on ne sait pas où se propage le feu et quelles routes sont bloquées, quels sont les risques respiratoires. Donc, toujours vraiment bien s’informer et suivre les consignes. Ça, c’est fondamental, suivre les consignes. Et bien s’informer, ça passe aussi. Donc là, on est dans un podcast, mais ça passe par les ondes, par la radio, qui est souvent le média le plus stable, et notamment lorsqu’on a des piles et qu’il n’y a plus d’électricité, les radios du service public, notamment de Radio France, de France Bleu, qu’il faut avoir en tête dans ces cas-là.
– Parlons à présent des épisodes de fortes pluies. Leurs fréquences et leurs sévérités sont-elles aussi aggravées par ce réchauffement climatique, mais aussi le ruissellement qui, lui, est accéléré par les conséquences négatives d’autres activités humaines comme l’urbanisme, par exemple. Je donnais ce chiffre au début de l’épisode. Deux tiers des Français sont exposés aux risques d’inondations et de mouvements de terrain. Quelles sont les bonnes postures à adopter face à un événement de ce type ? Qu’on soit en extérieur ou dans son quartier, dans sa maison, face à une inondation ? Déjà, si on est chez soi, ça va être un peu les mêmes réflexes que pour les feux de forêt. Il y a toujours une conduite à tenir globalement qui est la même. Pouvoir se préparer, pouvoir s’informer, s’il y a la possibilité de gagner un point en hauteur pour se mettre à l’abri, c’est une bonne chose. Ne pas se déplacer, sauf si les autorités le demandent. Encore une fois, typiquement, ne pas aller chercher ses enfants à l’école. Il faut avoir confiance derrière, dans les équipes qui vont les mettre en sécurité. Le fait d’aller prendre sa voiture et de se déplacer, ça peut être un risque plus qu’avéré. Ne jamais traverser une zone inondée, que ce soit à pied ou en voiture, même si on a l’impression que le niveau de l’eau est bas. On ne sait pas les courants qui peuvent y être et si on se fait faucher et embarquer, ça peut aller extrêmement vite. Ne pas attendre le dernier moment pour évacuer aussi en se disant qu’on va voir comment ça se passe et éventuellement si je peux ne pas partir de chez moi, c’est bien mieux. Et en situation d’inondation, ce qui est extrêmement important aussi, c’est de pouvoir s’assurer que l’eau que l’on boit est potable. Et donc là-dessus, même si on pense que l’eau du robinet fonctionne encore, potentiellement, il y a déjà eu des dégâts au niveau du réseau et il peut y avoir des sources de contamination. S’assurer que l’eau est potable.
L’importance des gestes qui sauvent et de la formation
– Même si nous ne sommes pas tous des secouristes, il y a parfois des situations d’urgence où les secouristes ne sont pas encore là ou ne peuvent pas arriver. D’où l’importance de connaître les gestes et les comportements qui sauvent. La Croix-Rouge souhaite que 80% de la population soit formée. Aujourd’hui, on est à mi-chemin, c’est la moitié, 40%, mais c’est aussi moitié moins qu’en Allemagne. Savoir comment secourir un proche, un voisin, un passant dans la rue, dans l’attente des secours est donc une solution à développer, on l’a bien compris. Mais comment se former concrètement ?
– Comment se former ? Il faut venir à la Croix-Rouge française pour pouvoir se voir proposer une formation aux gestes qui sauvent. Il y a aussi bien d’autres associations qui proposent ces formations : des unions départementales des sapeurs-pompiers. Il y a en tout une petite vingtaine d’associations qui sont habilitées par le ministère de l’Intérieur à proposer ces formations à destination du grand public. Il faut aller se renseigner sur les sites internet. Vous pouvez derrière identifier quelle est la formation la plus proche de chez vous selon vos disponibilités et vous y inscrire. Au niveau de la Croix-Rouge française, il y a d’autres possibilités. Par exemple, cet été, tous les ans, on a un dispositif qu’on appelle l’été qui sauve et donc nos unités locales vont venir proposer aux Français et aux Françaises, sur leur lieu de villégiature, des sensibilisations gratuites. Donc ça peut être sur des plages, sur des places de marché là où il y a du monde et donc vous pouvez passer et discuter quelques minutes, passer une heure pour suivre ces initiations premiers secours gratuites. On observe sur le sujet des premiers secours qu’il y a des progrès continus dans le temps et notamment en direction des jeunes publics avec les écoles qui ont intégré ce paramètre. Est-ce que tu dirais que ça va dans le bon sens et que ça infuse dans la population ?
– Complètement. Il y a une loi qui a été votée en 2020 qui s’appelle la loi citoyen sauveteur qui rend vraiment obligatoire le passage de la formation PSC1 (premiers secours citoyen) avant la classe de troisième. Et donc aujourd’hui quand on regarde un peu plus précisément au niveau des chiffres on se rend compte qu’au niveau des moins de 25 ans ça va plutôt être deux tiers des jeunes qui estiment connaître à peu près leurs gestes de premiers secours quand on tombe plutôt en dessous d’un tiers quand on passe les plus de 65 ans. Donc on voit que ça va dans le bon sens. Les effets de la loi, les actions des associations agréées de sécurité civile fonctionnent. Maintenant, ça doit être un effort permanent. Et ce n’est pas parce que j’ai suivi ma formation aux gestes qui sauvent il y a 5 ans qu’il ne faut pas aussi que je me rafraîchisse la mémoire et que je refasse une formation régulièrement, tous les 2 ans, tous les 3 ans, tous les 5 ans, dès que possible.
Gérer l’impact psychologique des crises et la coordination nationale
– L’actualité récente a mis en évidence les conséquences sur la santé mentale que des événements climatiques extrêmes peuvent avoir sur les individus, sur les personnes. Je pense notamment aux inondations à répétition qui ont fait peser sur les sinistrés du Pas-de-Calais une forte pression morale jusqu’à cinq vagues de crues détruisant parfois leurs maisons. Quelles sont tes constatations sur ce sujet de la santé mentale ? Des solutions existent, mais la Croix-Rouge française incite à mieux faire. C’est sur le plan collectif que ça doit se jouer. C’est à la fois sur le plan individuel et collectif cette notion de résilience. Elle doit se jouer à tous les niveaux pour savoir faire face à ces crises. Donc oui, ce qu’on estime aujourd’hui c’est qu’entre 20 et 50% des populations qui ont vécu des catastrophes d’origine naturelle peuvent développer des troubles d’ordre psychologique. Ça peut ne pas arriver dans l’immédiat, ça peut arriver sur le long terme. Et là-dessus, au niveau du constat de la Croix-Rouge française, c’est qu’il faut vraiment une montée en compétence, d’une part, des acteurs de secours pour savoir justement accueillir aussi et identifier ces situations de santé mentale qui peuvent être complexes. Savoir faire preuve d’écoute active, savoir faire preuve d’empathie, de non-jugement, d’accompagnement et d’orientation et également au niveau de la population directement. C’est comment on est sensibilisé aussi aux facteurs qui permettent de mieux se protéger et protéger les autres. Et donc ça va être vraiment les mêmes leviers qu’on peut avoir au niveau des secouristes, mais appliqués du coup à l’individu, à sa famille et à ses proches. C’est-à-dire que face à une inondation, même si on a beaucoup de démarches à faire, d’assurances, il ne faut pas négliger sa santé mentale et ne pas hésiter aussi à aller vers des professionnels en pareille situation.
– Au niveau collectif. J’en parlais, il y a d’autres leviers d’action sur lesquels la Croix-Rouge veut mobiliser. Elle appelle à la création d’un chef de file national pour coordonner la gestion des crises. Alors évidemment, l’État, les pouvoirs publics sont déjà mobilisés. Mais qu’est-ce que ça veut dire concrètement un chef de file national ?
– Concrètement, c’est vraiment aujourd’hui, c’est au niveau de ce qu’on appelle la DGSCGC, la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises, qui est une des directions du ministère de l’Intérieur, qui va du coup travailler avec les associations agréées de sécurité civile. La Croix-Rouge française, ça pourrait être l’Ordre de Malte, ça pourrait être la Protection Civile et donc localement, en fonction des forces vives. Ça va toujours être en situation de crise, le maire d’une commune en lien avec le préfet, qui sont vraiment le binôme, le binôme représentant des institutions publiques qui vont coordonner derrière la crise et en fonction derrière les différentes associations vont pouvoir être déployées sur le terrain en tant qu’auxiliaires des pouvoirs publics. Là-dessus, on gagnerait à améliorer toujours la coordination entre ces différents acteurs. Il y a des compétences, des expertises qui peuvent être différentes avec les pompiers par exemple, avec la Croix-Rouge française où nous, on est très présents, bien sûr, en termes de protection au moment de la crise, mais aussi en aval, justement, en termes de suivi, d’accueil et de soutien des populations sur le long terme. Donc là-dessus, on gagnerait à améliorer cette coordination sur le long terme, une meilleure coordination.
Soutenir les plus vulnérables et s’engager avec la Croix-Rouge
– Alors, je ne voudrais pas oublier un des publics les plus vulnérables, si ce n’est le public le plus vulnérable, je veux parler des sans-abri, des personnes sans-abri face aux risques climatiques et aux événements météorologiques extrêmes. Une partie des habitants est donc encore plus à risque. Comment la France peut-elle mieux faire en direction de ces publics particulièrement vulnérables ? Et notamment parce que là, on parlait de la mairie, du maire, ce sont par définition des personnes qui sont très peu recensées. On ne sait pas comment les joindre pour les prévenir, les alerter.
– Normalement, il y a quand même une bonne connaissance derrière des personnes qui ont ces besoins d’accompagnement en termes de sans-abrisme, c’est ce qu’on appelle ce suivi au niveau des CCAS, des centres communaux de l’action sociale. Et donc c’est là qu’il doit y avoir aussi une meilleure coordination entre les différents acteurs du service public. Et donc, dans ces plans communaux de sauvegarde qui sont obligatoires aujourd’hui, on doit pouvoir justement identifier quels sont les profils, les publics et les structures qui sont particulièrement vulnérables. Et donc en situation d’urgence, savoir comment recenser derrière les besoins en termes de centres d’hébergement d’urgence, en termes de distribution de kits d’hygiène, de kits d’alimentation, etc. Donc là, c’est aussi ça fait suite à ce besoin de meilleure coordination de l’ensemble des acteurs impliqués, pas uniquement ceux qui sont qualifiés en termes de gestion et de réponse à la crise, mais aussi les acteurs du quotidien, notamment sur l’action sociale.
– La Croix-Rouge est fortement mobilisée. Elle a de nombreux bénévoles, Croix-Rouge française, plus de 75 000 bénévoles. Alors comment aider la Croix-Rouge française ? Comment aider celles et ceux qui viennent en aide au-delà des dons financiers ? Vous recherchez des dons en temps, du bénévolat ? Comment on peut vous aider si on le souhaite ?
– Alors le meilleur moyen de pouvoir aider, c’est de s’engager, donc effectivement de devenir bénévole au sein de la Croix-Rouge française. On peut avoir un engagement de long terme. On peut aussi s’engager beaucoup plus ponctuellement : du bénévolat d’un jour, du bénévolat ponctuel. Et donc il peut y avoir des actions pour lesquelles, n’ayant pas été formé ou ne connaissant pas encore la Croix-Rouge française, pour autant, je peux m’impliquer et aider à répondre aux besoins des populations. Ça, c’est vraiment le premier mode d’aide le plus important, je pense, l’engagement. Bien entendu, les dons financiers sont aussi toujours très importants. On a besoin d’avoir des achats de matériel pour la population, des achats en termes de logistique, pour construire des centres d’hébergement d’urgence. Il y a plein de choses, mais c’est vraiment deux modalités qui sont les plus importantes pour nous. L’engagement en premier lieu, l’aide financière. Dans un second temps également.
– L’urgence à bien se préparer aux situations d’urgence avec Jérémie Chaligné, responsable du Pôle éducation résilience à la Croix-Rouge française. Merci d’être passé dans cette émission. Vous pouvez retrouver toutes les informations utiles, les liens internet évidemment, la composition complète du Catakit. Je mets tout ça dans la description.
– Jérémy, merci pour ton témoignage, merci pour tes informations, merci d’être passé dans Soluble(s).
– Merci Simon, c’était un plaisir. Merci à vous.
– Voilà, c’est la fin de cet épisode. Si vous l’avez aimé, notez-le, partagez-le et parlez-en autour de vous. Vous pouvez aussi nous retrouver sur notre site internet, csoluble.media. À bientôt !
POUR ALLER PLUS LOIN
- Lire sur le site de La Croix-Rouge : “Catakit : Préparer son sac d’urgence”
- Le rapport Risques climatiques cité dans l’article et l’épisode.
- Le guide gestes de premiers secours : www.croix-rouge.fr/les-gestes-de-premiers-secours
TIMESCODES
00:00 Introduction
01:15 Le parcours de Jérémie Chaligné
02:01 Catastrophes climatiques en France : intensification et risques
03:44 L’impréparation de la population française face aux risques
05:35 Le Catakit : composition et utilité
07:01 L’importance de se préparer aux coupures de réseaux
08:11 La personnalisation du Catakit et la réduction de l’anxiété
09:28 L’importance de réinterroger notre rapport au risque
11:10 Conseils face aux vagues de chaleur
12:14 Conseils face aux feux de forêt
14:26 Conseils face aux inondations
16:20 Se former aux gestes qui sauvent
10:59 L’amélioration de la formation aux premiers secours chez les jeunes
18:34 L’impact des événements climatiques sur la santé mentale
20:52 L’appel de la Croix-Rouge pour un chef de file national
22:01 La vulnérabilité des sans-abri face aux risques climatiques
23:51 Comment aider la Croix-Rouge française : bénévolat et dons
24:45 Merci à Jérémie Chaligné
25:37 Fin
>> Voir aussi : Canicule : l’appel à ouvrir des “Oasis Solidaires” pour offrir de la fraîcheur aux personnes âgées (Les Petits Frères des Pauvres)
CITATIONS
En direct de Jérémie Chaligné, responsable du pôle Éducation à la résilience pour la Croix-Rouge française

Photo: DR.
– Sur la fréquence et l’intensité des crises climatiques :
« Aujourd’hui, on voit qu’elles s’intensifient, on voit aussi que leur fréquence augmente. Ce qu’on observe, c’est que ces crises, elles s’alimentent, elles se diversifient, elles se multiplient« .
– Sur la situation de la France face au réchauffement climatique :
« Il faut savoir aussi que la France est un des pays qui se réchauffe le plus rapidement au monde« .
– Sur l’objectif du Catakit :
« C’est un sac d’urgence qui permet de pouvoir être autonome, soi et sa famille, pendant 48 à 72 heures, si éventuellement les secours sont dépassés« .
– Sur les cinq besoins fondamentaux en situation d’urgence :
« Ces cinq besoins par ordre de priorité, ça va être le premier de se soigner, ensuite de pouvoir se mettre à l’abri, ensuite se signaler auprès des secours, et ensuite, effectivement, s’hydrater et s’alimenter« .
– Sur l’importance de la préparation :
« Il faut vraiment voir ces actions de préparation comme quelque chose qui permet de limiter l’anxiété et de se sentir prêt« .
_
Ecouter aussi
AMEP, c’est quoi le don d’électricité renouvelable entre voisins ?
Précarité : un chèque alimentation durable de 50 euros testé en Seine-Saint-Denis
POUR SOUTENIR LE PODCAST :
Abonne-toi, je serai très heureux de te compter dans l’équipe des constructifs !
⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️
Note le 5 étoiles sur Apple Podcasts ou Spotify !
Simon
❤️