Bientôt de l’huile d’olive de Gironde ? Fabien Bougès viticulteur bio diversifie son exploitation située aux Essaintes (33) en plantant 2 ha d’oliviers. Le but, faire face à une crise sans précédant qui touche les vins de Bordeaux et s’adapter au changement climatique.
Écouter plus tardUn pari et un défi technique
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Transcription (automatisée)
Bienvenue dans ce nouvel épisode de Soluble(s).
Aujourd’hui, je souhaite médiatiser la démarche d’un viticulteur pour diversifier son exploitation et s’adapter aux changements climatiques.
Bonjour, Fabien Bougès.
Bonjour, Ansika.
Vous êtes un jeune agriculteur à la tête du Petit Ribier, un domaine viticole qui est situé en Gironde, mais je voudrais d’abord revenir sur votre parcours.
Vous n’avez pas commencé votre vie professionnelle par le travail de la terre.
Vous faisiez quoi avant?
Alors, si, si, moi, j’ai grandi sur une exploitation agricole, l’exploitation familiale.
J’ai fait des études agricoles et après être un peu allé me promener à droite à gauche dans le monde, je suis revenu sur l’exploitation familiale en 2008.
Vous avez bourlingué comme vous dites.
Vous êtes revenu donc à votre exploitation familiale et vous avez décidé de lui donner une nouvelle orientation.
Quel choix avez-vous fait au début?
Vous êtes allé vers le bio?
Oui.
Alors, quand je suis revenu sur l’exploitation en 2008, mes parents m’ont laissé un petit peu de temps et puis ils m’ont dit assez rapidement, ben écoute, si tu veux rester sur l’exploitation, on me propose de passer en bio eh ben ça tombe bien parce que c’est exactement ce que je voulais faire à l’époque.
Alors conversion en bio, c’est le début d’une étape vers toute une évolution du petit ribier.
On va voir ça en détail et en effet, si je vous reçois aujourd’hui dans Soluble(s), c’est pour parler de cette démarche de diversification.
Le petit Ribier est situé à environ 50 minutes de Bordeaux.
Est-ce que vous pouvez nous décrire un peu pour qu’on s’imagine votre exploitation?
Alors l’exploitation aujourd’hui, elle compte principalement de la vigne, puisque c’est notre premier métier.
Donc 34 hectares de vigne en cave coopérative.
C’est-à-dire que je ne fais pas le vin chez moi.
Voilà, je fais partie d’une cave coopérative.
Il y a une vingtaine d’hectares de céréales.
Et donc, récemment, depuis 2021, deux hectares d’oliviers et un élevage de …
Alors on va spécifiquement parler des olives et des oliviers, parce que je dois vous dire que ce choix paraît étonnant et je voulais en savoir plus.
Pourquoi avoir décidé de faire pousser des oliviers dans le Sud-Ouest, en Gironde, au milieu des vignes?
Alors, ça vient d’une réflexion qu’on a eu avec mon épouse dès fin 2018-2019, où après avoir, après dix ans pratiquement de culture de la vigne en bio, on avait bien profité de l’embellie sur la vente des vins bio.
Mais on sentait que la crise viticole actuelle dans le Bordelais, on la sentait déjà arriver.
On voyait qu’il y avait énormément de conversions en bio et on s’est dit qu’il faut qu’on anticipe, il faut qu’on aille chercher d’autres productions parce que la crise sur le conventionnel va rattraper le bio et c’est ce qui est en train de se passer en ce moment.
Donc, on a cherché d’autres productions et l’olivier, c’est quelque chose que j’avais en tête depuis mes études, depuis longtemps.
Et en fait, ça répondait à plusieurs problématiques, c’est-à-dire l’adaptation au changement climatique, mais aussi de se placer sur un marché qui était peu concurrentiel, au moins localement.
Alors, on va voir les deux sujets.
Alors, le sujet économique, vous parlez de la crise viticole.
C’est essentiellement dans le Bordelais, lié à ce qu’on pourrait appeler une surproduction.
Il y a trop de, trop de, trop de vin, trop de raisins ?
Oui, il y a plusieurs facteurs.
Il y a, donc, les premiers facteurs sont structurels.
C’est-à-dire qu’on a planté beaucoup, beaucoup trop de vins dans le Bordelais.
Aujourd’hui, la consommation globale de vin est en baisse partout en Europe, voire dans le monde.
Et en plus de ça, il y a énormément de pays qui se sont mis à faire du vin, du très bon vin, aussi bien que nous.
Et donc, le marché mondial ne peut plus absorber les 5,5 millions d’hectolites que produit Bordeaux tous les ans, ce qui place l’appellation dans une crise sans précédent.
C’est vraiment une crise terrible, ce qui se passe en ce moment.
Donc, pour surmonter la crise, vous misez sur la diversification.
Donc, vous le disiez, et la culture d’Olivier dans le Sud-Ouest.
C’est un sacré défi technique, non?
Parce qu’on n’est pas dans un climat méditerranéen.
Oui, c’est plus qu’un défi, c’est un pari.
C’est les deux d’ailleurs.
Parce qu’on n’est pas sûrs que ça fonctionne.
Enfin, on laisse compte, on espère et on a de fortes raisons de croire que ça va marcher.
Mais effectivement, on est plus sur un climat océanique, plus humide et un peu plus froid.
Le froid n’est pas la contrainte parce que l’olivier, une fois adulte, il supporte bien le froid.
L’humidité l’est beaucoup plus.
Mais bon, on voit quand même depuis quelques années qu’on a beaucoup moins de pluviométrie et en l’installant sur les bonnes parcelles, sur les bons sols, on espère que ça va fonctionner.
Alors, vous parliez de l’adaptation au changement climatique.
En quoi cette démarche rentre-t-elle dans le cadre de cette préparation que vous amorcez?
En fait, ce qu’on constate depuis plusieurs années, c’est des pluviométries hivernales de plus en plus faibles, des périodes de sécheresse plus fréquentes et plus longues l’été.
Donc, l’olivier va mieux supporter tout ça que la ville, par exemple.
Et puis, il a le gros avantage aussi de fleurir tardivement au printemps, c’est-à-dire en mai-juin, ce qui n’est pas le cas de la vigne.
Et paradoxalement, dans notre région, le réchauffement climatique, il s’accompagne d’un démarrage de la végétation de plus en plus précoce au printemps, mais aussi de gelées tardives qui peuvent subvenir au mois d’avril.
Ce qui fait que la vigne, elle est sensible aux gelées printanières et l’olivier ne l’est pas, tout en résistant mieux à la sécheresse estivale.
Les oliviers, vous en avez déjà beaucoup sur ces deux hectares.
Parlez-nous un peu des chiffres et de ce que vous mettez en place.
Est-ce qu’on peut parler d’expérimentation?
Oui, parce que sur ces deux hectares, il y a donc quatorze variétés qui ont été implantées, principalement des variétés françaises qu’on a sélectionnées pour leur résistance au froid, premièrement.
Et il y a quelques variétés étrangères, grecques, italiennes, pas de variétés espagnoles a priori.
Pourquoi on a mis autant de variétés sur une si petite surface?
C’était pour voir lesquelles allaient le mieux s’adapter à notre climat et à notre sol.
C’est là que c’est un petit peu expérimental.
Et vous avez donc quand même beaucoup d’arbres, déjà 540 arbres, vous m’avez dit en préparant cette émission.
L’objectif à terme, c’est donc de sélectionner les variétés qui seront les plus adaptées, les plus productives.
Quelle débouchée voyez-vous à cette initiative en termes économiques?
Je crois que vous investissez dans un moulin.
L’objectif, c’est de mettre en place une filière de l’huile d’olive de Gironde.
Oui, oui.
De toute façon, à partir du moment où on va produire des olives, pour les faire transformer, on va éviter de leur faire faire 300 km dans un camion, parce que ce n’est pas dans l’air du temps et puis ça coûte très très cher.
Donc effectivement, on investit dans un petit moulin qui va nous permettre de traiter environ 100 kg à l’heure.
Donc pour nos premières récoltes, ça conviendra très bien.
On pourra même faire un peu de prestations pour des particuliers ou d’autres professionnels de la région.
Donc oui, c’est une minifilière, on va dire pour le moment, qui se met en place.
Et quel est l’horizon en termes de calendrier de ce projet?
A quand la bouteille d’huile d’olive de Gironde, du coup?
Alors, en ce qui nous concerne à nous, on espère pouvoir faire les premiers litres d’huile d’olive, mais ce sera vraiment très confidentiel en très petites quantités à l’hiver 2024.
Mais après, pour vraiment des quantités significatives, ce ne sera pas avant 2025-2026.
Une dernière question.
Je voulais me poser la question de savoir comment réagissait la profession autour de vous, dans votre secteur, donc dans le sud-ouest de la France.
Comment est accueillie cette idée, cette perspective?
Dans le sud-est de la France, les premières fois où on y est allé avec mon épouse en 2019, ils nous ont vu arriver un peu comme des extraterrestres.
Ils nous ont gentiment reçu, mais bon, voilà.
Et puis, comme on est revenu en 2021 en leur disant, ben ça y est, on a planté deux hectares, donc maintenant il faut nous accompagner.
Il faut prendre en compte ce qu’on fait.
Ben ils sont venus, ils sont venus voir.
Et on a organisé cette année avec, en collaboration avec la Chambre de l’agriculture de Gironde et France Olive qui est l’interprofession de l’huile d’olive, une journée de présentation de la culture de l’olivier en Gironde, à … , qui a réuni 80 viticulteurs quand même qui étaient intéressés par cette culture et par cette possibilité de se diversifier.
Voilà, parce que la Chambre de la culture de Gironde est très régulièrement interrogée sur la culture de l’olivier, parce que beaucoup de gens y pensent.
Écoutez, on peut dire que vous êtes un peu que sorte un pionnier dans votre région, du coup.
Oui, oui, on s’est lancé un peu.
Après, on n’est pas les tout premiers.
Il y a eu déjà des petites tentatives dans le Médoc, à saint-émilion, du côté d’’… aussi.
Voilà, à petite échelle.
De manière plus importante comme ça, de plusieurs hectares, on peut considérer qu’on est les premiers.
Alors nous, un dernier mot sur l’autre partie de votre diversification.
Vous m’avez parlé des poules.
Là aussi, c’était important pour vous.
Est-ce que justement, la culture des vignes, des olives et donc l’élevage de poules chez vous, tout ça s’organise en bonne harmonie?
Alors c’est un peu compliqué parce qu’il faut effectivement se réorganiser.
Mais on peut trouver des synergies entre toutes ces cultures, notamment au niveau des poules, parce qu’en fait l’atelier poules, on l’a lancé en même temps que l’atelier Olivier, parce que comme l’Olivier, c’est la rotation longue et que le retour sur investissement est long, il fallait monter une culture, une autre production, qui a un retour sur investissement beaucoup plus rapide.
Voilà, donc ça, c’était le pourquoi des poules.
Et ensuite, il peut y avoir des synergies du point de vue technique, parce qu’on imagine mettre les poules, une fois qu’elles ont fait leur période de ponte, et mettre à la retraite dans les parcelles d’olivier ou de vigne, parce qu’elles vont participer à la lutte insecticide en grattant le sol durant l’hiver et en détruisant les insectes sous forme larvaire.
Voilà, donc on est en train d’essayer d’imaginer un système où les trois cultures fonctionnent ensemble.
Les solutions sont sur le terrain.
Elles s’inventent chaque jour.
Merci Fabien Bougès d’être passé dans mon émission, dans Soluble(s), le podcast qui médiatise les solutions.
Eh bien, merci à vous.
Voilà, c’est la fin de cet épisode.
Si vous l’avez aimé, notez-le, partagez-le et parlez-en autour de vous.
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Écoutez l’épisode complet. (Seul le prononcé fait foi)
TIMECODES
00:00 Introduction
00:41 Ses débuts dans l’exploitation familiale
01:08 Conversion en bio
01:55 Description du “Petit Riber” son exploitation de 34 ha située à 50 minutes de Bordeaux
02:27 Depuis 2021, l’exploitation s’est diversifiée avec la plantation de 2 ha d’oliviers
02:52 Pourquoi avoir voulu se tourner vers l’oléiculture ?
04:03 La crise viticole dans le Bordelais
05:17 Cultiver des oliviers en Gironde : un pari et un défi technique
06:11 L’adaptation au changement climatique
07:22 Comme se déroule cette expérimentation ?
08:32 L’investissement dans un moulin
09:20 A quand la première bouteille d’huile d’olive de Gironde ?
09:47 Comment cette idée est-elle accueillie dans le Sud-Est de la France ?
11:32 Des vignes, des céréales, des oliviers et des poules : quelles synergies entre toutes ces cultures ?
13:03 Merci à Fabien Bougès !
FIN
Propos recueillis par Simon Icard.
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