[TRANSCRIPTION] Quand l’huile de friture usagée se transforme en carburant – GREGORY GENDRE
RENCONTRE. Et si on utilisait l’huile de friture usagée pour en faire du carburant ?
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[Mise à jour du 11/01/23] C’est officiel, rouler à l’huile de friture va devenir légal en France.
En validant le 31 décembre 2022 la loi de finances 2023, « le Conseil Constitutionnel a donné aux huiles alimentaires usagées (HAU) une nouvelle dimension », se félicite l’association Roule Ma Frite 17 dans un communiqué. En effet, l’article 68 stipule que celles-ci « peuvent être utilisées, pures ou en mélange, comme carburant pour les véhicules ».
« C’est bien entendu une nouvelle formidable pour l’association car cette décision entérine 15 ans de
travail de terrain pour élargir les mix-énergétiques locaux, explique Patrick Rosset président de
RMF17. En allant au bout de la démarche, le législateur ouvre ainsi une porte très intéressante pour
déployer les initiatives, les coopérations et les actions propres à chaque territoire. Pour tous les
adhérents, les membres de l’association et toutes celles et ceux qui s’intéressent au sujet, il y aura
désormais un avant et un après. Le nouveau chapitre qui s’ouvre s’annonce exaltant ».
Un décret attendu
Les conditions d’utilisation seront « définies par un décret en Conseil d’Etat pris après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail » et « en termes d’émissions de polluants atmosphériques, l’utilisation de ces huiles ou des carburants dérivés doit correspondre au moins aux performances des carburants ou biocarburants autorisés ».
Fiscalement, les HAU seront « soumises à la taxe intérieure de consommation, au tarif applicable au gazole prévu à l’article L. 312-35 du code des impositions sur les biens et services ». Historiquement positionnée sur la collecte du dernier kilomètre en ciblant tous les flux, RMF17 a organisé et géré au fil des ans un gisement global de 80 à 90 000 litres dans le 17 produit par plus de 330 établissements de la restauration privée et collective.
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Rouler à l’huile de friture usagée. Voilà une idée qui fait sens quand on sait que 170 millions de litres en sont utilisés chaque année dans la restauration .
À Oléron, en Charente-Maritime, Grégory Gendre a mis en place une véritable logistique de récupération des huiles de fritures, avec son équipe, son leitmotiv est de vouloir apporter “la preuve par l’exemple que des changements sont possibles !”
Dans cet épisode, nous parlons de cette initiative anti-déchets qui dépasse largement le sujet du carburant et qui permet même de créer du lien entre restaurateurs et agriculteurs et bénéficie aux touristes locaux.
(Écoutez cet épisode diffusé en septembre 2022)
Transcription (automatisée)
– “Il y a un sujet dont on parle peu, mais que nous, on vit extrêmement fort sur nos côtes.
C’est que plus, il y aura de gaz à effet de serre, plus il y aura d’évolutions climatiques notamment liées à la mer, à la montée des eaux, à l’évolution des tempêtes.
Et notre territoire, notamment le sud de l’île d’Oléron, est un des coins d’Europe de l’ouest qui recule le plus aujourd’hui.
C’est la montée des eaux.
Donc, on a aussi cette nécessité absolue par rapport à l’intégrité de notre territoire de contribuer à trouver des solutions moins carbonées.
Et alors là, il faut se remettre à sa place.
Roule Ma Frite ne va pas sauver l’humanité en termes de carbone.
En revanche, si on ventile, comme je viens de vous l’évoquer, sur ces quatre pans d’activité-là, on a un effet levier autour de l’île, à la fois en termes de résultats concrets et de résultats pédagogiques, qui là est extrêmement intéressant, avec in-fine, la réduction carbone qui est pas mal.”
– Et si on utilisait l’huile de friture usagée pour en faire du carburant?
Voilà une idée qui fait sens quand on sait que 170 millions de litres en seront utilisés chaque année dans la restauration.
Une solution qui pourrait même devenir légale si un amendement voté en juillet à l’Assemblée nationale était confirmé par le Parlement.
À Oléron, en Charente-Maritime, Grégory Gendre a mis en place une véritable logistique de récupération des huiles de friture avec son équipe.
Son leitmotiv est de vouloir apporter la preuve par l’exemple que des changements sont possibles.
Dans cet épisode, nous parlons de cette initiative anti-déchets qui dépasse largement le sujet du carburant et qui permet même de créer du lien entre restaurateurs et agriculteurs et bénéficie aux touristes locaux.
Je m’appelle Simon Icard, bienvenue dans Soluble(s), le podcast qui médiatise les solutions.
Bonjour, Grégory Gendre.
Bienvenue dans Soluble(s)
Aujourd’hui, je voulais en savoir plus sur le recyclage de l’huile de friture.
Vous êtes le fondateur de Roule Ma Frite Charente-Maritime et vous expérimentez l’utilisation d’huile usagée pour la transformer en carburant.
Expliquez-moi comment ça marche.
Alors, c’est une vieille, vieille idée.
C’est-à-dire que Rudolf Diesel, quand il avait déposé son brevet, au début, le moteur devait tourner à l’huile de lin.
Et en fait, c’est le développement du diesel qui a un peu changé les choses.
Donc, nous, on s’inscrit dans un continuum, en fait, qui a commencé au début, même fin des années 90, avec un premier réseau qui s’appelait le réseau pétale, qui était à travers la France, en fait, représenté par différentes personnes structurées en associations et qui, pendant des années, on tournait avec un camion, qui s’appelait le camion pétale, et qui tournait en France partout pour faire des adaptations sur les moteurs, pour utiliser à l’époque de l’huile végétale, en fait, qui venait principalement du monde agricole où le tourteau, colza, tournesol, était pressé pour nourrir les bêtes et donc l’huile ainsi récupérée, alimentée et tractée.
Et au début des années 2000, un monsieur à Marseille qui s’appelle Christophe Oudelin a monté une association qui s’appelle Roule Ma Frite.
Le vrai papa de Roule Ma Frite, c’est lui, ce monsieur Oudelin.
En disant, utiliser de l’huile à place du diesel, c’est super, pour plein de raisons qu’on commence à connaître à droite à gauche, questions géopolitiques et sur l’émission .. etc.
Il dit, en revanche, nous ce qu’on va faire avec Roule Ma Frite, c’est qu’on ne va pas partir de l’huile végétale pure parce qu’autant que cette huile, la protéine naturelle nourrisse ou les hommes ou les animaux, on va plutôt partir du déchet, du coup de l’huile de friture usagée.
Et c’est ce déchet-là qu’on va réutiliser, logique de recyclage, pour mettre à la place d’eau.
Et en fait, moi, j’ai rencontré Christophe et les gens de Marseille en 2006, parce qu’à l’époque, je travaillais pour Greenpeace, pour le bureau français, et on faisait une action avec le Rainbow Warrior sur le port de Marseille, bloquer le port, non pas avec une sardine, mais avec le rainbow, pour dénoncer la surpêche du ton rouge.
Et donc, il y avait des réunions avec tout le milieu associatif militant marseillais, très, très riche et très, très dense.
On s’est rencontré comme ça.
Et il m’a présenté Roule Ma Frite.
Moi, j’ai halluciné.
Je lui ai dit, mais c’est génial.
Alors là, vous êtes dans un podcast de solutions.
Donc là, c’est…
Je vois encore la chair de poule.
Vraiment un éblouissement.
Mais c’est génial ton truc.
C’est incroyable.
Parce qu’en plus, techniquement, c’était vraiment hyper simple.
Et du coup, je lui ai dit, voilà, moi, à l’époque, j’avais 28-29 ans.
Ça faisait 10 ans que j’étais parti à Paris pour mes études et pour le boulot.
Je voulais rentrer chez moi à Oléron et je lui ai dit, écoute, ce que tu fais, c’est vraiment super, vraiment associatif.
Moi, j’ai plutôt du monde économique financier, donc j’ai plutôt une culture entrepreneuriale.
J’ai dit, moi, je pense que ce que tu fais, on peut tout à fait, en gardant les mêmes valeurs, arriver à créer de l’emploi autour de ça.
Et le meilleur moyen, je pense, c’est de faire la preuve par exemple.
C’est comme ça que s’est créé Roule Ma Frite en 2007 sur Oléron, et donc sous statuts associatifs.
Et donc on a dans l’article 2 des statuts, c’est donc écrit noir sur blanc déposé à la préfecture de Charente-Maritime.
C’est donc récupération des huiles alimentaires usagées auprès des émetteurs, les restos, les campings, les maisons de retraite, les fêtes de village, les clubs de sport, tout ce qu’on peut imaginer.
On cuisine des frites, il y a quand même pas mal d’endroits sur un territoire monde fait, pour alimenter les véhicules diesel pour les questions de mobilité.
Sinon, en milieu rural, c’est un gros fonds important, la mobilité.
Et en parallèle, un sujet dont on parle moins, mais qui, à notre point de vue, est tout aussi important, lutter contre la précarité énergétique parce que l’huile a la bonne idée de pouvoir très bien se mélanger avec le diesel, mais également avec le fuel pour les choisir.
Donc, c’est comme ça qu’on est parti.
Alors, je le disais, vous venez de l’évoquer depuis 2007, vous conduisez une expérimentation en Charente-Maritime.
Est-ce que vous pouvez me décrire un petit peu le cheminement que vous avez, que vous avez emprunté, le chemin que vous avez emprunté et quel bilan tirez-vous aujourd’hui en 2022?
Oui, alors, ça, c’est ce genre de question.
C’est à chaque fois, on se dit si au début, quand on a commencé, on nous avait dit voilà ce qui va se passer.
Je ne sais pas ce qu’on va aller.
Non, c’est une aventure.
C’est 15 ans déjà.
15 ans de vie, c’est hyper dense.
C’est un moment de vie, c’est un gros moment de vie collective.
Je suis un peu la tête de gondole, c’est souvent moi qu’on voit dans les médias, etc.
Mais c’est un vrai boulot à la fois du côté de l’équipe salariée, à la fois du côté des administrateurs, à la fois du côté de nos adhérents, quand tout le monde jouait le jeu.
Et puis du côté de la société, c’est-à-dire que quand on s’est créé en 2007, il faut se rappeler un peu quel était le contexte à la situation de l’époque, c’est-à-dire que nous, on s’est créé quasiment un an et demi jour pour jour avant les Man Brothers, pour ceux qui s’en rappellent.
L’économie circulaire est un terme qui n’existait pas.
Ou alors si ça existait, c’était vraiment dans un cénacle de gens très, très, très, très pointus.
La revalorisation des déchets, ben oui, il fallait le faire parce que depuis la loi royale de 92, il y avait une série de choses qui se mettaient en place.
Mais bon, et là-dessus, on n’avait pas encore vécu ces grands coups de yo-yo sur les cours du pétrole et de l’énergie.
Donc, il y a une anecdote que je raconte tout le temps pour s’ab Moi, je suis fils de médecin.
Et donc, quand on a monté l’asso Roule Ma Frite, c’est un peu comme quand on fait à chaque fois, là, on est allé voir le tour des communes pour rencontrer le maire ou les élus présentés.
Et le maire, à l’époque de la commune où j’habite, Dolus, qui est un monsieur très sympa, il paye à son âme, maintenant il est décédé, M.le maire, donc on fait le rendez-vous, je lui explique et tout, puis à la fin, il me regarde et me dit, M.
Gendre, quand même, votre père est médecin, vous avez fait des études, moi je suis journaliste aussi de formation, vous avez bossé dans des journaux, etc.
Là, vous avez 30 ans, je veux dire Roule Ma Frite, il est temps d’être un peu sérieux.
Et je trouvais ça hyper drôle à l’époque.
Parce que lui, pour le coup, ces deux gamins sont au comptable, du cabinet, la compagnie, on se rue qu’ils bossent bien.
Et ce que je lui dis, mais si vous voulez qu’à un moment donné, des gens comme vos enfants aient du travail, il faut que des entrepreneurs comme nous explorions et inventions de nouvelles choses parce que quelle est la situation aujourd’hui?
Si on tend le fil et de manière un peu prospective demain, peut-être que ce déchet qui est aujourd’hui en merde tout le monde, parce que c’était vraiment le cas de lui en 2007, peut-être que demain ça va faire quelque chose.
Et donc, tout est parti de ce principe, sachant que moi, j’arrivais de Greenpeace, j’étais chargé de communication, donc j’ai un gros, gros fichier presse, puis vraiment militant à fond.
Et donc du coup, Roule Ma Frite est devenue, au moins dans son début, une sorte de campagne annexe de Greenpeace, très militante au départ, vraiment en disant, bon ben voilà, on n’était pas encore à la COP15, à Copenhague, il y avait quand même ces signaux d’alerte partout, partout, partout sur les enjeux du climat.
Voilà, on faut qu’on fasse vraiment la preuve par l’exemple qu’on peut réduire les gaz à effet de serre.
Donc on est parti, on est parti, comment vous dire ça, très vite, très fort.
Justement sur l’exemple, décrivez-nous, racontez-nous ce qui se passe sur l’île d’Oléron au quotidien avec votre équipe.
Que faites-vous concrètement avec cette l’île que vous récoltez?
C’est auprès des professionnels que vous récoltez l’île?
Oui, c’était ça.
Donc en fait, on a tout un réseau d’adhérents.
Donc on a 147 adhérents dans l’île, donc sur à peu près 180 établissements qui font de l’île.
Et donc, c’est des gens avec qui on signent une convention de partenariat.
Eux, adhérents à la soupe, donc ou à type gratuit, ou ils adhèrent à hauteur de 50 ou 100 euros, ça dépend de comment on se met d’accord sur les tournées.
Et puis ensuite, on a une fréquence de passage et de collecte des huiles, c’est-à-dire que eux, restaurateurs, quand ils vivent leur friteuse, du coup, ils conditionnent leur huile dans des bidons spécifiques.
Et après, ils n’ont plus à s’en soucier, parce que du coup, nous, on passe dans les bidons, donc on leur prend leurs fûts pleins, on leur remet des fûts propres et on gère la traçabilité de leur huile.
Et donc, on leur remet enfin l’exercice des bordereaux de collecte.
Parce que depuis 2012, c’est partie des évolutions, les restaurateurs sont tenus vraiment de gérer leurs huiles.
C’est-à-dire qu’en cas de contrôle, on prend leur facture, le service de l’État qui font ça, des DPP, et il dit voilà, monsieur, vous avez acheté 100 litres d’huile, on considère qu’il y a 20 litres la part des anges, c’est-à-dire c’est resté dans les frites, c’est tombé, machin, etc.
Qu’avez-vous fait des 80 litres restants?
Donc, il faut que le professionnel, lui, soit en capacité de dire je me suis fait collecter par un opérateur, donc un agrément de la préfecture, un agrément en combat, là nous, mais d’autres, il y a pas mal d’acteurs qui font ça, et comme ça, le restaurateur équilibre.
Donc, on s’occupe de ça.
On travaille sur ce qu’on appelle le rendement énergétique, c’est-à-dire de faire des tournées, c’est de la logistique, qui sont le plus rempli possible, puisque l’idée, c’est dépenser le moins d’énergie pour en récupérer le maximum.
Et après, on a une station de filtration qui est basée sur le continent, pas sur Oléron, pour ceux qui ne connaissent pas, c’est là où on fait les huitres de Marrenine-Oléron, donc il y a Marène qui est sur le continent, Oléron qui est en face.
Donc, on passe le pont et on va sur le continent, on a une station de 300 m², où là, les huiles suivent un schéma relativement simple, c’est beaucoup de décantation, beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup.
Ensuite, il y a une filtration très simple, nous c’est très, très low-tech ce qu’on fait.
Ensuite, malheureusement, 95 % ou 92 % de ce qu’on collecte chaque année, du coup quitte le territoire parce qu’on n’a pas d’autre choix aujourd’hui.
Et nous, on garde toujours entre 5 et 10 %.
Donc pour alimenter un de nos camions de collecte qui roule à l’huile.
Donc là, en ce moment, avec les grosses chaleurs, il roule à 100 % à l’huile.
Donc là, on prend la preuve par l’exemple.
Et on a le véhicule de coordination de l’asso, qui est un braek Mercedes, l’AD 93, qui roule pareil à 100 % et dont on se sert pour les rendez-vous qu’on peut avoir avec le président ou l’équipe salariée, quand on fait l’éducation environnement, quand on va sur des salons, des trucs, des cils.
C’est un peu notre doloréal à nous, pour ceux qui se rappellent Retour vers le futur, qui permet de montrer que c’est possible.
Et là, j’ai arrêté de compter, mais pendant un temps, j’avais un carnet où j’ai noté le nombre de fesses qui s’étaient posées sur le siège passager.
Vous savez, on est arrivé à un beau…
Je crois qu’on est passé la barre des 480 fesses.
Vous démontrez que c’est possible d’utiliser ces huiles végétales comme un biocarburant.
Est-ce que c’est possible pour toutes les motorisations, pour tous les moteurs où il y a des contraintes indépassables?
Non, non, non.
Alors là, aujourd’hui quasiment plus.
C’est-à-dire que quand on a commencé en 2007, il y avait, on va dire, 80 % du parc automobile qui pouvait fonctionner à l’huile.
Donc, du fait de l’évolution technique, en fait, des moteurs, des injecteurs, etc.
Donc, pour la partie, on va dire, de la vulgarisation, qui est la décantation la plus simple de l’huile.
Ensuite, après, sur l’autre biais, qui est là la filière qui est plus industrielle, sur laquelle on ira, là, on attend que l’amendement pour mettre le goût, c’est grâce à une boîte allemande qui s’appelle IDAC, H-Y-D-A-C, qui commercialise un produit qui s’appelle le FAM, qu’on a testé, qui est un appareil de dialyses.
Et en fait, là, c’est extrêmement intéressant.
Donc, à des clients d’IDAC, par exemple, c’est EDF, parce que le principe du FAM, c’est d’arriver à soutirer l’eau, donc l’eau visible et l’eau invisible qu’on trouve dans les réseaux, dans les circuits, dans les huiles, pour assurer leur pérennité.
Parce qu’en fait, l’eau, qui d’un côté est source de vie, comme tout le monde sait, est de l’autre, riche en acide, notamment dans l’huile.
Ce qui fait que nous, si on veut gagner en neutralité, il faut absolument qu’on arrive à enlever cette eau.
Et donc, avec cette machine, l’IDAC, on est passé, donc on l’a fait sur une cuve de 1000 litres, de 900 ppm d’eau, donc des parties par million, au départ, qui est le niveau standard de ce qu’on récupère sur une tournée d’huile lambda.
Et après 12 heures de dialyse, on est descendu à 247 ppm d’eau.
Et là, ce qui est intéressant, c’est que quand on baisse la teneur en eau, dans l’huile, de manière biochimique, il y a toute une série d’indicateurs également qui changent, les molécules évoluent.
Et en fait, quand on regarde le résultat auquel on est arrivé grâce à l’IDAC, et quand on regarde les exigences de la norme, on appelle les biocarburants, qui n’ont rien de bio d’ailleurs, le terme générique qui a été là-dessus, qui s’appelle la DIN, donc c’est la 14214, un peu technique, mais c’est comme ça, et là on se rend compte qu’avec le matériel IDAC fonctionnant, on arrive au même résultat.
Donc là, c’est extrêmement intéressant parce que là du coup, ça veut dire que si l’amendement passe, et si on peut aller sur une filière industrielle, donc ça veut dire un modèle économique, une viabilité financière, donc du coup des amortissements, enfin voilà, une logique entrepreneuriale sur le long terme, en se dotant de ce type de matériel, ne coûte pas extrêmement cher non plus, mais il faut un petit billet à l’investissement.
Là pour le coup, l’huile qu’on sortira grâce à ce matériel-là pourrait être utilisée dans tout type de moteurs.
Et là, on est à plein dans le sujet de l’économie circulaire où concrètement un déchet devient à son tour une nouvelle ressource quelque part.
Ce sont vos principales attentes en termes de changement réglementaire?
Nous on a toujours travaillé là-dessus en fait.
C’est-à-dire qu’en termes de gisement national, si demain 100 % des huiles alimentaires usagées étaient recyclées, ce qui n’arrivera jamais.
Ça représenterait en tout et pour tout de mémoire sur un chiffre de l’ADEME 0,1 % de la consommation des produits énergétiques en France.
C’est-à-dire que si on utilise de l’huile pour mettre à la place du diesel ou à la place du fuel pour faire comme d’habitude, on aura mis à coup de ripolin, ça fera du greenwashing, mais il n’y a rien.
Si en revanche, et c’est là où nous, on sert de notre territoire comme un labo à ciel ouvert.
On se dit que les 38 000 litres qu’on a sur Oléron et Marenne, on les vend de la manière suivante, c’est-à-dire 15 000 litres pour la mobilité sociale, c’est-à-dire des véhicules de 9 places qui tournent à l’année en milieu rural pour permettre aux personnes âgées isolées d’aller faire leurs courses, pour permettre aux demandeurs d’emploi d’aller au forum saisonnier ou aux emplois saisonniers.
Chez nous, il y a de grosses saisons.
Maintenant, on est au cœur, l’été, et puis l’hiver avec les huiles, bien entendu, avec des pôles d’emploi vraiment bien définis géographiquement.
Donc voilà, inventer des lignes du trajet pendulaire avec ça.
On peut offrir, entre guillemets, au territoire, 150 000 kilomètres de mobilité sociale.
Ensuite, sur les questions agricoles, qui sont extrêmement prégnantes aujourd’hui, notamment la sécheresse.
Moi, la GAEC avec laquelle je collabore, donc la GAEC c’est Groupe Monde Agricole, l’exploitation agricole, produit 60 tonnes de légumes par an.
Pour produire ces 60 tonnes de légumes, elle a besoin de 2000 litres de diesel pour le travail tracteur, etc.
Ça veut dire que si on met 10 000 litres d’huile sur les questions agricoles dans un territoire comme chez nous, et qu’on fait un produit en croix, c’est-à-dire qu’on peut alimenter 5 GAEC, 60 x 5, 10 tonnes d’huile assurent une sécurité alimentaire de 300 tonnes de légumes sur un territoire donné.
Dans le contexte actuel, je pense que c’est pas mal.
Pour la précarité énergétique, si on fait la même chose, c’est-à-dire qu’on peut, en complément du chèque énergie, mettre 200 litres d’huile dans des chuteurs d’airfuel.
Parce que oui, elles vont changer, ces chuteurs d’airfuel, et il faut les changer, mais elles ne vont pas toutes changer demain.
C’est un rêve, ça.
Donc, il y a encore aujourd’hui, malheureusement, pas mal de passeports thermiques qui sont au fuel, donc on contribue à ça.
Et enfin, chez nous, pour la partie touristique sur ce qu’on appelle la sensibilisation d’environnement, si on met 5000 litres d’huile dans des petits trains touristiques, donc on a la chance d’avoir plusieurs trains chez nous qui circulent, on sensibilise entre 100 et 150 000 touristes, ce sont les gens qui prennent, qui achètent des tickets chaque année pour leur dire, Mesdames et messieurs, vous fonctionnez dans ce petit train grâce au resto bidule, bidule, bidule, au camping bidule, bidule, bidule, qui joue le jeu, qui bosse ensemble, voilà, vous venez sur notre territoire, ensemble il faut qu’on réduise tout ça, parce qu’il y a un sujet dont on parle peu, mais que nous on vit extrêmement fort sur nos côtes, c’est que plus il y aura de gaz à effet de serre, plus il y aura d’évolution climatique notamment liée à la mer, à la montée des eaux, à l’évolution des tempêtes, Et notre territoire, notamment le sud de l’île d’Oléron, est un des coins d’Europe de l’ouest qui recule le plus aujourd’hui.
On s’est monté des eaux.
Donc, on a aussi cette nécessité absolue par rapport à l’intégrité de notre territoire, de contribuer à trouver des solutions moins carbonées.
Et alors là, où il faut se remettre à sa place, Roule Ma Frite ne va pas sauver l’humanité en termes de carbone.
En revanche, si on ventile, comme je viens de vous l’évoquer sur ces quatre pans, cette activité-là, on a un effet levier autour de l’huile à la fois en termes de résultats et le résultat pédagogique, qui est extrêmement intéressant parce que c’est un outil pédagogique formidable.
Et avec Infine, la réduction carbone n’est pas mal.
Et après, pour celles et ceux qui aiment bien les calculs, nous, ce que je vous raconte, c’est sur 15 communes.
Donc, si on considère que la France métropolitaine et les collègues des territoires ultramarins, c’est 36 000 communes, donc il faut faire 15 fois 2 400 pour arriver à 36 000.
Donc tous les résultats que je vous ai donnés, là, vous faites 150 000 fois 2 400 pour la mobilité sociale, 300 tonnes de légumes fois 2 400, 150 000 touristes fois 2 400.
Alors c’est du produit en croix, c’est vulgaire, mais ça donne une potentialité de ce que peut faire ce changement systémique si partout sur les territoires, l’huile était gérée comme nous on le fait ici.
Il faut un changement législatif pour ça.
C’est vraiment l’objectif de l’amendement, c’est-à-dire que là où Monsieur Bayou a été extrêmement intelligent et très fort, c’est de réfléchir à cet angle pouvoir d’achat sur la partie solution technique.
C’est-à-dire que quand il s’est mobilisé qu’il a déposé l’amendement, il y a comme d’habitude une partie des gens qui se disent.
C’est bon, les écolos, Frites-Machins, etc.
Sauf qu’il y a une autre partie des gens, notamment sur les territoires, où en fait, il y a énormément d’acteurs aujourd’hui qui font huile.
Moi, vous m’interviewez aujourd’hui et je vous en remercie, je suis très content.
Mais Roule Ma Frite existe par exemple dans le 31, existe dans le 66, existe à Bayonne, dans les Ardennes, c’est une association qui s’appelle Araname, dans le nord de la France, c’est une structure jumelle, sœur à nous qui s’appelle Géco, qui fait un boulot excellent aussi, qui est parti sur les éthers éthyliques.
En Corse, Philippe Calvi a développé Central Corse Bio, avec des huiles techniques d’excellentes qualités qu’on a testées.
Il a réussi à faire des savons sur le principe du savon de Marseille, du nettoyant qui marche mais formidablement bien, biodégradable, qui n’abîme pas les mains des usagers.
Donc en fait, il y a une communauté d’acteurs qui s’est emparée du sujet.
Et dans une logique, pardon je vais utiliser des anglicismes, mais qui mêle à la fois l’esprit wiki, le côté open source, le côté copy left, pour du coup faire une sorte de marmite à bonnes idées.
Pourquoi?
Parce que ce que nous on fait chez nous répond aux besoins du territoire qu’on connaît.
Mais si on veut le pluguer à l’instar d’une franchise dans la drôme ou dans le Morbihan, c’est idiot.
Peut-être que la drôme et le Morbihan vont reprendre 40-50 % de ce qu’on fait, mais ensuite le reste, ils vont l’inventer.
Et c’est ça qui est formidable.
Parce que c’est l’invention locale et les synergies locales qui font que tout le monde joue le jeu.
Et je vous donne un exemple tout simple.
Quand le restaurateur, un restaurateur de Lille, a su qu’on avait mis en place sur la commune de Dolus cette navette qui tournait et qu’il a su que sa grand-mère avait pris cette fameuse navette pour aller là.
Quand moi je suis arrivé avec mon camion pour chercher des juifs, il m’a embrassé en fait, alors qu’on n’était pas pote, plus que ça.
Il m’a dit, mais Grégory, on se tutoie tous comme on se connaît.
Il me dit, le truc pour ma mamie, c’était indémerdable parce qu’elle habite à deux kilomètres du bourg.
Un taxi, non, c’est pas rentable.
Lui, restaurateur, il bosse, machin, sa frangine, pas là, donc compliqué.
La voisine, oui, une fois de temps en temps, c’est bien, mais c’est pas facile.
La ligne de bus, la grosse ligne de bus, non, .. , ça n’a pas de sens à deux bornes.
Et elle, toute seule, déambulateur, deux bornes, ne peut pas.
Donc en fait, c’est ça le truc.
C’est-à-dire que l’huile, elle répond à du petit besoin sur les petits tracas du quotidien, mais qui permettent de résoudre de grandes emmerdes.
Donc c’est un sujet de proximité.
La récupération par vos soins de l’huile est gratuite.
Vous proposez cette solution au professionnel?
Oui, c’est ça.
Après, pendant des années, il y avait ou une adhésion gratuite, c’est la compétition de trois par trimestre.
Ensuite, il y avait une adhésion payante, on passe à la demande.
Là, ça, c’est un peu changé parce que du coup, Ukraine, Covid, c’est un peu comme partout dans le business, tout le monde a le bon dos.
En tout cas, les prix de l’huile à l’achat ont explosé.
Les restaurateurs l’achètent 4 euros, enfin sur Oléron, les derniers collègues qui m’ont montré des factures, 4,70 euros.
Il y a deux ans, il a payé 1,80 euros.
Donc du coup, nous, on leur a dit, en plus, vous surchargez avec un mètre 50 balles.
Si vous voulez donner à l’asso, vous donnez.
On n’est pas dans le truc.
Ils nous connaissent, ils savent qui on est, ils savent ce qu’on fait, etc.
Et en moyenne, chaque année, on a en tour, donc on a 340 gens qu’on collecte dans le 17.
On en a 200 à peu près qui nous font un don là-dessus pour participer au truc.
Et de l’ordre, on tourne à peu près autour des 50 euros pour contribuer au sujet.
L’autre panque qu’il y a pour les restaurateurs, c’est que, en 2019, la loi de finance a validé la hausse de ce qu’on appelle la TGAP, la Taille générale sur les activités polluantes.
Ce qui fait qu’à partir de 2023 et 2024, la tonne de déchets qui va être incinérée ou la tonne de déchets qui va être enfouie va fortement augmenter.
Donc, pour vous donner un ordre d’idée sur Oléron, c’est un budget de 7 millions d’euros, la partie déchets, avec la hausse de la TGAP.
Si on reste sur les volumes actuels sans rien changer, mécaniquement, il va y avoir une surcote de 320 000 euros par an.
Du coup, il y a la nécessité de moins enfouir et moins incinérer.
Ce qui est plutôt intéressant de base.
Du coup, se met en place la redevance incitative parmi les territoires.
Maintenant, tu ne payes plus au forfait tes déchets, mais tu as payé au point.
Du coup, avec les restaurateurs, plus la loi bio-déchets qui arrivent, on s’est dit qu’il faut absolument qu’on ait une réflexion collective autour de ces déchets fermentissibles, quand ils préparent les légumes, etc.
D’où l’intérêt du lien avec le monde agricole.
Aujourd’hui, on a commencé avec certains restaurateurs, en plus de l’huile, on récupère des bacs dans lesquels ils mettent leurs déchets fermentissibles, qu’on apporte chez des agriculteurs avec qui on travaille, dont eux se servent pour faire du compostage en plein champ, parce qu’il y a aussi la nécessité absolue pour ces agriculteurs à avoir de l’amendement local.
Parce qu’à un moment donné, les bio-mois, mais les conventionnels, dépendent d’amendements qui sont produits par du gaz.
Je pense qu’il n’aurait échappé à personne à la question du gaz en ce moment, c’est un petit peu pointilleux.
Donc du coup, d’un bête point de vue économique, c’est à minima plus 30, plus 40 % sur les coûts.
D’où la justification encore plus de cette circularité et de cette complémentarité des actions.
Un monsieur qui s’appelle Stéphane Linou, qui a énormément travaillé sur les questions de sécurité alimentaire, a été le premier, vraiment, moi j’ai eu la chance de l’encontrer à plusieurs reprises, il m’a vraiment éclairé là-dessus, sur la nécessité absolue de faire coïncider des flux et de faire des dérivations entre des gisements et des usages qui n’existaient pas forcément, mais qui font vraiment sens.
Et un camion de collecte, quand en plus il roule à l’huile, pour le coup il peut servir à ça, parce que ce n’est pas que de l’huile qui rentre dans un camion.
Alors deux questions très concrètes avec des réponses très courtes pour terminer.
On parlait d’argent, d’économie, il y a un bénéfice économique à rouler à l’huile de friture?
Pour nous, dans l’asso, oui, parce qu’on le fait nous-mêmes.
Donc en fait, on roule à zéro au lieu de mettre du diesel au prix du diesel.
Donc en fait, on roule à zéro au lieu de mettre du diesel au prix du diesel.
Après, sur le coût réel de transformation, de décantation, d’amortissement, etc., il ne faut pas espérer non plus demain à réussir à produire de l’huile de qualité en dessous de 80 centimes, un euro-litre.
Ça reste comme tous les produits qualitatifs, c’est-à-dire que ça se fait pas tout seul.
Il faut du matos, il faut des gens, etc.
Donc c’est un coût, c’est clair, mais qui sera toujours beaucoup moins important que le coût du diesel si on compte, alors déjà le coût du diesel en direct, plus les externalités négatives.
Il faut qu’on oublie quand même que le…
Aujourd’hui, à ma connaissance, il n’y a encore aucun pays qui n’en a envahi un autre pour ses ressources en huile alimentaire usagée.
Alors peut-être que ça viendra un jour, mais pour l’instant, on n’en y est pas.
Et ce que je vous disais tout à l’heure, c’est dans ce qu’on appelle le rendement énergétique.
Quand on fait une tournée de 100 km et qu’on récupère 700 litres d’huile, ce qu’on fait à peu près, que sur ces 700 litres d’huile, on arrive à en revaloriser, on va dire, 600, ça veut dire que quand on dépense 10, on refabrique 600.
Ça veut dire que nous, on dépense 10, on refabrique 600.
Donc, ça veut dire que quand on dépense 1, on refabrique 60.
Quand vous allez à la pompe pour mettre 1 litre d’essence dans votre voiture, il a déjà fallu 1 litre pour le produire.
Extraction, raffinage, transport, etc.
Plus le contexte de l’eau politique.
Donc, on est sur une économie de la proximité qui est beaucoup moins gourmande, beaucoup plus neutre en carbone que du produit hydrocarbure classique.
Et sachant que ça, j’ai oublié de vous le dire, les huiles, si elles ne sont pas gérées, nous, c’est ce qui se passait sur Oléron quand on arrivait, qu’elles étaient jetées dans les canalisations.
Ça coûte un pognon dingue pour déboucher notamment l’hydrocureur.
Nous, avant qu’on arrive, c’était 20 000 euros par an que la collectivité devait dépenser d’hydrocureur sur Oléron.
Là, depuis qu’on bosse, on est à peine à 2 000, 3 000 euros par an.
Ma dernière question peut faire sourire, mais je suis sûr que tout le monde se la pose en nous écoutant.
Est-ce que ça a une odeur particulière?
Est-ce que ça sent la frite quand on roule à l’huile végétale?
Oui, ça sent l’huile, oui.
Alors après, de toute façon, c’est un signe.
Plus ça sent l’huile, c’est que moins ça a été décanté, moins ça a été filtré, moins la miscibilité se fait bien.
Après, quand on travaille, ce que je vous disais tout à l’heure, avec la solution IDAT, notre pas vraiment industriel, là, pour le coup, ça sent rien du tout.
Là, vraiment, on est sur une huile qui est d’une beauté.
On a l’impression qu’elle est neuve.
Elle est jeune, tellement elle a puré.
Sur la décontation, la filtration artisanale, comme on le fait là-dessus, il y a une petite obérance.
Merci beaucoup Grégory Gendre.
Je rappelle que vous êtes le fondateur de Roule Ma Frite en Charente-Maritime.
Merci, c’était passionnant.
Merci d’être passé dans Soluble(s).
Écoutez l’épisode complet. (Seul le prononcé fait foi)
Simon Icard (résumé avec IA)
Propos recueillis par Simon Icard.
Pour aller plus loin :
La page Facebook de “Roule ma frite 17” (Charente-Maritime)
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